Chapitre 3

132 11 0
                                    


Mark

Un mois, cela fait un mois que je croise chaque jour cet ange à la Carter Corporation.

Notre rencontre a été d'une banalité désespérante et d'une étrange singularité. Ma bosse a depuis disparu. Mais quand je repense à cet incident, je ne suis ni fâché, ni en colère. Au contraire, une douce sérénité s'empare de moi.

Je vois encore son visage rond parsemé de taches de rousseur, penchée au-dessus de moi, ses yeux gris-bleu qui exprimaient une profonde inquiétude et cette voix qui chantait presque. Rien que de me souvenir de son vol plané me fait glousser comme un con ! Heureusement que je l'ai retenue à temps.

Je ne me lasse pas d'admirer son sourire. Ce n'est pas un sourire de circonstance ou de politesse. Le sien est naturel et franc. Joanna a beau jouer les timides devant moi, je devine que cela cache un tempérament de feu qui ne demande qu'à s'exprimer. Je l'ai surprise, une fois, avec son collègue. Elle riait aux éclats et il semblait impossible de l'arrêter. J'aurai donné n'importe quoi pour me joindre à eux.

Soudain, mon téléphone sonne, brisant ma rêverie comme on briserait une branche sèche. Je regarde avec mépris le gêneur. C'est Ryan Carter, mon patron. Je réponds.

— Leviels, j'écoute... Oui... Le dossier a été traité, Monsieur. Oui... Je dois justement me rendre dans le bureau de Gabriel pour refaire le point.

Avec l'espoir d'apercevoir Joanna. Je me doute cependant qu'elle sera trop accaparée par son travail. Je trouverai bien un moyen de la voir. Ne suis-je pas le directeur de la firme après tout ? La tâche n'en sera que facilitée si c'est elle et son collègue qui ont traité le dossier.

— Je m'en occupe, vous pouvez compter sur moi, confirmé-je. Pour le client Numberone, je vous ferai un rapport détaillé de notre entrevue. Mais, je vais être franc avec vous, Monsieur, je doute énormément de leur solvabilité... Très bien... Je fais le nécessaire.

Je raccroche sans plus attendre. Je remets ma veste sur mes épaules et me rends dans le bureau de Gabriel jusqu'à ce que mon téléphone sonne à nouveau. Je fronce les sourcils. C'est l'hôpital.

— Leviels, j'écoute... Comment ça ? ... Non je... Bien... Je serai là dans deux heures. D'ici là... Oui, je pense que ce sera la meilleure solution. Merci de m'avoir prévenu.

Je secoue la tête en soupirant. Cette hospitalisation me coute les yeux de la tête, je paie une fortune pour obtenir un service irréprochable et les médecins sont incapables d'apaiser sa douleur et ses crises. C'est énervé que je rentre dans le bureau du directeur de communication.

Je frappe à sa porte et l'ouvre sans même attendre qu'il me réponde.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? demande Gabriel en tapant sur son clavier.

Ma mine sombre le met sur la voie. Il a la gentillesse de ne pas insister sur le sujet qu'il sait douloureux pour moi.

— Tu viens pour Numberone ? reprend-il.

— Oui, Carter veut connaître l'avancement de ce dossier. J'ai cru comprendre que le service marketing avait réussi un coup de maître. Qu'en est-il de toi ?

— J'ai mis Joanna et Matt sur l'affaire. Ils doivent d'ailleurs me rendre compte d'ici quelques minutes. Souhaites-tu y assister ?

Dire non serait idiot. À l'idée de revoir Joanna m'exposer son travail me donne des fourmillements au cœur. Ressaisis-toi, Mark !

— Oui, je veux bien, acquiescé-je. Mais vite, j'ai rendez-vous dans deux heures.

