Chapitre 5

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Joanna

Cela fait plus d'une semaine que nous travaillons sur ce fichu dossier Matt et moi. Et ce truc est... chiant. Je n'ai pas d'autre mot ! Nous avons dû le recommencer pas moins de trois fois parce que le client changeait sans cesse ses exigences ! J'ai un mal de crâne à assommer un éléphant et mon collègue est d'une humeur de dogue ! Lui qui est si jovial d'habitude passe son temps à ronchonner et insulter sa tablette graphique. Gabriel a l'amabilité de ne pas nous bousculer. Je sais que pour lui aussi, malgré son stoïcisme, il bouillonne.

— Merde ! crie Matt.

Il s'affale sur son bureau, la tête dans le creux de ses bras.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Un café ! J'en ai marre !

J'éclate de rire.

— Tu devrais le prendre en intraveineuse !

Ma boutade lui arrache un sourire. Nous nous rendons dans la cafète, puis, après avoir bu notre drogue quotidienne, nous retournons à notre poste.

Après une heure, mon collègue s'étire.

— Bon... Normalement, c'est ok ! Viens voir que je te montre !

Je me lève pour regarder le travail de Matt.

— Ce sont les couleurs que nous avons adoptées. T'en penses quoi ? J'ai insisté sur le jaune et le bleu.

J'observe son logo et essaie de ne pas rire, de rester aussi sérieuse que possible. Mais mon esprit lubrique en décide autrement.

— OK, qu'est-ce qui te fait rire, soupire-t-il laconiquement.

— Non, mais... c'est... c'est très bien. Vraiment ! C'est juste que... enfin...

— Enfin quoi ?

— Bah... en fait... ton logo...

J'attrape son stylo numérique et dessine la tête d'un bonhomme qui sourit.

— On dirait un monsieur tout nu qui saute de joie avec son zizi qui pend. Je te rappelle que notre client est une association religieuse. Ça fait un peu tache quand même.

Matt m'observe, interloqué. Il se tourne vers son logo puis revient vers moi, un air fripon sur le visage.

— Peut-être qu'en fait ce sont des naturistes-échangistes.

Nulle parole n'aurait été utile. Nous rions de concert attirant sur nous l'attention de toutes les personnes présentes dans l'open-space. Il nous faut un moment et l'intervention de Gabriel pour que l'on se ressaisisse. On étouffe notre hilarité autant que possible.

Quand j'y pense, je n'aurai pas rêvé mieux comme collègue ! En plus d'être beau comme un dieu — après tout je suis une fille et j'ai bien le droit de fantasmer! — ce type est adorable au possible et bon public avec un humour aussi décapant que le mien !

Matt me rappelle sans conteste mon meilleur ami, celui que j'ai laissé en France et qui me manque atrocement. Notre séparation a été une déchirure pour nous deux. Nous nous connaissons depuis que nous sommes aux collèges. C'est lui qui m'a fait découvrir les jeux de rôle, le monde de Tolkien, et tout un tas d'autres geekeries en tout genre. Nous nous comprenons sans avoir à parler et il suffit parfois que l'un se sente mal pour que l'autre le détecte, même à l'autre bout de la planète. Quand je suis venue vivre à New York et que mon moral était au plus bas, c'était le premier à me contacter. Il me changeait les idées, me racontait ses précédents exploits que ce soit en maître du jeu, personnage ou bien sexuel. Même si cette dernière option me rebutait, l'entendre me faisait du bien. Plus que mes parents qui avaient une fâcheuse tendance à être fatalistes pour la plupart du temps.

Le paladin aux émeraudesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant