27 : Un élément perturbateur

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Je suis réveillée en sursaut par des roulements de tambour. Le couronnement ! Je saute de mon lit au risque de me casser la figure. J'enfile une tenue verte en cuir. Je bondis dans le couloir et j'avale au passage un petit déjeuner improvisé. Puis je me rends dans la cour déjà bondée de paysans, de marchands, de nobles, de guerriers, de... bref. Je n'ai jamais vu autant de monde. Je me fraye un chemin entre la foule jusqu'à l'estrade où la future reine fera son discours.

Je sens soudain une immense bouffée de fierté monter en moi. Aelia est la première reine de l'histoire du royaume ! Enfin, si, il y a déjà eu des reines mais c'était les épouses des rois. Leur rôle consistait à les remplacer quand ils étaient en guerre ou bien tout simplement quand ils avaient la flemme de se lever le matin !
Aelia, elle, gouverne seule. Je lève la tête. Elle se tient très droite et  de manière solennelle. Elle prend la parole, sûre d'elle comme jamais même si elle cherche un peu ses mots :
    - Mes chers... compatriotes ! Je suis heureuse de...
    - ... de laisser la parole à la Glorieuse Gloria !
    Non ! Il ne manquait plus que ça ! La "Glorieuse" Gloria sort de son carrosse telle la déesse des niaises. Plumes immaculées dans des cheveux blonds coiffés à la perfection, robe vaporeuse aux reflets irisés, diamant tintants et miroitants projetant des arc-en-ciel... Zzzz... excusez-moi. J'ai du m'assoupir devant tant de choses tellement inutiles. Un murmure d'appréhension secoue la foule.
    - Laissez-moi vous dire, continue-t-elle, que vous faîtes le mauvais choix. Elle, reine ? Ce n'est qu'une pauvre paysanne élevée dans la souille et la saleté. Elle n'a aucune idée de la royauté.
    Comme la moitié de la foule, c'est à dire cinquante personnes, est d'ascendance paysanne, Gloria, accompagnée de son tact habituel vient, sans s'en rendre compte de les insulter.
    - Il est où, le respect !
    - Ouais ! Sans nous y'a même pas d'roi !!
    Gloria les regarde comme s'il s'agissait de vulgaires asticots. Tout le monde la hue mais, pour une fois, elle sait ce qu'elle va faire. Elle se rapproche d'Aelia et crache :
    - Moi cependant, on m'enseigne à gouverner depuis mon plus jeune âge.
    C'est ça... elle ne faisait pas ses devoirs, prétextant qu'elle devait apprendre à rester toute la journée assise sur un fauteuil. C'est sûrement ce qu'elle pense être le comportement d'une bonne reine.
    - Moi, tente Gloria, je vaux bien mieux que cette pestiférée.
    J'ai envie de lui crier : "C'est toi la peste !"

Mais je tiens à conserver ma dignité, comme Skye m'a demandé de faire. Ne pas réagir aux moqueries. Comme les grenouilles, comme elle dit. Elle sont calmes et attentives et ne réagissent que si elles sont en danger. Mais bon... le moment est mal venu pour philosopher.
   
    - Que veux-tu, Gloria ? demande Aelia.
    - Te nuire. T'empêcher de voler mon trône. Espèce de sale petite...
    Je me bouche les oreilles pour ne pas entendre ce qu'elle dit. C'est pas pour ne pas être blessée, hein... c'est juste que je ne veux pas être obligée de la mettre en pièces devant tout le monde... même si sa remarque ne semble pas ébranler Aelia. Une vraie "reinette" cette fille !
    - Tu n'as même pas de dons Élémentaires je parie ! poursuit Gloria.
    - Même si j'en avais, je ne les utiliserais pas ici. Si tu comptes me blesser avec tes stupides injures, tu fais fausse route. Mais ce n'est pas très glorieux de ta part, si tu vois ce que je veux dire...
    Elle a de l'allure, Aelia. Majestueuse, digne... si Gloria avait été assez audacieuse pour m'insulter, c'aurait été vite vu : j'aurais d'abord carbonisé ses opulentes boucles bouchonnées puis je lui aurais sauté à la gorge avant de la plaquer par terre. Ça vous paraît excessif ? Mouais... n'empêche que c'est ma méthode à moi.

Mais pas à Aelia. Non. Elle, elle est fière. Elle préfère résoudre les problèmes avec civilisation. Et depuis que je la connais, j'ai une toute autre définition des "gens civilisés".
    - Écoute Gloria. Je n'ai pas envie de me battre contre toi devant une centaine de témoins. Je te propose une sorte de débat démocratique .
    - Un débat démocratique ? répète Gloria en parfaite perruche.
    - Oui. Nous exposons à tour de rôle nos promesses. Nous débattons et argumentons.
    La bouche de Gloria s'ouvre à en devenir aussi grande que ses pendants d'oreilles ; elle ne s'était sans doute pas préparée à cela. Mais la flamme de détermination présente dans ses yeux depuis peu se rallume vite... bien vite...

La Quête d'Arya [Tome. 1 : Une Vie Bouleversée ] TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant