Chapitre 1 - 2

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Partie 2


  Je dus m'évanouir pendant quelques minutes et lorsque j'ouvris de nouveau les yeux, les femmes s'étaient réunies en un demi-cercle autour de moi. Il régnait un lourd silence désagréable et toutes me fixaient de leurs yeux sévères qui semblaient vouloir me voir morte. D'un certain côté, j'étais soulagée. Si je mourais maintenant, mes souffrances s'arrêteraient dans la seconde. Et si elles se décidaient à me torturer jusqu'à la fin des temps ? Je n'étais pas très sûre de pouvoir supporter la douleur encore très longtemps...

  La déesse à la faux se faufila à travers la foule suivie de deux femmes parfaitement identiques. Mon public s'inclina légèrement au passage du trio, j'en déduisis donc qu'elles étaient importantes.

  – Voilà le démon dont je vous ai parlé, prophétesses.

  Je secouai la tête. Je n'étais pas un démon, loin de là ! Je ne voulais que de l'aide, comment aurais-je pu leur vouloir du mal ?

  – Va chercher les gardiennes Sanã, s'exclama une des jumelles.

  La femme à la faux, qui s'appelait donc Sanã, hocha la tête puis s'envola dans les airs, comme ça. Pouf ! Volatilisée.

  – Tu es déjà la deuxième cette semaine, me chuchota une des deux prophétesses en me soulevant le menton pour me regarder droit dans les yeux.

  Je me mis à pleurer, ce qui était étonnant car j'étais persuadée de m'être déjà vidée de mes larmes. Je n'en pouvais plus. Elles me prenaient pour un démon alors que je n'en étais pas un... Enfin, il ne me semblait pas. Il est vrai que j'avais perdu la mémoire, qui savait si je n'en étais pas un ? Elle fronça les sourcils lorsqu'elle aperçut les larmes qui coulaient silencieusement le long de mes joues.

  – Ça n'est pas normal. Crystal, regarde ! Elle pleure.

  Sa copie, Crystal, avança à ses côtés. Lorsqu'elle vit mes larmes, elle fronça aussi ses sourcils dans la même expression que sa jumelle. « Pas normal » murmura-t-elle. Elles se questionnèrent toutes les deux du regard ; peut-être allaient-elles enfin comprendre que je n'étais pas dangereuse pour elles ?

  Sanã revint peu après accompagnée de quatre autres femmes que je devinai être les gardiennes. Les deux prophétesses discutèrent avec elles un peu à l'écart de la foule, puis elles revinrent se placer près de moi, un masque d'indifférence peint sur leurs visages.

  – Le conseil a délibéré, entama une des gardiennes.

  Sanã s'avança.

  – Devant un cas inexplicable, nous ne pouvons la tuer, continua-t-elle.

  Des cris de protestation naquirent dans leur public, entraînant un vrai brouhaha. Sanã se racla la gorge pour attirer l'attention des autres afin de continuer à délibérer de mon sort ; j'étais pendue à ses lèvres, tout dépendait de ce qu'elle allait dire.

  – Vous le savez tous, un démon ne peut pas parler. Ce démon, dit-elle en me pointant du doigt, ne peut pas parler, mais peut pleurer. Avez-vous déjà vu un démon pleurer ?

  Toutes les femmes se turent, cela devenait soudain très intéressant.

  – Nous avons donc décidé qu'elle allait se baigner dans le lac miroitant, comme une novice, afin de voir ce qu'il en découlera. C'est simple, soit elle est des nôtres, soit elle est un démon. La mort d'un démon par l'eau du lac miroitant est barbare, je sais, continua-t-elle malgré les cris indignés de la foule. Mais nous n'avons pas le choix ; on ne peut tuer une innocente.

  De tous les scénarios inimaginables, je n'avais jamais pensé que ma sentence serait de me baigner dans un lac.

  Sanã désintégra le pieu en bois qui me retenait prisonnière par je ne sais quel pouvoir psychique. A vrai dire, plus rien ne m'étonnait désormais. J'aurais pu voir un lapin en tutu rose sur des échasses que je n'aurais même pas haussé un sourcil.

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