La marque

336 13 0
                                    


« -LUI-

   Ce n'est qu'une marque.
J'admets, je reconnais, c'était une erreur. Mais ce n'est rien. Elle s'en remettra. Ce n'est jamais rien de plus qu'un bleu. Au pire un hématome qui restera un peu plus longtemps. Non ? Puis ce n'est qu'au bras. Ce n'est rien, ce n'est pas dans le vendre, ni au visage, ni à la poitrine. Elle n'a rien. Puis elle l'a cherché. Elle n'avait pas arrêté de me bousculer pendant le service. Impossible que ça ne soit que parce que c'est étroit. Puis, bon... sans mentir, ça m'a libéré. J'ai surement agit trop vite et trop brutalement. Puis je me suis excusé. Elle m'a dit que ça ne changerait rien entre nous. Elle me plait, je la baiserais bien. Elle résiste encore. Mais ça ne durera pas. Et quand elle aura oublier ce dimanche soir, on se taquinera à nouveau. Et je pourrais à nouveau effleurer son cul. Je vais devoir témoigner. Mais je ne pense pas risquer ma place. Elle a dit qu'elle comptait oublier. Alors ce n'est rien. Juste une marque.

-SON TÉMOIN À ELLE-

   Tout est allé vite. Je passais. Je l'ai entendu crier sur elle. Je me suis retournée et je l'ai vu adossée à la porte, tenant difficilement debout. La pauvre. Elle est jeune. Elle était fatiguée ce soir. Je l'ai vu très pâle et épuisée. Elle n'était pas en forme. Elle n'avait pas la force de s'énerver ou de lutter. Je l'ai ramenée au vestiaire. Elle a fait comme si de rien n'était. Elle ne voulait pas en parler. Ses parents ont du voir la marque violette sur son bras. Elle prétendait qu'il l'avait poussée. Mais il l'a frappée. Il l'a frappée si fort ce con, qu'elle a été projeté contre la porte. Elle était sonnée je pense. Je cherche pas à savoir pourquoi il a fait ça. Je me suis toujours méfiée de lui. Il ne m'inspire pas confiance et m'a déjà fait pleurer au travail. Il n'est pas le meilleur collègue, celui qu'on rêve d'avoir. Il abuse. La pauvre. Elle l'aimait bien. Lui, voulait profiter d'elle. Elle n'a pas cédé heureusement. Il y a été trop fort. Et elle en a la preuve sur le bras. La marque.

-SON TÉMOIN À LUI-

   Ils se taquinent beaucoup. Elle est très joueuse, elle cherche. Et elle a visiblement trouvé. Il ne l'a pas frappée si fort. Elle exagère, comme toute les bonnes femmes. Ce n'est pas comme si elle avait fini à l'hôpital. En fait ça les a peut être rapprochés. Ou alors il lui a fait peur. Et dans les deux cas il pourra la baiser. Il n'attend que ça depuis son arrivée en septembre ici. Son père a lui aussi exagéré. C'est rien de bien grave. Ça va. Ça calme les femmes de prendre un coup parfois. Et je suis sur que ça lui fera réfléchir. Il a bien fait. Puis il n'y ait pas allé si fort. Elle est juste une femme et c'est retrouvée contre la porte. Tout à fait normal. Il ne faut pas exagérer. Ce n'est qu'une marque.

-SON AMIE À ELLE, le lundi-

   Elle avait l'air épuisée. Ça fait un moment que je la trouve pâle, un peu malheureuse. Elle fait mine de rien. Elle nous aide. Mais elle s'oublie à force. A sa tête, elle avait encore dû mal dormir. Mais je la trouvais un peu plus silencieuse, un peu plus triste. Je lui ai demandé comment avait été son week-end, espérant que, pour une fois, elle se confit. Elle a enlevé son haut dans ma chambre universitaire. Et j'ai vu son hématome. Cette marque violette, rouge et un peu bleu qui s'étalait sur son bras droit. La douleur devait être vive, et l'acte récent. Quand elle m'a dit que c'était un collègue qui lui avait fait ça, j'ai vu rouge. Un homme. Il l'avait touché elle ? Féministe engagée, bonne amie, à l'écoute et prête à tout pour les autres. Qu'avait elle fait ? Et même si elle avait fait quelque chose, pourquoi la frapper ? Sérieusement ! Elle avait mal. Toute la journée elle avait l'air absente. La classe l'avait soutenu. Notre classe est très solidaire. On lui avait donné des calmants. Je l'avais massée avec de la pommade. Mais la douleur était là, sur son bras, et se lisait dans ses yeux. Elle tombait, et personne n' était là pour la rattraper, alors qu'on aurait dû, alors qu'on aurait pu. Tout ça à cause de lui. A cause de la marque.

-SON PÈRE À ELLE-

   Je l'aime. C'est ma fille, ma chair, mon sang. Je bouillonne en y repensant. Il l'a blessé, il l'a détruite. Il l'a frappé. Je me suis emporté. J'ai crié. Je voulait la protéger. Il n'aurait jamais du la toucher. Il a prétendu le regretter. Il a prétendu l'aimer. Ce petit con ne voulait que profiter. Elle a été plus intelligente. Elle n'a pas cédé. Elle ne sera pas à lui, jamais. Elle est rentrée ce soir là avec une douleur au bras. Elle m'a regardé, a pleuré et m'a raconté. Il n'aurait pas du la frapper. Un père tuerait sous la rage lorsqu'on touche un cheveux de sa fille. C'est ma seule fille. Ma princesse. Je me souviens du premier jour où je l'avais dans mes bras. L'un des plus beau jour de ma vie. C'est mon enfant. Je l'aimerai toujours.

-ELLE-

   Je n'ai pas compris ce qui c'est passé. Il était un collègue, un ami. Mais la douleur lorsque je bouge mon bras me ramène à la réalité. Il n'est rien, et ne doit rien être. J'ai honte, j'ai peur et j'ai mal. Honte de cette marque qui colle à ma peau. Peur de lui et de son comportement à présent. Mal au bras par son geste, mal à mon cœur de femme qui a été frappé par un homme, mal à mon cœur d'étudiante qui a été blessé par un collègue, par un ami. J'ai très peu dormi. Deux ou trois heures, pas plus. La douleur m'éveillant sans cesse. D'une manière ou d'une autre. Je le voyais reporter le coup, les yeux clos pour m'endormir. J'avais mal. J'étais fatiguée. Je ne comprenais pas. Pourquoi ? Parce que j'étais sur ton passage ? Parce que je refusais de t'appartenir ? Je ne supportais plus. Trop de questions, trop de douleurs, trop de hontes. J'ai tout lâché. J'avais espéré qu'on me rattrape, qu'on me tende une main avant qu'il ne soit trop tard. Tu avais donné le coup de trop. La classe, mes amis, mon père, ils étaient là, sans pour autant comprendre. Même entourée, je me sentais seule. J'en ai pleuré, j'ai beaucoup stressé, et j'ai pris ma décision. Personne ne pourrait me faire plus de mal. Tu étais le dernier. Ton hématome le dernier. Ils n'ont pas su où était la douleur. Ils n'auraient jamais su qu'une marque m'entraînerait si loin. Lui non plus n'aurait jamais pu penser ça. Ce n'était qu'une marque, pour eux, et pour lui. Une marque sur mon bras qui partirait d'ici un mois. Ils ne se seraient pas douté que c'était suffisant pour s'en aller. Car ce n'est pas qu'un acte sous la colère, qu'un geste instinctif et incontrôlable. C'était bien plus. Ce n'était pas qu'une marque. C'était celle d'un homme face à une féministe, celle d'un homme face à une femme, celle d'un collègue face à une personne qui l'affectionnait. C'était sa marque. C'est sa marque sur ma peau. Et se sera la dernière.

-LUI, Plus tard-

   Ce n'était qu'une marque. Je ne pensais pas ne plus la revoir. Je ne pensais pas qu'elle mettrait fin à tout. Qu'elle arrête de me parler, ou de travailler peut être. Mais pas sa vie. Elle était jeune. Elle aurait dû profiter et vivre. Je n'aurais jamais deviné que ça lui ferait aussi mal. Je ne voulais pas... je ne pensais pas.
Ce n'était qu'une marque. »

   Il suffit d'un rien pour nous faire basculer. Personne ne voit la souffrance qu'on endure. Un coup, un baiser forcé, des attouchements... Tout peut nous anéantir. Et personne ne verra avant qu'il ne soit trop tard. Ce n'est pas qu'un geste, ce n'est pas qu'un coup, ce n'est pas seulement des paroles. C'est une vie en jeu.

(Photo personnel, il s'agit de mon bras, droit d'auteur merci)

Confession D'un CoeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant