Chapitre I

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[Journal trouvé sur un cadavre mutilé non-identifié à la frontière de la Zone]

Ça y est, on est arrivés à la frontière de la Zone. Je dois avouer être un peu déçu. On raconte des tas d'atrocités sur cet endroit, à propos des zombies, des gens qui y deviennent dingues,alors forcément, on a certains fantasmes. Même les photos des journalistes donnent un autre aperçu. Je me la figurais comme vous,avec des murs hauts de six bons mètres, des miradors, et des soldats armés jusqu'aux dents tous les deux mètres. Mais si on dézoome un peu sur la photo, on découvre un véritable gruyère protégé par une poignée de plantons de la garde nationale. Il faut bien comprendre une chose : la circonférence de notre Zone est de 1451 km, et plus de la moitié se situe en France. Déployer l'armée sur une telle surface aurait été bien trop coûteux, alors le gouvernement a posté des pantins pour rappeler aux gens qu'il est dangereux d'aller plus loin. Mais comme des milliers de personnes,nous n'avions que faire des avertissements.

Du coup, dire que nous avons été arrêtés par un barrage serait un peu exagéré. Nous circulions sur une petite route en rase campagne,et deux types nous on dit d'éteindre le moteur. Le premier se tenait juste au milieu de la route, bien en vue dans la lumière des phares, pour jouer les barrières amovibles, tandis que l'autre était assis dans sa cabine comme à un péage, si bien que Hack aurait pu juste appuyer sur le champignon et les renverser. De chaque côté de la route, ils avaient installé des barbelés, donc rien qui aurait arrêté notre fourgon. J'ai avisé sur ma droite un militaire qui faisait des allers-retours le long de ce merveilleux système de défense, seul. A l'armée, la plus petite unité de combat se compose de trois hommes, même pour de bêtes rondes de routines, mais ça le budget n'en avait rien à faire.

Nous avons évidemment coopéré. Nous ne voulions pas d'une amende à notre retour pour ne pas avoir donné nos papiers. La barrière amovible a fouillé le camion selon la procédure, c'est à dire qu'il a ouvert la porte du combi, pris note qu'en plus de Hack et moi à l'avant nous étions quatre de plus, que nous avions des vivres et un paquet d'armes, et qu'il n'y avait rien de suspect, en somme. Le reste, il s'en lavait les mains : si on lui demandait, il avait fait son travail. Le type dans la cabine a vérifié nos laissez-passers et nos documents d'identité, puis il nous les a rendu avec ce que j'ai pris pour un sourire envieux et amer. Je comprenais ça. Il avait sans doute rêvé d'action,d'aventure en cherchant à travailler si près de la Zone, au lieu de quoi il était devenu agent de la DDE post-apocalyptique sur la route la plus paumée d'occident, et son salaire tombait sans doute avec six semaines de retard.

 Barrière amovible nous a donné du « Messieurs », a fait un salut mollasson, puis nous a laissé continuer notre chemin. Au-delà, c'était la même route poussiéreuse, la même nature morne, ses champs en friche. Mais maintenant, c'est un monde à l'abandon que nous contemplons. Nous sommes dans la Zone.

DESabusésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant