- Brendon Urie? Tu as le meilleur professeur de littérature du monde, avec lui l'année dernière, j'ai tout compris, expliqua Sarah.
Sarah a une petite sœur de deux ans plus jeune, qui s'appelle Laura. Sarah est rentrée depuis un an à la faculté de sciences et y fait des miracles, mais la littérature lui a toujours plu, et Mr.Urie semblait avoir exacerbé ce penchant.
Laura, elle, n'a que 18 ans, et se trouve dans sa dernière année de lycée: la dernière ligne droite et ensuite elle pourra faire ce qu'elle voudra. Ce qui l'intéresse.
Mais pour ce faire, elle doit affronter les 365 jours de la terminale, le long calendrier scolaire de l'ennui où les jours défilent aussi lentement que les heures de cours. Rien ne la motive, à part cette lumière au bout du couloir; cette porte de sortie qu'est la fac.
C'est la première semaine de cours et Laura est déterminée. Déterminée à réussir, à faire fi de ce lycée, fi de ses camarades de classe qu'elle ne peut plus voir.
Mais en rentrant dans sa classe, elle et plus qu'étonnée de voir que toutes les filles sont jolies et bien habillées: elles sont apprêtées, scintillent de bijoux et on une apparence irréprochable. Elles sont toujours jolies, mais ce jour là, même Laura s'en aperçoit. Elle n'a pas les yeux éduqué à ça.
Laura ne se sent pas de taille face à elles, du coup elle n'essaye pas. Elle entend très distinctement la voix de sa sœur qui la gronde doucement: "tu pourrais être tellement jolie si tu te donnais la peine de ne pas ressembler à un rat mort!". C'est Sarah, donc c'est un compliment.
Mais quand le professeur rentre dans la pièce, elle comprend. Il regarde rapidement tout le monde avant de poser ses affaires et se retourne ensuite vers la classe.
- Bonjour à tous, asseyez vous.
Les élèves s'exécutent.
Il est très beau. Avec des yeux bruns luisants et des cheveux noirs. Il porte un t-shirt avec un jean et des chaussures en daim. Il semble beaucoup plus moderne que leur premier professeur de littérature, tellement moins antique que le maintenant très retraité Mr. Gate.
- Je suis Monsieur Urie, professeur de littérature, et accessoirement votre professeur principal.
La séance passe, mais étrangement, Laura ne se sent pas vraiment captivée par ce nouveau professeur: elle le regarde aller et venir, rire avec des élèves du premier rang et considérer calmement le fond de la classe, mais elle est au milieu, et déjà pas captivée par le cours, elle ne se sent concernée en rien par ce qu'il dit.
- Laura Andersen. Vous êtes la sœur de Sarah? Il fronce les sourcils, exigeant rapidement une réponse.
Laura sort de sa rêverie, surprise.
- Oui monsieur.
-Excellente élève. J'espère que ma matière vous inspirera autant que votre sœur, ri-il.Sa remarque se veut taquine, mais Laura ayant toujours souffert de la comparaison avec sa sœur, ne l'entend pas de cette manière.
- Et si c'est pas le cas? Demanda Laura avec détachement.
- Et bien je tâcherai de vous la rendre plus inspirante, répondit Mr.Urie avec toujours un peu d'humour.Une bienveillance sans vice, juste celui de Laura qui voit Sarah, assise sur le bureau de Mr. Urie, la regardant d'un air réprobateur. Elle a déjà envie de lever les yeux au ciel.
Laura ne dit rien d'autre jusqu'à la fin de la séance. Elle passe le reste de sa journée en silence, attendant les éventuels devoirs qu'on leur donne, les dates à garder en tête et les premières périodes de vacances. Rien de palpitant, mais aucune agonie en vue pour l'instant.
En sortant des cours, Laura se précipite chez elle et attrape son skate. La gomme dure, abîmée par des kilomètres de bitume avalés; le revêtement gris rugueux sous ses doigts, les éraflures multiples des couches de bois superposées et le cerf carnivore dessiné sur le dessous, qui surveille ses arrières. C'était un cadeau de son père.
Elle fait du skate. Elle a commencé jeune, et elle ne sait plus trop comment ni pourquoi, mais ça lui avait plu. Même après les fractures, après les pansements, les attelles et les points, même avec le sang qui coule, les larmes qui tombent et la sueur qui perle, rien pas eu raison de la planche dans sa chambre.
Sarah lui a dit que ce n'est pas féminin, mais elle était déjà là, elle, pour attirer les regards et captiver les foules. Alors Laura pouvait se contenter d'être ce qu'elle voulait, être cette silhouette qui passe inaperçue.Elle veux juste être différente de sa mère. Amanda Stone. Une femme qui les avait laissé il y a longtemps, juste après la naissance de Laura.
Elle est partie du jour au lendemain; et parce que Peter Andersen et Sarah Andersen l'ont détesté, Laura s'était contentée de la détester aussi, bien qu'elle fût la seule fille à lui ressembler de façon saisissante.
Les mêmes yeux marrons ternes et les cheveux châtains clair, presque gris.
Mais elle avait aussi, et c'était la seule, ces tâches de rousseurs, qui constellaient le chemin d'une pommette à l'autre, en passant par le nez. A l'inverse de sa sœur, dont la peau semblait couler sur tout son corps sans les moindres imperfections, sans coutures.Laura se demande souvent si c'est pour cette raison qu'elle a l'impression de créer un malaise chez son père de temps à autres: au retour d'une mimique, d'un rire, quelques fois, son père se fige et fuis sa fille du regard. Puis la vie reprend son court et Laura passe outre. Toujours.
Il y a des tas de choses qui constitue ce fossé entre elle et sa sœur. Mais elle n'a pas envie d'y penser maintenant. Elle roule sur la route vide, le vent tire ses vêtements et brosse ses cheveux, elle respire profondément et se risque à guetter le grain du béton qui s'étire avec la vitesse.
Elle a quelques copains là bas, au skate park, à peine plus que des fréquentations, mais elle ne s'y sent pas seule.
Elle les salue d'un signe de la main, et roule en direction de la rampe.
Laura skate bien. Elle a quelque chose dans sa technique qui rend sa pratique lisse, comme si on ne voyait plus les centaines d'heures qu'elle avait passé dessus à essayer de tuer sa féminité et ses genoux par la même occasion, car elle n'avait rien d'autre de mieux à faire que de haïr tout ce qu'elle était.Laura aime sentir le béton, la chaleur, l'inertie qui fait que son skate reste collé à ses pieds quand elle vole au-dessus d'une volée d'escaliers.
Elle aime le skate parce que c'est la seule chose qui ne lui rappelle rien, ni personne: personne dans sa famille ne fait de skate, et c'est peut-être pour cette seule et unique raison qu'elle a commencé.
Personne ne pourra lui dire de prendre exemple sur quelqu'un d'autre, car personne ne s'y connaît à part elle. Son domaine à elle, son champ d'expertise.
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SOMEWHERE
FanfictionA 17 ans, Laura n'aime pas grand chose, mis à part le skate. Elle skate entre les problèmes avec son père, la solitude, sa sœur qui l'a regarde, de loin, et Hannah et Thomas qui arrivent un peu à skater avec elle, mais sans jamais l'atteindre. Elle...