Une découverte inattendue (2/2)

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Si Marion était liée au meurtre, il était de son devoir d'enquêter. Elle s'engagea dans l'habitation sans hésiter . L'entrée débouchait sur le salon. À première vue rien d'anormal, bien au contraire : tout était soigneusement rangé. L'alignement des coussins sur le canapé, la disposition des babioles sur la table... On se serait cru dans une publicité. Des tableaux dont les cadres richement décorés témoignaient d'une certaine aisance étaient un peu penchés, ce qui constituait le seul reproche que l'on aurait pu faire.

À droite se trouvait une cuisine dont l'allure modeste contrastait avec le salon. Les fenêtres étaient allongées et ne laissaient entrer que peu de lumière (la pluie semblait s'être calmée bien que l'obscurité persistât). Devant celles-ci gisaient pitoyablement des géraniums, qu'un manque d'arrosage avait brunis. Mais la teinte bleue grisée que reflétaient les nuages donnait à ces plantes une couleur plus étrange encore.

À gauche, on arrivait à un couloir bordé de portes. Il s'agissait visiblement des chambres. Aucune d'entre elles n'était en ordre. Dans la première, le lit avait été rangé négligemment. De plus, des feuilles traînaient çà et là. La seconde était déjà plus convenable, quoiqu'elle ne fût pas parfaite non plus. Au fond du corridor, il y avait une dernière pièce qui, contrairement aux autres, était close. Que s'y trouvait-il ? Était-ce la chambre de Marion ? Était-elle fermée à clef ? Il n'y avait qu'un moyen de le savoir.

Elle vit d'abord les pieds, puis les jambes, et enfin le corps tout entier. La fille était là, gisant sur le sol, morte. Son regard était vitreux et sa chair pâle, presque autant que le précédent. Seules ses joues étaient encore quelque peu colorées. L'inspectrice s'empressa d'appeler ses collègues pour les prévenir de sa funeste découverte. En examinant la victime de plus près, elle aperçut dans la main droite un petit flacon vidé de son contenu. Quant au bouchon, il reposait dans l'autre main. Celle-ci était par ailleurs recouverte de petits gribouillages bleus.

L'intérieur de la fiole en verre était saupoudré d'une poudre blanche. Il y avait également quelques marques sur la surface extérieure. Ces dernières provenaient sans doute d'une étiquette que l'on aurait arrachée. Le tout était assez petit pour entrer, non sans quelques difficultés, dans une poche.

La fille se serait-elle donné la mort ? En essayant de visualiser la scène, l'enquêtrice fut confrontée à une légère incohérence : lorsque l'on ouvre un tel récipient, c'est en général avec la main la plus habile que l'on saisit le bouchon. Vu que l'adolescente avait dessiné sur celle de gauche, elle devait être droitière. Or, c'est avec la gauche qu'elle semblait avoir dévissé ledit couvercle. Ce suicide avait-il été mis en scène ? Avant d'en tirer une conclusion trop hâtive, les services médico-légaux allaient de toute manière inspecter les lieux à leur tour. « Se baser uniquement sur une supposée préférence manuelle n'est pas un argument très solide », marmonna-t-elle en prenant la voix de monsieur Oliviard.

Progressivement, le son des sirènes se fit entendre, annonçant l'arrivée des renforts. Les quelques voitures se garèrent confusément devant l'étroite maison. Les agents courraient dans tous les sens : certains étaient occupés à dresser un périmètre de sécurité tandis que d'autres faisaient des va-et-vient à travers le jardin. Cette soudaine agitation avait attiré l'attention des habitants du quartier, dont les plus courageux étaient même sortis de chez eux pour assister, les yeux écarquillés, à ce drôle de spectacle. Cela mettait Éris mal à l'aise. La famille de la jeune fille n'était pas là alors que des inconnus affluaient par dizaines.

L'un d'eux dégaina son téléphone portable pour filmer. Éris courut pour l'interrompre. Elle le sermonna, s'indignant d'un tel manque de respect envers la victime et ses proches. Il se montra peu coopératif, mais face à l'insistance de l'enquêtrice, finit par céder. Mais lorsqu'elle partit rejoindre ses collègues, elle l'entendit tenir des propos crus la concernant. En tant que femme dans un « milieu d'hommes », elle y était souvent confrontée, sans pour autant réussir à s'y habituer. La mâchoire de la jeune détective se serrait, mais elle le laissa aboyer.

Le Deux de CoeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant