Chapitre 13

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L'aube se levait à peine. Ténèbre avait mal dormi toute la nuit, réveillé par d'étranges cauchemars ou un vieux chat brun et aveugle le suppliait de retourner aux Clans. À chaque fois, il écouta son conseil et se retrouva face à face avec Lion Noir. Les deux chats noirs se battaient, et enfin, Ténèbre se réveillait en sursaut après s'être fait tuer par son père, lors d'un violent combat. Dés qu'il se rendormit cette nuit, il faisait sans cesse le même cauchemar, hanté par le souvenir de son père.
Ténèbre décida de se lever et de marcher au bord de l'eau salé pour se dégourdir les pattes. Le sable s'infiltrait en ses griffes, très désagréable et le vent salé lui fouettait le visage, plaquant ses oreilles sur son crâne. Il tenta de lutter contre le courant d'air mais posa accidentellement une patte dans l'eau, ce qui le fit sursauter. Le matou sombre s'éloigna donc de la mer et se retourna pour fixer les pics acérés et lointains des montagnes.
Je ne pourrais à l'evidence jamais y retourner... songea-t-il en repensant à Flaque.
Ténèbre escalada une immense roche et réussit à voir l'horizon, plus loin que ce qu'il aurait pensé. La mer lui paraissait être un énorme lac sans fin qui s'étendait à perte de vue. Il n'aurait aucune chance de vie là bas.
Il se tourna légèrement et apperçut la forêt où il était né. Les cauchemars de cette nuit lui fouettèrent soudainement l'esprit, et le jeune chat noir dut lutter pour ne pas se laisser emporter par ses pensées.
Je doit retourner là bas et affronter mon père... Peu importe si je n'y arrive pas, je doit au moins essayer...
Ténèbre descendit de son point de vue et atterit non sans mal dans le sable qui, heureusement, amortit un peu sa chute. La voix de Lierre et un petit miaulement aigü le prévinrent que la chatte domestique et les deux chatons arrivaient sur la plage. Sans vraiment savoir pourquoi, Ténèbre se cacha aussi vite qu'il le put derrière un pierre couverte d'algues gluantes.
Au moins leur odeur cachera la mienne, pensa le jeune matou en fronçant le nez devant les plantes molles et encore humides d'eau de mer.
"Ténèbre? Appela Lierre en donnant un coup de patte à Écaille qui commençait à boire dans une flaque d'eau salée. Ténèbre où es-tu?"
Jais sautilla de joie dans le sable et en lança sur le visage de sa soeur. Celle ci lui jeta un regard noir et répliqua en donnant un coup de patte dans la flaque d'eau de mer, éclaboussant son frère et Lierre au passage.
"Non Écaille, ne joue pas avec ça, feula la femelle crème en donnant un coup de patte sur l'oreille du chaton. C'est de l'eau de mer, c'est pas bon."
Jais, à présent humide et couvert de sable, se plaignit car sa fourrure collait et puait le poisson.
"Ça t'apprendras à me jeter du sable sur la tronche! Pépia Écaille en lui tirant la langue.
-On dit visage ou figure déjà, rétorqua le petit chaton noir. Ou pour ton cas, face de crapaud!"
Lierre les gronda et les punit chacun dans un coin ou il n'y avait ni sable, ni eau.
Grisaille arriva à son tour, le ventre arrondi, comme si il avait déjà mangé.
"As-tu vu Ténèbre? Lui demanda Lierre.
-Pas de la matinée pourquoi?
-Il est censé être ici non? Je voulais lui demander de garder un oeil sur les petits pour ce matin car j'aurais voulu chasser un peu dans la forêt.
-Pas de problème, je m'en charge, répondit le matou gris en s'approchant du coin où se trouvait Jais. Je réussirais à les occuper.
-Merci beaucoup."
Ténèbre se tapit un peu plus contre le sable humide lorsque Lierre passa à côté de sa cachette. Elle finit par disparaître dans les hautes herbes qui bordaient la plage.
Grisaille commençait à occuper Jais et Écaille avec un vieux déchet de Bipède retrouvé dans le sable, tandis que Ténèbre sortit discrètement de derrière la pierre pour tenter d'atteindre la forêt lui aussi. Il sentit la piste de Lierre prendre un sentier très marqué et bordé par des petits buissons de bruyère. Le matou noir opta pour un second sentier qui s'enfonçait dans une forêt de pins. Le petit chemin était pleins de pierres délogées par de nombreux passages et des racines dévoilées des pins. Il trébucha de nombreuses fois dessus, s'écorchant les coussinet au passage.
Il marcha ainsi dans cette immense forêt la journée entière. Au coucher du soleil, il rata un grive et se coucha donc l'estomac vide, déçu. Le lendemain il reprit sa marche, affamé, sans même prendre le temps de chasser avant son départ. Il ne voulait pas que Lierre et Grisaille le retrouvent. Ils lui poseraient des tas de questions, pour savoir pourquoi il était parti et où il comptait aller. Que des questions auquel Ténèbre n'avait pas de réponses.
Le matou noir s'arrêta finalement au bord du sentier, épuisé. Ses coussinets étaient sanguinolants mais il refusait de les soigner. Surtout qu'il ne savait pas comment les soigner, et il n'en avait pas le temps. Les pins avaient laissés place à d'autres connifères, des sapins et des épiceas, qui lui offraient un tapis moelleux d'épines sur le sol. Malgré tout, ses pattes gardaient encore le mauvais souvenir des pierres et des racines de pin.
Ténèbre se releva et reprit le chemin malgré la nuit qui commençait à tomber. Cette forêt lui parraissait interminable, et il ne savait pas si il réussirais à en sortir. Le lendemain, après avoir marché toute la nuit, bien décidé à en trouver la sortie, il escalada les branches basses d'un sapin pour tenter de voir l'horizon, et malgré deux ou trois fois ou il faillit perdre l'équilibre, il réussit à atteindre la cime de l'arbre. Devant lui se dressait des arbres de partout. À droite, à gauche, derrière, partout. Il réussit tout de même à discerner les montagnes loin, très loin derrière. Elles n'étaient plus qu'une silhouette grise et vague qui se découpait a l'horizon. Ténèbre se reconcentra devant lui et reconnut les arbres de sa forêt natale: des arbres aux feuilles vertes et tendres qui se dressaient vers le ciel.
Je suis parti il y a bien plus de douzes lunes à présent... Et il est grand temps que je revienne.

LGDC Hors Série - Le Voyage de TénèbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant