Un nouveau type de volcan

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           Après une nuit de sommeil bien méritée, un nouveau jour s'annonce. Désormais le rythme des journées semble bien imprimé. D'abord petit dèj' suivi d'une baignade. Puis, déjeuner avant de se prélasser au soleil le temps de la digestion. Ensuite, activités, suivies de l'inévitablement quotidienne immersion aquatique. Et enfin, apéro, dîner et soirée à thème... Ce soir, c'est « pool-party ». Celle tant attendue.
           Hé bien allez, faut qu' je me bouge ! Il est 11h, dans une demi-heure il n'y aura plus de service.

           Encore allongé dans mon lit, je me retourne pour constater ce que fabrique Frédéric qui n'est ni couché dans ses draps, ni même présent dans la chambre...
           Il doit être parti manger. Il faut donc que je me dépêche de retrouver mes copains avant de devoir petit-déjeuner en solo. Marre des expéditions en solitaire !
           Pressé, je fais ma toilette, m'habille et, m'aventurant à l'extérieur de mon bungalow, croise Leïla qui, elle-même, quitte sa chambre. Partant s'alimenter elle aussi, nous nous dirigeons vers le restaurant.

           Sur le chemin qui mène à la pinède, l'apparition d'un lézard énorme de couleur écorce sur le tronc d'un arbre se situant à notre portée coupe notre conversation au sujet des fantômes. L'animal, semblable à un dinosaure miniature, est au moins aussi gros que l'une de nos mains. Habitués aux minuscules lézards français, nous nous étonnons tous deux du gabarit imposant du reptile. Dans ma tête résonne déjà le thème du film Jurassic Park, composé par John Williams. J'envisage alors qu'un brachiosaure pourrait très bien se dévoiler hors de la forêt de pins et nous étonner plus longuement. Mais déjà le minuscule descendant du crétacée s'évapore dans la flore sauvage à laquelle il appartient. Merci de t'être montré, tu es très beau ! pensais-je avec affection.

           À la pinède, nous retrouvons Théo et Frédéric, suivis de Christina et Mike. Apparemment Candice aurait pris de l'avance sur le petit-déjeuner, si bien qu'elle se dorerait d'ores et déjà la pilule au soleil. N'en déplaise au programme auquel j'étais habitué, le petit-déjeuner terminé, Théo, Frédéric, Leila et moi, nous partons tirer à l'arc.

           Après que l'assistant de la gentille organisatrice m'ait prodigué les conseils utiles au débutant que j'étais, je fis honneur à mon arc. Certes, mes tirs ne furent pas assez précis pour faire mouche et impressionner l'assemblée, mais en tant que débutant, je me débrouillais tout de même assez bien, décochant chacune de mes flèches dans la cible et toujours à proximité les unes des autres. Je me rassurais ainsi en constatant mon adresse.

           Arrivée l'heure du déjeuner, nous nous retrouvons tous les huit autour d'une table à la pinède. On y mange, y rigole, s'y raconte des histoires...

           Vient l'après-midi... Fatigué de mes balades solitaires, je ne me précipite plus vers la piscine, mais préfère profiter de la plage, me dorer le cuir allongé sur un transat, ou brasser l'eau de mer en compagnie de mes camarades, avant d'enchaîner quelques parties de beach-volley.

           En nous rendant sur le terrain de ce sport aux origines californiennes, je soupçonne une très jolie blonde électrisante, assise sur les minuscules gradins faisant face au terrain, de m'observer indiscrètement derrière la teinture de ses lunettes pantos. Et lorsqu'avec mes camarades nous prenons place pour jouer, la fille en question nous rejoint, accompagnée de trois italiens.
           Voudrait-elle se faire remarquer ? Visiblement oui, parce qu'elle ne semble pas être très douée au jeu, je songe durant la partie.
           Nous renvoyant la balle, j'entrevois Syrine, la jeune parisienne blonde rencontrée la veille, passer à portée du terrain de volley. Celle-ci quitte la plage en compagnie d'un garçon, empruntant la direction des appartements... Eloigné de quelques mètres, je lui adresse mes salutations de loin. Elle y répond, semblant étonnée que je me rappelle son nom.
           En même temps, des Syrine, je n'en connais pas dix mille...

           La partie de beach-volley se termine et la plantureuse blonde qui nous affrontait mes potes et moi abandonne sans même tenter de revanche... Taille mannequin, succulente dans son minuscule bikini rose et or. Peau d'orange affriolante, laissant présager la fraîcheur de sa jeunesse décomplexée...
           Une démone ! Prête à piéger dans ses filets les mâles subjectivement sélectionnés selon d'obscurs critères. Difficile d'en éclaircir les intentions véritables. Une vraie torture pour qui oserait s'y entreprendre. C'en est machiavélique ! Habile subterfuge que celui de l'apparence au service de la satisfaction d'un égo à alimenter tant que les ravages du temps n'en auront pas gommé les effets... Là est le pouvoir éphémère de séduction d'un certain type de femme enfant... Dangereux ! Fatal même ! si nous n'y prenons pas garde... Ceci étant, cette jeune monstruosité a certainement dû arriver dans la journée sachant que je ne l'avais pas remarquée avant... Pas le temps de m'attarder sur le physique du démon, une nouvelle partie est sur le point de se jouer !

           Quelques parties de volley disputées, accompagnées d'une petite nage bien agréable pour terminer, mes partenaires remontent tous se reposer dans leurs chambres avant de se préparer à animer l'apéritif qui précède la soirée. Moi qui n'ai pas d'obligations, je n'ai aucunement envie de m'enfermer dans une chambre alors que le temps à l'extérieur est idéal. Me voici donc reparti en quête du mystère de l'errance. Seulement, n'étant pas désireux d'exposer ce caractère à tous regards, à défaut de me grouper à l'attroupement des vacanciers qui attendent pratiquement tous de débuter l'apéritif autour du bar, je pars m'installer dans un canapé délaissé au bord de la piscine.

           Au début, non loin de moi, deux groupes, dont un groupe de quatre jeunes, se consacrent au ping-pong. Je reconnais les deux filles très légèrement vêtues qui renvoient la balle aux deux garçons qui leur font face. Il s'agit des deux premières demoiselles que j'avais abordées sur le chemin du night-club en me rendant à la soirée « célibataires » ; l'une d'attitude avenante, l'autre d'attitude méprisante. Pas rancunier, je me réjouis qu'elles aient trouvé chaussures à leurs pieds. Comme d'ailleurs l'une des sexysters qui semble avoir abandonné ses sœurs depuis la soirée de la veille, se promenant dans le village au bras d'un bel adonis...
           Enfin, le temps fuit... Et plus il fuit, plus les abords de la piscine se désertent, et plus j'en viens à me retrouver seul sur la terrasse surélevée autour du bassin... Seul, pas tout à fait, car tout autour de la piscine des G.O. s'affairent à mettre en place le décor de la pool-party. Certains préposés à l'animation et aux services enlèvent ainsi les parasols de leurs socles de béton, avant de débarrasser les transats, puis les canapés. Et tandis qu'ils mettent la main à la pâte, j'entrevois la mise en place du service des apéritifs non loin de l'amphithéâtre. Quelques assiettes de mets turcs et verres de cocktails récupérés, j'en reviens à la place que j'occupais.
           Réinstallé dans l'un des grands canapés en osier bourré de coussins, alors que je considère ces quelques animateurs qui s'agitent autour de moi, ceux-ci me souhaitent bon appétit. Certains entament même la discussion. Aussi partage-t-on un moment à la fois convivial et respectueux, bien plus en accord avec mes principes humains qu'ont pu l'être les échanges que j'avais établi avec un échantillon d'artificiels regroupés autour du bar. Certains organisateurs insistent même pour nous inviter, mes potes et moi, à manger ensemble lors du dîner. J'ai bien choisi ma place finalement !
           Quelques temps après ma prise de contact avec les animateurs, j'aperçois de mon poste mes compagnons descendus profiter des amuse-gueules. La luminosité déclinant, il est bientôt l'heure pour les instrumentistes de performer. Le moment est donc venu pour moi de quitter mon maillot de bain pour m'accoutrer en conséquence.

           Le crépuscule touche à son terme. Douché, changé, je redescends vers le centre du village. Mes camarades ont déjà commencé à jouer. Je décide d'entamer ma séance de déshydratation quotidienne au malt et au houblon.
           En me posant au bar, attendant qu'un serveur prenne ma commande, je reconnais la fille à ma droite. Cette jeune femme aux cheveux blonds me reluquait, cachée derrière ses lunettes quelques heures auparavant, avant de nous affronter dans une partie de beach-volley, mes compagnons de voyage et moi-même... Attendant comme moi qu'un serveur prenne sa commande, la jeune demoiselle me remarque aussi. Nous nous sourions et, sans perdre une seconde, j'entame la conversation.

           Elle est russe, elle s'appelle Anya, elle est vraiment très sexy : 1m75, fine, jolie, des formes avantageuses. Elle a tout ce qu'il faut là où il faut. Mais surtout, cette bouche...
           Nom de Zeus, cette bouche !!! Sans rire, jeune demoiselle, si votre courtoisie se rapporte à votre physique, j'aimerais que vos lèvres soient la cerise récompensant le gâteau de mon audace... Angélina Jolie en serait jalouse. Cette bouche ! Je n'en reviens pas ! C'est d'ailleurs ce que lui fait remarquer le barman qui se charge de nos boissons : « What a beautiful mouth you have ! » Anya se tourne alors vers moi, me regardant fixement, tout en répliquant au serveur : « All is true, if you want to check, you can kiss me and you will see »... J'en reste perplexe...
           C'est à moi qu'elle vient de s'adresser ? Ou évitait-elle simplement le regard du barman en lançant sa réplique hyper aguicheuse ? J'suis troublé là. J'fais quoi, je l'embrasse ? Ou je prétends que son message ne m'étais pas adressé ?... Dans le doute, j'vais faire comme si rien ne s'était passé. La honte de l'échec serait trop lourde à supporter si jamais elle n'acceptait pas mon baiser...

           Nous continuons notre conversation, toujours en anglais. Enfin, la jeune tentatrice me signifie qu'elle s'en va rejoindre ses amies à une table qu'elle me désigne.
           Ok, bon, elle semble plus entreprenante que toutes les autres filles que j'ai croisées ici. Mais bizarrement, elle me fait aussi un peu penser à d'anciennes maîtresses. Aux jumelles plus particulièrement... À Marnie plus exactement. Et ça, ce n'est pas bon signe. Je me suis laissé piéger par Marnie. Cette ex-amante m'avait largement fait courir à jouer sans cesse les indécises. Mais... Non, pas possible qu'Anya en fasse de même, elle n'est pas Marnie. S'il faut, la jeune russe me trouve simplement à son goût... Ne t'emballe pas Jarod. Garde ton calme. Reste zen.

           En attendant, mes copains exécutent toujours leur art. Ayant quitté la compagnie d'Anya, je pars trouver une place dans la foule qui fait face aux musiciens, cherchant à m'asseoir confortablement pour les écouter. Après une courte recherche, un gentil monsieur me laisse siéger sur la chaise longue qu'il gardait en attendant l'arrivée d'un ami à lui, qui n'arrivera jamais.
           De là où j'étais placé, j'observais indiscrètement Anya du coin de l'œil, elle qui se trouvait à quelques mètres à ma droite...
           Joue-t-elle uniquement un jeu de séductrice ? Si oui, lorsque d'autres mecs viendront la draguer - ce qui ne manquera pas d'arriver -, elle agira sans doute de la même manière qu'avec moi, avenante au premier abord, voire aguicheuse, faussement maladroite, et puis ?... Et puis quoi ? C'est ça le truc. Est-elle avenante parce qu'elle est ouverte à toutes propositions, ou alors est-ce uniquement pour faire gonfler son égo de charmeuse en accumulant les prétendants, comme Marnie ?... Quelque chose cloche, j'ai un mauvais pressentiment... Mais... Putain, j'suis trop curieux ! Et puis, qu'est-ce qu'elle est bonne ! Allez, « challenge accepté » ! J'vais voir ce qu'elle a dans le ventre la petite ! Et moi aussi par la même occasion.

           Le concert se termine. Candice, Christina et Leila étant parties se changer dans leurs appartements, je me précipite auprès de mes compagnons masculins leur confier ma rencontre avec la jeune russe. Les ayant renseigné sur la proposition subliminale d'Anya, mes complices tentent de me convaincre de foncer :

_ Mais vas-y mon gars, c'est du tout cuit !
_ Mais ouais, si t'y vas pas, l'un de nous pourrait y aller à ta place ! Elle est où, c'est laquelle ? Montre-la nous.

           Pas friand d'influences extérieures, je pensais : Ne nous mentons pas, il y a mieux comme source de motivation... Néanmoins leurs propos pointent un élément essentiel, celui d'une concurrence à venir... Allez... Je vais voir de quoi il en retourne !

           Je chemine donc à la rencontre de la citoyenne du régime de Vladimir Poutine. Assise à sa table, entourée de quelques autres femmes, j'arrive à sa hauteur. Je m'autorise alors à prendre sa commande, que je m'empresse de recueillir au bar aux côtés de Théo, Frédéric, et Christina fraîchement revenue de son rhabillage. Attendant nos boissons, Brad nous rejoint d'un air fier. Tourné dans sa direction, je le vois débarquer :

_Qu'est-ce qu'il t'arrive Brad, je lui demande ?
_ Tu viens de lui dire quoi à la meuf là, il me renvoie ?
_ Pas grand-chose, j'viens de lui demander ce qu'elle voulait boire, pourquoi ?
_ Tu l'as rendue toute contente, mec. À peine t'es parti au bar qu'elle s'est mise à regarder ses copines et à mimer un éventail avec sa main, comme si elle avait pris chaud tout d'un coup.
_ Bin c'est cool.
_ Mais ouais c'est cool, c'est gagné mec !
_ Mouais... Ça on verra, c'est pas encore fait.

           Nos verres servis, bien que sceptique et prudent, je propose sa boisson à l'étudiante en langues étrangères. Cinq petites minutes d'attente à la buvette et déjà deux messieurs sont venus prendre contact avec la demoiselle, ne l'empêchant pourtant pas d'accepter le verre que je lui tends avec humilité, ce qui a pour effet de mettre en fuite les deux autres prétendants. Vainqueur de cette manche que j'avais prévue, j'en profite alors pour m'immiscer dans le cercle d'Anya. Tout en accaparant l'attention de celle-ci, je constate la présence de Natasha assise autour de la table. Respectueusement, nous nous saluons mutuellement.

           Anya et moi, nous discutons paisiblement, pourtant cette pénible impression de déjà-vu subsiste... Marnie, sors de ce corps !
           La jolie russe à la bouche attrayante m'entretient tout en étant ailleurs, avec l'attitude de quelqu'un qui n'en n'a rien à faire de ma présence. Augmente en moi la désagréable sensation que ça pourrait être un autre, ce serait équivalent. Ça m'indispose un peu. Ça m'angoisse légèrement... Pour faire passer l'angoisse, je me permets de demander sans détour à mon interlocutrice si sa proposition de l'embrasser juste avant, lorsque nous nous trouvions au bar, m'était adressée. Réponse négative. Ça ne me déstabilise pas d'un poil, j'avais envisagé que cela pouvait très bien ne pas m'être dédié... Je lui demande son âge, elle a vingt et un ans...
           Vient le moment où, comme à mon habitude, dans le fil de la conversation, je perds mon vocabulaire... Y étant très attaché, je tente de le ranimer, mais déjà Anya se détourne de ma présence pour entamer une autre conversation, vers de nouveaux interlocuteurs... Ne pas parvenir à intéresser la jeune femme m'irrite, moi qui fais de mon mieux pour être bienveillant en toutes circonstances, qui tente d'agrémenter la conversation malgré les barrières de la langue, d'alimenter la réflexion en dépit du jeune âge de mon opposée. Malheureusement rien n'y fait, elle semble s'en ficher. Mon impression se confirme de plus en plus... Et me voici soudainement trempé de sueur tellement le malaise me submerge. Partir me changer, je n'ai plus que ça en tête...
           J'aime trop les défis. Je n'ai pas dit mon dernier mot !

           Je partage donc avec l'étudiante russe mon projet de rhabillage, prétextant vouloir me sentir plus à l'aise lors de la pool-party, rajoutant mon intention de retour imminent ; qui ne sera pourtant pas immédiat.

           Arrivant dans mon bungalow pour me changer, quasiment tous mes compagnons ont investi l'endroit, immergés de jazz et imbibés de Zubrowska. C'est l'occasion pour moi d'en boire quelques verres avec eux.
Au bout d'une vingtaine de minutes à profiter de la présence de mes acolytes, après avoir remplacé mon t-shirt rose taché de sueur par un débardeur ample de couleur grise mettant en valeur mon physique naturel de métisse svelte et musclé, je me décide finalement à rejoindre Anya. Néanmoins, sa table retrouvée, celle-ci semble avoir disparue. En revanche, Natasha est bien présente. De nouveau, non-entrepreneur mais entreprenant, je demande à cette dame sa permission de m'assoir à ses côtés. De nouveau elle me la donne. À la suite de quoi nous entamons elle et moi une nouvelle conversation.
           Natasha me fait savoir qu'elle m'apprécie, qu'elle m'approuve. Elle gratifie mes bonnes manières et mon anglais. J'apprends qu'elle est dans l'industrie pharmaceutique (l'une des industries les plus puissantes du monde), qu'elle a perdu son mari, qu'elle a un fils d'une trentaine d'années. C'est une dame cordiale, abordable, d'une assurance et d'une autorité véritables, dissimulées par le contexte estival...
           En ce qui me concerne, je raconte à Natasha des bribes de mon parcours, en n'oubliant pas de sublimer un tant soit peu le statut professionnel qui est le mien et que j'estime malheureusement désévalué. J'en viens finalement à lui mentir, lui racontant que je suis prof. Traumatisé par mon déterminisme socio-professionnel, j'estime que dans l'esprit des gens, c'est plus valorisant que surveillant, surtout à vingt-huit ans. Clairvoyant, je me rends tout de même compte que je parviens bien plus à communiquer avec les femmes mûres, qui ont l'expérience de la vie, qu'avec les jeunettes qui cherchent l'expérience du lit.

           Le retour d'Anya n'est pas celui du Jedi ; il n'a rien de providentiel. Cependant, je m'emploie tout de même à la courtiser de nouveau lorsque celle-ci nous retrouve, Natasha et moi.
           Quel imbécile je suis. Je sens le piège, je vois le piège, mais je fonce dedans... Les physiques par lesquelles je suis instinctivement attiré agissent sur moi telle la kryptonite sur Superman, ils me rendent faible. Je déteste ça ! J'aimerais tant m'en foutre.

           C'est déjà l'heure de la pool-party. Les G.O. nous appellent à nous rassembler devant la piscine. J'invite alors Anya à s'y rendre, me heurtant à sa résistance :

_ Are you ok ? je lui demande.
_ Yeah, fine.
_ You don't seem to.
_ Told you its ok !
_ Mmm... Maybe you don't wanna swim... Do you rather wanna walk ?
_ No, not at all.

           Incompréhensiblement l'étudiante en langues, d'origine russe, se tourne vers Natasha, lui demandant si cette dernière accepterait de nous accompagner jusqu'à la piscine. Ce que Natasha fait volontiers, avant de nous quitter aux abords du bassin...
           C'est quoi cette attitude ? Pourquoi joue-t-elle les reines subitement la petite Anya ? Est-il primordial que nous nous fassions chaperonner ? C'est quoi son délire ? Elle commence légèrement à me taper sur les nerfs à faire son Anastasia.
           Arrivés face à la piscine, à seulement dix mètres de la table autour de laquelle nous étions juste avant, Anya fait la capricieuse :

_ Tu veux un autre verre ?
_ Non.
_ Bon... Viens, on saute dans la piscine !
_ Non.
_ Pas sympa. Tu veux que je te laisse tranquille, c'est ça ?
_ Si tu veux...

_ Barre-toi Jarod ! Fuis avant qu'il ne soit trop tard. Pars sans te retourner, sans demander ton reste...
_ Pas question ! Je déteste cette indécision qu'elle manifeste. Cette fois je ne vais pas laisser couler, pas comme avec Marnie, pas encore. Elle est jeune, je sais, mais ça n'excuse pas le fait qu'elle est face à un être humain. Elle ne peut pas ne pas comprendre que l'ambiguïté, est la pire des tortures pour la personne qui la subit. Il suffit de constater où en est l'humanité confrontée à l'énigme de son existence, son but, ses caractéristiques : divisée ! Maltraitée ! Traumatisée ! Dictatorialisée ! Ignorante ! Indécise ! C'est pas si difficile à percevoir si même moi j'y suis parvenu. Moi qui parais désormais si peu digne d'intérêts aux yeux de cette jeune femme... Alors, qu'elle éclaircisse son message. Qu'elle explicite ses pensées. Elle veut de moi oui ou non ? Même si je sais la réponse être négative, qu'elle l'exprime !

_Tu veux que je te laisse tranquille ?
_ Sans vouloir te vexer, oui, je préfèrerais.
_ Ok. Merci de ta franchise. Ce fût un plaisir d'avoir partagé ces quelques moments avec toi...

Et basta ! C'est pas si compliqué ! Putain, ça me saoule les gamines ! J'vais le lui dire d'ailleurs...


_ Bon, là tu me fais chier, lui ai-je donc rétorqué !
_ Je suis là juste pour le plaisir.
_ Mais le plaisir de quoi, vu que tu ne veux rien faire ? J'sais pas moi, envoie-moi chier plutôt que me laisser galérer, non ?

           À peine la question posée qu'Anya s'en va discuter avec le mec à sa gauche. Un homme plus petit qu'elle, bien plus riche que moi. En tout cas c'est ce que m'évoquaient la veste en daim du monsieur, ses boutons de manchettes dorés, sa boucle de ceinture en argent et ses chaussures en peau de crocodile vernies... S'ensuit un autre mec qui déboule d'à travers le rassemblement de personnes amassées autour et dans la piscine. Ce dernier tend sa main vers Anya l'invitant à sauter dans le bassin, et voilà qu'elle le suit... Rarement je m'étais senti humilié de la sorte. Ça m'énerve, bien que j'estime tout de même ne pas avoir été assez impulsif.. Je sais avoir mes torts.
           J'aurais dû tenter de l'embrasser lors de sa proposition subliminale, au moins j'aurais été fixé... Maintenant c'est trop tard !
           Je me rassure, évaluant qu'elle n'en vaut pas la peine. Sans surprise, ça m'énerve quand même.

           Elle s'est laissée courtiser jusque-là sans avoir la décence de me dire que je ne l'intéressais pas. Et ça... Ça me rend fou ! Surtout que j'ai été super galant, courtois et patient. Princier même je pourrais dire si j'avais bénéficié d'un minimum de pouvoir d'achat. La soirée commence mal. Pour couronner le tout, je me retrouve seul, sans les copains pour me calmer. Faut qu'je fasse un tour sinon ça va péter. Si il y'a bien un truc que je déteste, c'est qu'on se paye ma tête, qu'on me prenne pour un débile, une façade, un décor, un meuble ! Dont on peut disposer sans conséquences.
           Faire un tour quelques minutes me paraît alors indispensable, m'isoler du côté de la méditerranée, vers la plage des activités.
           Ces quelques instants d'éloignement passés, durant lesquels j'ai tenté de retrouver une approximative sérénité, j'hésite tout de même à réintégrer la pool-party... Les ravages de la fierté, de l'égo... Néanmoins, ma séance de méditation achevée, je pense parvenir à mettre mon estime de côté...

           Aux abords de la piscine, petit instant de soulagement, je retrouve mes amis musiciens. Je les rejoins donc et, légèrement sur les nerfs, leur raconte mes péripéties.
           Témoins de mes ronchonnements, mes comparses tentent de me réconforter et de m'apaiser. Toutefois, positionné à proximité du bar, cela me pousse à véritablement augmenter le débit de ma consommation d'alcool par désenchantement et frustration...
           Je suis tellement loin d'être accompli dans cette période de ma vie que je ne sais même plus y faire avec les femmes ; moi qui, quelques années auparavant, avait tant de succès que j'avais le choix facile et pouvais me permettre la décision difficile... Est-ce là l'action du karma ? Ou suis-je tout simplement confronté aux tourments qui bâtissent et façonnent ma vie, sans implication mystique de quelque sorte que ce soit ?

           De temps à autres, du coin de l'œil, j'aperçois Anya manger à tous les râteliers. Sans complexes ! Je la guette franchir un nouveau carré VIP en quête d'une troupe de prétendants ou de serviteurs prêts à l'idolâtrer.
           Pourtant j'ai été élevé dans d'affreuses conditions, au milieu des pires comportements. Je vois les gens. Je suis témoins de leurs agissements, de leurs interactions, de leurs comportements. Certaines fois même, je suppose pouvoir lire en eux... J'aurais dû m'en tenir à mon intuition... Finalement, elle est même pire que Marnie ! Au moins cette dernière et moi nous avions partagés une passion. Temporaire, mais chargée de bons souvenirs et de singuliers partages séminaux... C'est pas le moment de se laisser abattre, la soirée ne fait que commencer.

           En me rendant de nouveau au bar, je croise Romain, le garçon homosexuel qui vraisemblablement m'apprécie. Celui-ci se propose de commander pour moi. Nous discutons un peu. Mon pote de circonstance me paraît toujours aussi sympa. Je devine notamment, grâce à un léger regard que m'adresse le serveur qui s'occupe de nos commandes, que Romain et celui-ci ont déjà couchés ensemble. La précision de ma perspicacité étonne alors mon interlocuteur au plus haut point. Si je savais utiliser cette perspicacité à mon compte. Mais faut toujours que j'essaie. Je ne parviens pas à me satisfaire de mes préjugés.

           Après m'avoir tendu mon verre, cet « ami à usage unique », tel que le nommerait Tyler Durden, s'en va. Arrivé à ma hauteur, Frédéric, prend la relève de Romain. Me voyant toujours autant ronchonner, mon ami tente de me réconforter de la situation précédente en me rappelant qu'ici il n'y a que des « putes » et qu'il est inutile de m'énerver pour si peu. Malgré lui, il vient d'allumer la mèche. Je m'emballe, rétorquant que « c'est pire que ça », qu' « ici il n'y a que des imbéciles heureux, qui gagnent certes, bien mieux leurs vies que nous, mais qui ne se posent même pas la question de ce que représente la vie, de la cohérence de ce qu'il se passe dans le monde »... Qu' « ici nous sommes cernés d'ignorants impotents ! » Je m'emporte et m'étonne, moi qui abhorre les comportements colériques.
           Alors que je continue mon laïus, derrière nous une fille attend de commander. Je la remarque, l'alpague et lui demande :

_ Toi par exemple, tu sais ce que ça veut dire impotent ?
_ Euh, non.
_ Mais c'est pas possible, t'as été élevée à quoi ma fille ? Tu connais pas Palahnuik, Philip K. Dick, Asimov, Lovecraft, Nietzsche, Descartes, Platon, Socrate ?
_ Euh... Non, moi j'ai été élevée avec le Club Dorothée.
_ Le Club Dorothée ?... Tu me diras, moi aussi. Et c'est déjà pas mal, c'est vrai.

           La réponse de cette innocente me cloue le bec. Je ne m'attendais absolument pas à ça. « Le Club Dorothée »... Ça provoque même ma sympathie...
           Putain ! Dire que je suis celui qui, plus tôt dans le séjour, confiait à Christina qu'on ne pouvait pas juger les gens présents ici car « chacun a son propre vécu ». Ainsi, « chacun d'entre eux, comme chacun d'entre nous, a dû souffrir de la cruauté perpétuée par le jugement ou les actes d'autrui. Dès lors, il semble hypocrite que nous nous rabaissions à ce niveau de prétention qui nous permet de nous croire au-dessus des autres, de les juger et les critiquer... Car cela nous ramène à adopter le même état d'esprit que celui de nos bourreaux ! »... Ceci dit, je n'étais pas énervé à ce moment-là. On ne s'était pas plusieurs fois joué de moi à cet instant... Pff... Qu'il est difficile de s'en tenir à ses principes lorsque l'illogisme du comportement d'autrui nous parasite...
           Enfin voilà... Elle m'a calmé l'autre avec son histoire de Dorothée. J'arrête de m'emporter du coup et me remets calmement au bar, à attendre avec Frédéric de pouvoir commander.


           Tandis que je suis absorbé par des pensées relativistes, essayant de faire abstraction de la population qui malgré moi commence à m'agacer par son comportement très « jet-set », quelqu'un me touche l'épaule et me la pousse gentiment.
           Ça, ça vient d'une fille, assurément. Mais qui pour me toucher de la sorte ?

           Je me retourne. Face à moi une jolie brune, visiblement assez jeune, très saoule, et complètement trempée me sourit. Je lui adresse mes salutations et lui sourit à mon tour. Avant de m'apercevoir qu'à côté d'elle se tient Syrine.

_ Tiens, salut toi ! J'pensais pas te revoir, je lui adresse !
_ Moi non plus ! me répond Syrine.
_ Ça va, tu t'éclates ?
_ Ça va ouais.
_ Vous êtes toutes trempées toutes les deux, vous sortez de la piscine j'imagine ?!
_ Ouais, mais là on a soif ! exprime la copine brune de la barmaid blonde.
_ On est en train de commander, vous voulez quoi ?
_ Deux vodka-jet !
_ On prend ça nous aussi. Fred, tu peux prendre deux vodka-jet supplémentaires ?
_ Ouais, j'peux faire ça ouais.
_ Merci Fred. Et donc, vous êtes avec vos copains, les filles ?
_ Moi j'ai pas de copain, me répond la copine de Syrine.
_ D'accord, et tu t'appelles comment ?
_ Clara.
_ Ok, moi c'est Jarod.
_ Salut Jarod !
_ Salut Clara !

Pendant que j'engage la conversation avec la célibataire des deux, Syrine se tient un peu à l'écart. Je le remarque.

_ Et toi Syrine, ton copain est dans les parages ?
_ Il est par là oui. Tu te souviens de mon nom, ça fait plaisir.
_ Pourquoi je ne m'en souviendrais pas ? J'suis pas amnésique, pas encore tout du moins.

Frédéric nous distribue nos boissons.

_ Tenez, moi j'vais rejoindre les autres, nous indique ce dernier en nous remettant nos verres.
_ Merci Fred. Tenez les filles, j'ajoute.
_ Merci, répondent-elles de concert.

Son verre récupéré, Clara s'évapore dans la foule près de la piscine, laissant Syrine entre mes mains :

_ Tu veux pas venir dans la piscine ? me demande la jeune femme restée à mes côtés.
_ J'sais pas... Tu trouves pas que les gens sont un peu bizarres ici ?
_ Non, pas plus que ça.
_ Et la musique, elle te pète pas les tympans ?
_ Tu sais je suis serveuse donc j'ai l'habitude.
_ C'est vrai, ça je l'avais oublié.
_ Bon allez, finis ton verre et on saute dans l'eau, me sourit-elle.
_ T'as déjà terminé le tien ?
_ Ils sont vachement dilués leurs alcools.
_ C'est vrai, et pas très bons en plus de ça.
_ C'est vrai aussi. Bon, allez, dépêche-toi, je commence à avoir un peu froid.
_ Il fait plus de 20° quand même... Mais c'est bon, j'ai compris l'message, j'me dépêche.

            Je m'empresse de boire mon alcool. Tout juste est-il terminé que déjà Syrine me tend la main. Je l'attrape, m'approche d'elle et lui susurre :
_ Par contre, on saute pas là où y'a du monde. Tant qu'à sauter dans la piscine, autant y sauter là où il n'y a personne.
_ Comme tu veux.

           Vu qu'il fait nuit et les gens étant saouls, l'accès à la piscine est balisé au milieu de celle-ci, histoire d'éviter les accidents là où la foule - aux capacités de réactivité diminuée par la consommation excessive d'aliments fermentés - n'a pas pied. En conséquence, Syrine entame sa course, me tirant par la main. Ainsi sautons-nous tous deux de l'autre côté de la balise. Ensemble nous sautons dans l'interdit !
           À peine sommes-nous dans l'eau que déjà les maîtres-nageurs nous intiment de rejoindre la zone autorisée.
           Dans la zone, émoustillé par la prise d'initiative de Syrine, je lui demande de s'approcher, de m'embrasser. Par fidélité envers son copain elle cherche des excuses. J'insiste un tantinet, lui attrapant la main tout en la conduisant vers mon torse perlé d'eau, au relief dessiné. Elle se rapproche alors, me fait un smack et disparaît à son tour dans la foule.
Encore une qui s'évapore... Décidément !

           À mon tour, je sors de la piscine, et malgré le smack de Syrine, je me sens toujours au bord de l'explosion... Afin de me calmer, je réintègre le groupe de mes amis à proximité du bar.
           Chose inhabituelle, auprès de mes camarades, je fais un peu de remue-ménage. Si bien que je dois m'en excuser auprès de Brad qui fait les frais d'un léger dommage collatéral, alors que, de rage, j'avais jeté mes savates dans un buisson, l'une d'elles percutant le verre de mon ami, l'éclaboussa... Embarrassé de mon attitude, je disparais de la soirée pour m'isoler au bord de la plage, proche des terrains de beach-volley, loin de l'animation.

           Là-bas, esseulé, les pieds dans le sable face à la noirceur de la mer dont les vagues s'abattent sur la côte avec affection, je sens la pression monter...
           Ce n'est pas la faute des filles du Club... Ce n'est pas qu'à cause de la population présente à Kemer... C'est toute ma haine du genre humain et surtout de la vie que j'ai menée qui tient à sortir dans ce qui s'annonce être un fracas...
           J'en ai marre des gens superficiels ! J'en ai marre des petits rois et des petites reines ! J'en ai marre des inégalités dues à la natalité ! J'en ai marre de ce monde de merde ! J'en ai marre de ne voir aucun sens dans la vie telle qu'elle est traitée aujourd'hui ! J'en ai marre d'être qui je suis ! J'en ai marre de mes réflexions, de mes pensées ! J'en ai marre de tout ! Rien ne me satisfait !... Marre du déterminisme, marre de cet eugénisme implicite qui nous gouverne. Marre de cette planète, de cet esclavagisme tout puissant !

PUTAIN - QUE - J'EN - AI - MARRE - BORDEL !!! AAAAAAAHHHHH !!!!!!

           Tout en ruminant, mon regard s'élève vers les étoiles. J'essaie de calmer ma détonation, bien que tout mon corps soit en ébullition. Tel un volcan d'un genre nouveau je m'apprête à exploser et effuser en même temps. Mais voilà que, dans la pénombre, des voix se rapprochent... et je ne tiens surtout pas à me faire remarquer, ce n'est pas mon genre, je reste quelqu'un de profondément discret. Je tente alors de temporiser l'implosion... Seulement, plus ces voix se rapprochent et plus je me rends compte qu'elles me sont familières. Que les silhouettes qui se révèlent peu à peu de l'obscurité le sont toutes autant. J'appelle donc au hasard de la providence :

_ Candice !? Christina !?

           C'est bien elles ! Mes acolytes chanteuses s'en étaient allées faire un tour du côté de la pinède. Désormais, par hasard, elles viennent à ma rencontre. Tomber sur elles me fragilise, me bouleverse, m'émeut. Déstabilisé, je leur demande par conséquent de me prendre dans leurs bras :

_ J'ai besoin d'un câlin les filles !

           C'est ainsi, tandis que je les serrais tout contre moi, que je ne pus retenir mon désespoir... D'habitude inébranlable, je me suis mis à pleurer cinq minutes sans interruption. Sans gémissements, sans trop de sanglots, uniquement dans le silence des rivières de larmes qui coulaient à flot le long de mes joues... terminant leurs courses sur les épaules jointes de mes deux copines... J'en avais gros sur le moral. Pas étonnant, durant ces dernières années, j'en ai accumulé des déceptions. J'en ai subi des situations humiliantes, rabaissantes, culpabilisantes, démoralisantes... J'en ai compris des choses sur les comportements humains, sur mes origines, sur ma vie. Il y en a eu des années de remises en question qui m'ont révélées les déficiences insurmontables de mon éducation...

           Pendant plus de dix minutes durant lesquelles mes débarquées de la nuit essayaient de me réconforter, me répétant que les filles d'ici ne me méritaient pas, je leur rabâchais que mes pleurs étaient dus à une accumulation, à un ras-le-bol général et non à une situation précise.
           Tandis qu'elles persistaient à évoquer l'aveuglement et la bêtise de la gent féminine du Club, célibataire depuis désormais quelques années, je leur ai demandé de me laisser seul digérer ma honte sans les influencer davantage avec mes états d'âme les plus véritables. Ne voulant pas m'abandonner, je ne leur ai pas laissé le choix. Aussi je me suis isolé dans les toilettes à deux mètres de là, profitant de l'occasion pour nettoyer d'eau bienfaitrice et calcaire mon visage parsemé d'eau chagrine et salée.
           Revenant m'assoir face aux terrains de volley, je constatais qu'à la manière d'anges apparaissant et disparaissant à la faveur de leur bon vouloir, Candice et Christina s'étaient évaporées...

           Tenu à l'écart de la foule un long moment avant de pouvoir reprendre mes esprits, persistant, têtu, je ne pouvais me résigner à partir me coucher de la sorte. J'étais encore bien trop alcoolisé. J'ai ainsi regagné la soirée une nouvelle fois.

           De retour vers l'esplanade centrale du village, dans le silence de mon chagrin, j'ai retrouvé mes complices. En leur compagnie, j'avais trop de choses à dire, je ne pouvais rien exprimer... Être humain c'est être incapable de déchiffrer son prochain. Être humain c'est être incapable d'actes désintéressés... Personne ne m'aurait prêté l'attention dont j'estimais avoir besoin... Être humain c'est se méfier, c'est dissimuler sa personnalité afin d'éviter d'être abusé par autrui... Définitivement je me sens extraterrestre devant livrer une guerre absurde visant à m'intégrer sans cesse, moi qui n'ai pas bénéficié de solides racines.
          
Abattu, consterné par ma soirée, consterné par ma personnalité, consterné par tellement d'éléments qui finalement me rendent plutôt fier de moi lorsque je parviens à relativiser, je suis finalement parti me coucher. Submergé par des paradoxes que je ne pouvais délier après avoir enduré avec tant d'intensité autant de faux espoirs durant la nuit, dans mon lit, je me suis évanoui.


L'HOMME ADOLESCENTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant