For R tome 1

Partie 14

Rick

Putain ! Je vais faire un massacre. Elle n'a rien à faire chez moi, ou dans ma vie. Port Morris n'est pas un endroit pour elle. Pour personne d'ailleurs, mais nous, nous y vivons depuis longtemps. On nous connaît, on ne risque pas grand-chose.

Ma chienne de vie n'a été qu'une succession de ce genre de moments. Celui où tout bascule. Le décès de mon père, le départ de ma mère, lorsque j'ai appris que Kate était à l'hôpital... et les conséquences. Je savais que je n'aurais jamais dû m'approcher de Rylee, mais à penser avec ma queue, j'ai ignoré les risques. Pour elle, comme pour nous. Maintenant que Big Boss connaît son existence, il va tout faire pour appuyer là où ça fait mal. Il ne doit pas la toucher, je ne le permettrai pas. Elle n'a pas ouvert la bouche depuis que nous sommes dans la voiture, et ce n'est pas plus mal, je risquerai de dire ou faire quelque chose que je pourrai regretter. J'ai envie de frapper, crier, faire mal. L'image de Rylee entourée de Big Boss et sa clique me hante. Elle était apeurée, tremblait, son teint pâle et les yeux rouges, sûrement essayait-elle de retenir ses larmes. BB peut être intimidant quand il le veut, je sais de quoi je parle.

—Je suis désolée.

Sa voix cassée, frêle, pleine de doute et de peur surgit dans l'habitacle. Elle a murmuré, mais cette phrase et tout ce qu'elle comporte, me donne l'impression qu'elle l'a crié et que mes oreilles bourdonnent. C'en est trop ! Je ne peux pas conduire dans cet état sans nous foutre contre un mur. Je repère une place sur le côté, tourne brusquement le volant, sans me soucier des coups de klaxon derrière moi. Je laisse le moteur tourner, agrippe plus fort le volant et je vous jure que je fais de mon mieux pour calmer ma respiration erratique. J'ai du mal à respirer, je ne contrôle plus la fureur qui prend possession de moi. Je frappe violemment le volant, me détache et sors de cette voiture où l'air est irrespirable.

Je me suis arrêté dans un endroit désert et les phares éclairent une partie de la route, créant des ombres sur mon passage. Je fais les cent pas, me tire les cheveux et respire à pleins poumons, mais rien n'y fait, je ne me calme pas. J'entends la portière s'ouvrir et me retourne vers Rylee.

—RENTRE TOUT DE SUITE DANS CETTE BAGNOLE ! Je hurle.

Ce n'est pas le moment de me faire chier. Elle ne bouge plus, des larmes coulent le long de ses joues et sa bouche légèrement ouverte, fait sortir un petit nuage de fumée. Elle ressemble à une poupée comme ça. Figée dans le temps, le teint pâle, mais rosi par le froid. Ma colère s'amenuise doucement lorsque je la regarde. Cette fille est un psylle en puissance pour le serpent que je suis. Je ne sais pas comment elle fait, mais elle a ce pouvoir sur moi. Dès le jour où je l'ai croisé dans ce couloir, j'ai vu dans ses yeux... Elle n'est pas pour moi, mais elle me rend différent. Je devrais m'éloigner d'elle au plus vite.

Sans me quitter des yeux, elle avance vers moi tout doucement, comme pour ne pas m'effrayer. A-t-elle peur que je la frappe ? Oui, il m'arrive d'être violent, mais pas avec elle. J'ai déjà frappé des femmes, je n'en suis pas fière, mais quand elles sont sur le point de vous planter un couteau dans le bide, vous ne regardez pas ce qu'elle a entre les jambes, vous sauvez votre peau. Lorsque Rylee arrive vers moi, ses larmes ne cessent de couler et je me surprends à lever la main vers elle pour les essuyer. Elle se crispe et ferme les yeux, mais ne recule pas. Lorsque ma paume rentre en contact avec sa joue, je sens sa chaleur. Elle est comme une boule magique, elle me montre sans le vouloir, toute la douceur et les bons côtés de la vie. Comme si la noirceur disparaissait peu à peu pour laisser un rayon de soleil brûlant passer au travers et tomber sur moi. Il me réchauffe, me fournit l'air que je respire, il me rend vivant. Elle me rend vivant.