Rarement, je me couche l'esprit serein et apaisé de pensées redondantes.
Parfois, je ne sais plus contre quoi ou contre qui je me bats.
Souvent, je me dis que je ne me reconnais pas.
Tout le temps, j'ai l'impression de ne plus rien contrôler.C'est drôle comme un diagnostic peut changer une vie.
Sur le moment, on se sent compris, soulagé, il y a une raison à tout cela.
Un instant plus tard, on se dit que quand même ce n'est pas de chance, ça aurait pu tomber sur quelqu'un d'autre.
Dans le temps, après les recherches et la compréhension de ce qui nous touche, on ressent une profonde détresse et une forte injustice.
Plus tard, avec les traitements, on se sent plus instable que jamais.
Dans le futur, on espère toujours se stabiliser même si cela prendra des années.Avant d'être détectée, elle est un poison.
Une fois les mots posés, elle semble abstraite.
Après avoir été digérée, elle obsède.On veut s'en débarrasser et pour cela, on y consacre toute notre énergie. On aimerait ne pas se définir par elle mais malgré tout on se résume quelque fois à ce qu'elle fait de nous. Elle nous semble fatale des fois et pourtant elle ne l'est pas tout le temps.
Une affection psychique est aussi importante qu'une affection physique. Malheureusement, notre société ne le réalise pas toujours.
Une douleur physique est souvent moins douloureuse qu'une douleur psychique. Mais à cela aussi certains trouveront à redire.
Soigner un bras cassé c'est bien plus simple que soigner une dépression. Pourtant, la prise en charge ne sera jamais la même.L'hôpital psy, ce grand délaissé. L'hôpital psy, sujet de tant de fantasmes.
L'hôpital psy, cet endroit où des personnes merveilleuses donnent tout ce qu'elles ont pour tenter de vous sauver.
L'hôpital psy, qui doit faire face à une réalité économique bien douloureuse. Dans le public, mieux vaut laisser les "fous" entre eux, leur filer quelques cachets pour les calmer ça coûte moins cher que de les écouter.Être enfermée fut la pire expérience de ma vie. Plus la journée passait, plus l'envie de me suicider augmentait, livrée à moi-même, sans rien avaler, traitée presque comme un animal en cage dont certains avaient peur de s'approcher.
Lire dans le regard des autres la pitié, la peur et le dégoût. Finir par se détester. Ressortir par miracle et se dire qu'il faudra passer à l'acte avant d'en arriver là, déchet de la société, abandonné dans un lieu clos comme un lion affamé en cage.
Si les hôpitaux psychiatriques sont trop plein c'est parce qu'ils n'ont pas les moyens de soigner les malades mais simplement de calmer les crises trop graves. Je ne dis pas que les médecins y sont exempts de tout reproche mais ceux que j'ai rencontré l'étaient. Ils m'ont aidé comme ils le pouvaient, à raison d'une journée quand je cédais et d'une heure tous les mois pour ne pas me laisser tomber.
On m'a déclarée cyclothymique, une forme légère de bipolarité. Avec le temps on en est arrivé au diagnostic que j'avais pensé éviter: bipolarité. Pas de légèreté. Pas très bien définie, assez floue.
Alors je me bats contre je ne sais pas trop quoi, contre moi-même aussi parfois. Je me bats depuis des années mais aujourd'hui le seul voeu que je pourrais faire est d'être stabilisée.
J'aimerai pouvoir raconter au monde entier l'enfer que je vis, le parcours du combattant pour me faire soigner, les coûts astronomiques. Seulement, qui a envie d'annoncer au monde entier qu'il est fou? Personne.
Avant d'être diagnostiquée bipolaire, je souffrais selon certains psychologues d'un trouble d'anxiété sociale. A l'époque je pensais être tolérante vis à vis des maladies psy. La blague. Avant d'apprendre que je l'étais, je pensais que les bipolaires étaient des gens dangereux pour eux et pour les autres. Qu'ils avaient une double personnalité. Qu'ils faisaient peur.
Aujourd'hui je me regarde dans la glace avec tous ces préjugés déjà acquis et je ne crois pas que cela m'aide à accepter.
J'ai souvent l'impression de devenir folle. Mon point faible est la colère. La colère brûle mon corps et je peux vous assurer qu'à ce moment, je ne suis plus capable de quoi que ce soit. J'ai envie de tout détruire, j'ai le souffle coupé, je pleure, je crie. Oui je dois avoir l'air d'une folle.Mais comment réagiriez-vous si vous en vouliez au monde entier de ne pas assez avoir protégé l'enfant que vous étiez du danger qui le guettait? Sûrement avec de la colère. Et la colère est destructrice.
Pourtant elle ne réparera rien. Ni la honte, ni la peur, ni la culpabilité.
Surtout pas la honte.Pendant longtemps, j'ai entendu toutes ces victimes de viol s'exprimer et moi je les écoutais sans comprendre. Non elles n'étaient pas coupables. Non elles n'étaient pas sales. Non elles ne devaient pas avoir honte.
Il y a presque un an maintenant, j'ai compris. J'ai compris la honte, plus que tout la honte. Il faut se taire quand on a été violée. Il faut se cacher et ne rien dire. Alors on culpabilise, on se lave sans raison, essayant d'enlever toute trace de ce qu'il s'est passé même seize ans après. On a beau être victime, on se sent coupable. Coupable plus que victime.
La faute à qui? Je n'ai même pas envie d'en discuter. Mais comment ne pas ressentir cette colère qui vous dévaste, cette colère douloureuse, cette colère qui devient votre seul moyen d'expression face à l'injustice. Parce qu'a deux ans, on n'est pas assez conscient mais surtout parce que le coupable, il ne faudrait pas lui gâcher sa vie.
Mais qui pense à ma vie gâchée? Qui pense à la peur des hommes que j'ai développée? Qui pense à l'anxiété qui a remplacé les souvenirs? Qui pense à la douleur qu'on ressent à chaque instant qu'on le veuille ou non? Qui? Personne parce que rappelez vous, on doit avoir honte de s'être faites violée.
Alors voilà bienvenu dans mon esprit. Voilà ce que je ressens, voilà à quel point j'ai peur, voilà à quel point je suis perdue.
Je suis incapable de vous dire si je m'en sortirai. Je sais simplement que sans tout ça, je n'aurai jamais eu besoin d'écrire. Et écrire c'est ce qui donne un peu de sens à ma vie.
Écrire, c'est mon petit moment d'apaisement, écrire, c'est aussi mon échappatoire à chaque fois que ça ne va pas. Écrire c'est la seule constante de ma vie. C'est le seul truc qui tient depuis 11 ans maintenant. C'est la seule passion qui ne me quittera jamais.
Écrire c'est ma façon à moi de me battre. C'est ma façon à moi de dénoncer, de dire qu'il y a des choses qui vont vraiment mal. Écrire, c'est ce qui me fait aller mieux au final. Et contre les traumatismes, la maladie, les complications et aléas de la vie, l'écriture, c'est un peu ce qui m'a sauvée.
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I am thinking about [TERMINÉE]
RandomJe pense à beaucoup de choses. Parfois je me perds dans mes pensées alors j'essaye de tout éclaircir en écrivant. 2016-2018