Retour à Paris

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          L'atterrissage se déroule sans encombre. Ainsi, mes amis instrumentistes et moi-même, tous les huit, nous retrouvons le mauvais temps propre à la région parisienne...

           Paris... Ses transports, ses immeubles et sa population... morbides, funèbres, lugubres, antipathiques.
           Cette ville empeste l'inégalité sociale et la prétention humaine. Il suffit d'observer quelques-uns de ses habitants pour s'en faire une vague idée. La plupart des mieux lotis ne le cachant surtout pas, exposant leurs démesures tels des enfants bien trop gâtés, avides de toujours plus d'attentions... Tandis qu'habillés principalement de noir, l'immense majorité des résidents parisiens projettent leurs deuils constant... Corrompant leurs comportements pour s'adapter au standard bourgeois en vigueur. Inconsciemment, ces derniers semblent accorder leurs états d'esprits avec leurs apparences vestimentaires, tellement la déprime inonde cette ville.
           Capitale du désespoir, Paris joue avec les contrastes... Contrastes d'éducations, contrastes de classes sociales, contrastes d'idéologies, contrastes de professions, contrastes de cultures, contrastes de nationalités, contrastes de personnalités, contrastes d'identités, contrastes, contrastes, contrastes... Tout cela réunissant plus de deux millions d'âmes dans un gigantesque maelström nauséabond, réfrigéré, pollué, fait de goudron, de bitume, de pierres et de béton... Ce même béton formant d'étroites cages empilées en énormes blocs - haussmanniens, pour les moins démunis -, à minimum quarante euros le mètre carré...
           Toutefois, malgré les indéniables inconvénients relatifs à l'endroit, la réunion de plus de deux millions d'individus est effective... Sous quel prétexte ?... La culture ? L'apprentissage ? L'élévation sociale ? La réussite ? Le déterminisme ? Aucune idée ! Pas pour le climat, ni les loyers en tout cas, ça je peux vous l'assurer. Mais bon, on apprend à Paris... Moi, par exemple, je n'avais aucune idée de ce que je foutais.... J'étais un raté, j'avais tout raté. Une occasion s'est présentée, et j'ai pris le pari d'y tenter ma chance... Par candeur. Désormais, comme décrit dans l'allégorie de la caverne, j'ai fait mon nid dans l'inconfort de ce fantasme d'élévation sociale qui est le mien et imagine alors difficilement retourner d'où je viens. Surtout que je n'ai pas de racines, je viens littéralement de nul-part. Et c'est en ce sens que je me sens aussi stupide que n'importe lequel de ces idiots qu'abrite la capitale. Car, précédemment insatisfait de ma prétendue condition de simple « animal » social, j'ai été, moi aussi, naïvement séduit par l'illusion d'ascendance portée par cette agglomération. J'ai été comme attiré par cette espèce de lumière éblouissante, notamment symbolisée par le phare de la ville, qui se targue de cristalliser l'illusion d'élévation partout à travers le pays... Comme un con, j'ai suivi le mouvement, oubliant que toute source lumineuse brûle... D'autant que, plus celle-ci charme, plus elle a des chances d'être fatale... Quand bien même la luminosité était de meilleure facture en région toulousaine, je suis allé pourrir dans l'enfer du département Ile-de-France...
pensais-je ; constatant les immeubles défiler au fur et à mesure que la navette à l'intérieur de laquelle nous étions mes compagnons et moi, s'éloignait de l'aéroport, nous menant aux portes de la capitale.
           Réunis tous les huit pour la dernière fois dans ce véhicule, nous nous séparons finalement. Ainsi, chacun récupère peu à peu son quotidien.

           Nous sommes samedi après-midi, et la routine est difficile à réassimiler. Surtout lorsque Brad et moi nous nous retrouvons seuls dans notre deux-pièces de 40m². Dans ma tête, c'est pas la fête ! Faut qu'je bouge !... J'en profite pour passer un coup de fil... Sorti, je réintègre mon appartement, un pochon de cannabis en poche. L'intérêt étant de rendre moins brutale ma réassimilation du réel... Je naviguais tellement dans un univers particulier au Club, et le quotidien relatif à ma condition parisienne est tellement difficile à assumer... Que je ressens le besoin d'altérer ma vision, ma conscience, mes pensées...

L'HOMME ADOLESCENTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant