Premier jour d'exploration par notre troupe d'artistes du village nous accueillant. Il est 10h du matin. Quatre heures de sommeil ne m'ont pas permis de décuver entièrement. Pourtant, le fait d'être en vacances, le plaisir d'avoir un village de bord de mer à découvrir et des soi-disant « beaufs » à fréquenter - comme me les ont présentés mes copains vétérans - tout ceci me pousse à participer au petit déjeuner en compagnie de mes camarades.
Le petit déjeuner se déroule à la Pinède, restaurant de mets turcs, situé à l'ouest du village, absent de parois, comme son prédécesseur, et disposé face à une plage pourvue d'une vue dégagée sur la mer. Et c'est un réfectoire des plus agréables, valorisé d'un climat incroyablement propice et de cigales permanentes qui enchantent l'atmosphère de leurs chants omniprésents. De nouveau, on s'y régale. Comme au restaurant de la veille, les plats sont d'une richesse gastronomique surprenante : omelettes aux champignons, aux fromages, natures ; biscottes, pain toasté, brioché, brioché/toasté ; confitures de fraises, de mûres, de figues, Nutella ; céréales, salades de fruits ; raisins, pommes, oranges ; jus d'oranges fraîchement pressées, café, thé, chocolat au lait ; etc. C'est indécent, je me dis ! Puis voilà que le nerf de ma molaire se déchaine dans ma mâchoire ; « sans-dents » que je suis, me qualifierait le président Hollande. Je me contente alors d'un repas frugal. Pas d'indécence donc. Pour le moment tout du moins... Seulement une part d'omelette au fromage et quelques verres de jus d'oranges. Cependant, conscient de mon état de la nuit passée, il aurait mieux fallu que je me nourrisse comme un ogre. Ça m'aurait permis de prévenir quelques désagréments futurs non anticipés. Fichue rage de dent !
_ Ça va Jarod ? me questionne Frédéric.
_ Ouais pourquoi ?
_ Bin j'sais pas, tu manges pas.
_ Bin si j'mange.
_ Tu manges presque rien mec, alors que t'aleur tu te plaignais d'avoir la dalle.
_ Ouais bin, là j'ai plus trop envie...
_ T'as mal aux dents ? me demande Brad qui partage les mêmes soucis de dentition.
_ Un peu ouais. Mais ça va aller, j'ai prévu du Doliprane dans mes bagages.
_ Pourquoi vous allez pas chez un dentiste tous les deux ? nous interroge Christina.
_ Brad j'sais pas, mais moi c'est par convictions.
_ Par convictions ? Qu'est-ce que t'appelles des convictions ? me questionne Candice.
_ Depuis que j'ai appris par des potes infirmiers que beaucoup de dentistes utilisaient la sécu pour se remplir les poches... Chose dont j'ai été victime après être allé voir plusieurs d'entre-eux qui, même en ayant constaté ma molaire pétée, m'ont seulement détartré malgré une succession de rendez-vous... Ça m'a dégoûté ! C'est pas comme si c'était une partie de plaisir d'aller chez le dentiste non plus.
_ Ouais, moi pareil !
_ Non mais en fait vous flippez c'est tout ! affirme Christina.
_ Ouais voilà Christina, on flippe ouais. Satisfaits-toi de ce genre de réflexion ! Comme si tu savais ce que c'était que d'avoir des problèmes toi ? je rétorque.
_ Ça veut dire quoi ça ?
_ Non mais j'déconne, désolé. J'suis facilement irritable quand j'ai mal aux dents.
_ Faut pas lui en vouloir, s'immisce Brad. C'est vrai que c'est plus compliqué de comprendre ce qu'on endure quand t'as jamais vraiment eu de soucis, que tes parents ont toujours été là pour toi, qu'ils t'ont même payé un appart en plein Paris, que t'as jamais vraiment eu besoin de faire les choses par toi-même... La taquine Brad, sourire aux lèvres, avec lequel elle est amie depuis belle lurette.
_ Pour la musique j'me suis toujours débrouillée toute seule...
_ Mais oui, mais ça va, on plaisante ! C'est juste que voilà, y'a des choses qui demandent plus d'efforts à faire pour certains que pour d'autres. On n'est pas tous égaux en vrai ! L'apaise Brad.
_ Ça c'est pas faux ! Mais bon, niveau humour vous êtes zéros les mecs, nous répond Candice.
_ J'avoue ! Encore désolé Tina, je réponds.
Le repas dit « le plus important de la journée » consommé, il est temps pour notre groupe de vacanciers privilégiés de partir digérer dans la piscine, les activités physiques et sportives commençant incessamment. Que vais-je bien pouvoir trouver comme excuse si d'aventure je parvenais à séduire une fille mais que subitement un nouveau mal de dent se déclarait ?... J'improviserais... je me dis.
Installés dans la piscine avec Théo et Mike, Candice et moi nous partageons la même envie de nous activer à l'aquagym. Dans le même temps, Frédéric s'en est allé s'adonner à la pratique du wakeboard (ce sport nautique qui consiste à se faire tracter par une vedette, debout sur une planche de glisse), tandis que le couple de Brad et Leila s'est fixé pour objectif de s'alcooliser au bord de la plage, pendant que Christina lit Madame Bovary, tranquillement assise sur un transat au soleil.
Lorsque le cours d'aquagym débute, avec ma partenaire sportive, nous nous appliquons à copier tous les mouvements dictés par le prof à la perfection. Malheureusement, au bout d'une demi-heure d'intense chorégraphie, mon ventre gronde, mes muscles s'affaiblissent, mon rythme cardiaque s'emballe. Foutue gueule de bois ! Et puis j'ai trop la dalle. J'ai pratiquement rien mangé ce matin... Enfin, cette rage de dent s'estompe, c'est déjà ça... Finalement peu importe que je me sente extrêmement bien entouré dans cette piscine avec toutes ces femmes très attirantes aux physiques variés qui m'environnent et me motivent de leurs présences enchanteresses, je faiblis... Il me faut me coucher. Kemer, je m'en ferai une idée plus tard...