Gabriel prend son téléphone et les appel. Je viens me mettre derrière son bureau. Lorsque la porte s'ouvre, ma poitrine fait un bon. Joanna est sublime aujourd'hui. Sa combinaison épouse à merveille ses formes et ses hauts-talons allongent sa silhouette élégamment. J'aurais préféré voir ses beaux cheveux détachés, mais cela aurait été un sacrilège tant ce chignon, tiré à quatre épingles, lui sied à ravir. Je souris. Lorsque ses magnifiques iris croisent les miens, je me détourne aussitôt. Je me demande si Gabriel a déjà tenté une approche avec elle. Je n'en serai guère étonné. Dans ce cas, j'ai tout intérêt à me manifester assez vite avant que cette superbe femme ne me passe sous le nez.

— Matt, Joanna, je souhaiterai que vous nous fassiez un rapport dans l'avancement du dossier Numberone, commence Gabriel.

Joanna se tend. Matt lui lance un regard qui ne me plait pas. Je me demande un instant si quelque chose ne s'est pas construit entre eux, car je lis distinctement une certaine complicité.

Elle se lève et s'approche, tremblante. Que ne donnerai-je pas pour la prendre dans mes bras et la rassurer ? Elle ressemble à une petite souris en face d'un gros chat.

— Bien, hum...

Elle se racle la gorge. Et commence son exposé. Travail oblige, je reprends mon sérieux pour prendre connaissance de son avancement.

— Il m'a semblé judicieux d'adopter un ton neutre pour observer la confidentialité de l'entreprise, mais en même temps, j'ai voulu donner un peu plus de punch pour en exprimer sa devise. C'est pour cette raison que j'ai décidé de prendre un dégradé taupe et rouge. Néanmoins, si toutefois cela ne convenait pas, j'ai prévu d'autres échantillons. À voir maintenant si cela plaira au client.

Je ne fais même pas attention à ce qu'elle me présente. Je suis obnubilé par ses mains délicates. J'efface bien vite les pensées lubriques qui envahissent mon esprit.

Matt montre les maquettes. C'est à peine si je m'occupe à lui. Joanna sourit et hoche parfois la tête. Ses lèvres sont exquises, pleines. Je meurs d'envie d'y écraser les miennes.

— Qu'en penses-tu Mark ? m'interroge Gabriel, me sortant de ma torpeur.

Je jette un rapide coup d'œil aux documents de ses assistants. Autant dire les choses, ils ont bien travaillé. Joanna m'observe, je la sens inquiète.

— Je pense que nous pourrons présenter ceci à Monsieur Clide.

Mon téléphone sonne, je réponds. C'est encore l'hôpital. Plus le temps d'attendre, je dois m'y rendre immédiatement.

— Je veux ce dossier sur mon bureau dès ce soir, dis-je après avoir raccroché.

Les deux collaborateurs de Gabriel hochent la tête et s'en vont. J'aurais aimé hurler à Matt de se décaler pour que je puisse pleinement profiter de la vue que m'offraient les fesses de Joanna. Le directeur de communication m'observe, amusé.

— Ne me dis pas que tu craques pour mon assistante ? sourit-il.

Je fronce les sourcils. Bordel, Mark soit plus discret.

— Je lui trouve juste...

— Du charme ?

— Oui.

— Mark, je te connais depuis un moment maintenant. Et jamais tu n'as autant dévoré des yeux une femme. Qu'est-ce que je dois en déduire ?

Je me le demande aussi. Joanna est arrivée et a donné un grand coup de pied dans la fourmilière qu'était ma vie. Je soupire.

— Rien, Gabriel. Depuis quand n'ai-je plus le droit d'admirer le postérieur de tes assistantes ?

Il me regarde, circonspect. J'avoue que ma réplique a de quoi faire sourire. Je suis parfaitement incapable de cacher ce que je ressens.

— Rien, répété-je. Je dois filer. On se voit ce soir pour le débriefing.

Je n'attends pas mon reste et m'éclipse de son bureau. Mon téléphone sonne à nouveau. C'est un client. Autant que je me replonge dans mon travail pour arrêter de me poser des questions.

Le paladin aux émeraudesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant