Partie 1

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Nous y voilà ! Ma première année à la fac de New York. J'ai encore du mal à y croire, mais je ne prends conscience de l'ampleur de la chose, que lorsque je franchis le seuil de ma nouvelle chambre, ma nouvelle vie s'ouvre à moi aujourd'hui. Plus de deux mois que j'attends ce moment avec impatience, et je suis en train de réaliser que cette année, plus rien ne sera comme avant. Adieu le lycée et ses pimbêches, adieu les prises de tête avec les parents, et bonjour indépendance et liberté.

Bon, effectivement, le changement est rude sur le coup. Je troque ma grande chambre avec salle de bains personnelle, contre une de dix mètres sur dix à partager avec une colocataire. Et je ne parle même pas de la salle de bains où il va sûrement falloir faire la queue pour pouvoir se doucher. Mais peu importe, c'est mon chez-moi quand même. Rien ne va pouvoir entacher mon moral.

La chambre est plutôt modeste, mais fonctionnelle avec deux petits bureaux, deux placards, deux lits simples et deux tables de chevets. Des valises sont déjà posées sur le lit de gauche alors je suppose que le côté droit de la pièce est pour moi. Dans mon dos, la porte claque, annonçant l'arrivée du reste de mes affaires et donc de ma mère.

—Voilà ma chérie, il ne reste plus rien dans la voiture, tu... Mon Dieu Rylee... tu es certaine de vouloir vivre ici pendant plusieurs années. C'est quand même tout petit. Bien plus que ta chambre, et nous n'habitons pas bien loin du campus.

—Maman ! Ne commence pas s'il te plait. On en a assez parlé comme ça. J'ai eu mon examen, alors maintenant, j'ai le droit de faire ce que bon me semble. J'adore cette chambre et je préfère vivre ici, plutôt que de faire des kilomètres inutiles pour rentrer tous les soirs.

—C'est vrai, souffle-t-elle. Mais si jamais tu veux revenir vivre à la maison, tu sais que la porte est ouverte ma Puce hein ?

—Tant que papa ne prendra pas ma vie au sérieux, je préfère être ici et éviter les conflits. C'est mieux pour tout le monde, je crois.

Je pose ma valise sur le lit et commence à la vider et entasser mes affaires. Je crois que j'ai vu les choses un peu trop en grand et que ma mère ne va pas repartir les mains vides. L'étagère au dessus du bureau est déjà pleine de livres alors que je n'en ai pas encore pour mes cours. Le cœur lourd, j'en choisi quelques uns qui n'auront eu l'occasion que de me faire un coucou rapide. Idem pour les vêtements. Bon, c'est moins grave, à chaque saison, je ferais un voyage pour échanger les jupes contre des doudounes. Depuis cinq minutes que j'ai le nez dans mon placard, ma mère n'a pas émit un seul son, ce qui ne lui ressemble pas. April James n'est pas aussi silencieuse que ça d'habitude. Ma mère est une personne solaire, elle bouge, rit, pleure et danse, autant qu'elle respire. On est loin de la personnalité de son mari qui est tout son contraire. Heureusement, j'ai hérité des qualités maternelles. En me retournant, je comprends mieux, ma mère regarde une photo de nous trois à ma remise de diplôme. C'est ce jour-là que tout a changé. J'ai changé. Fini la petite file modèle qui écoutait ses parents sans rien dire, fini les concessions et les non-dits. Ce jour a marqué d'une pierre blanche ma vie et ma relation avec mes parents.

Pourquoi ? Je veux danser ! Depuis que je sais tenir sur mes pieds, je danse, je ne sais faire que ça d'ailleurs. Moderne jazz, mais surtout, la danse classique. Bêtement, lorsque mon professeur a émis l'idée à mes parents que je passe des auditions à Juilliard, je pensais qu'ils seraient heureux pour moi de me voir toucher du doigt un rêve. C'était sans compter sur mon père et ses propres projets pour sa fille unique. Le docteur James prépare déjà sa relève, et voudrait que je reprenne un jour sa clientèle. Mais c'est SON rêve, pas le mien. Ce jour-là, une énorme dispute à éclater entre nous. Mon père, contre ma mère et moi... et il a gagné. Du moins, en partie. Il voulait que je me concentre sur mes études, mes examens. Moi pas ! Alors ma mère a trouvé un quiproquo pour que tout le monde se calme. Je passais ma dernière année au lycée, et direction la Fac, après ça, je pouvais faire tout ce que je voulais. Bien entendu, quand elle disait « après », j'ai tout de suite pensé « en même temps » pendant que lui, s'est dit « après mon doctorat ». Loupé ! Il espère encore que j'échoue à l'admission, mais je vais tout faire pour y arriver. Le pauvre, quand il saura que ce n'est pas médecine que j'ai choisi...

For R tome 1Where stories live. Discover now