Un lien fatal ? (2/2)

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— Je vous suis reconnaissant d'être venu si promptement, dit le médecin légiste tout en invitant les deux policiers à le suivre.

— Il n'y a pas de quoi nous remercier, la ponctualité est une qualité que chacun se doit d'avoir, répondit le supérieur d'Éris, dont le regard s'abattait sur elle.

Qu'y avait-il ? Qu'avait-elle fait de mal ? Elle n'était pas si souvent en retard pourtant. Certes, il lui arrivait quelquefois de prendre un peu trop son temps, mais était-ce si dramatique ? Perdue dans ses réflexions sur ce mal-jugé, elle n'avait pas remarqué que le scientifique lui tendait une blouse. Voyant que son patron en avait déjà enfilé une et commençait à s'impatienter, elle se dépêcha de s'en revêtir à son tour. Ils traversèrent ensuite plusieurs longs couloirs, franchissant diverses portes et empruntant différents escaliers. C'est finalement dans une salle blanche immaculée qu'ils s'arrêtèrent. Pierre Beaulac prit la parole.

— Nous avons procédé à une analyse spectrographique du contenu de la fiole retrouvée sur la victime. La poudre blanche qui s'y trouvait est de l'hydroxyde de baryum. Au vu de la taille du flacon, celui-ci aurait pu contenir une dose létale dudit produit. Pourtant, dit-il d'un ton plus sombre, la victime n'en a pas ingéré.

Éris se souvint alors de son hypothèse de la veille (celle du meurtre déguisé en suicide) et s'empressa d'en faire part à ses deux collègues. Son chef trouvait sa théorie bien bancale, affirmant que se baser uniquement sur une préférence manuelle était une preuve bien trop mince. Le médecin légiste, lui, ne dit rien et se dirigea simplement vers une série de casiers au fond de la pièce. Il en ouvrit un et en tira un plateau sur lequel reposait le corps de la victime. Il souleva ensuite le drap qui la recouvrait pour que le buste soit entièrement découvert. La première chose notable était le crâne — chauve — de la jeune fille. Le scientifique expliqua qu'on l'avait rasée pour voir s'il n'y avait pas d'éventuelles marques ou blessures à la tête.

Les joues étaient toujours aussi rosées que la veille, mais ce qui interpella davantage l'inspectrice était le cou. Maintenant qu'il était visible, elle s'aperçut qu'il était tout aussi coloré, voire plus encore.

— Cette personne s'est vraisemblablement fait étrangler, reprit le scientifique. Lors d'une strangulation, les veines jugulaires sont compressées et le retour du sang depuis la tête est obstrué, d'où les marques rouges.

— Un étranglement ? s'étonna Éris. Qu'en est-il de la première victime, Benjamin ? Si mes souvenirs sont bons, il n'avait aucune trace semblable.

— Lui, Madame, s'est fait empoisonner par ce qu'il y avait dans le flacon.

En mettant en scène le suicide, le meurtrier avait en sa possession la fiole d'un produit toxique, de l'hydroxyde de baryum (à défaut de réussir à se le rappeler, Éris l'avait soigneusement écrit dans son calepin). Mais pourquoi s'être servi du même produit pour empoisonner une autre personne ? Après tout, s'il avait voulu brouiller les pistes et masquer le lien entre les deux homicides, cela aurait été la dernière chose à faire, tant cela constituait une preuve solide. Il ne devait probablement pas s'attendre à ce que le corps du jeune homme soit trouvé vu qu'il avait tenté de le cacher dans une benne à ordures.Un autre point dérangeait davantage l'inspectrice : la fille, elle, a été retrouvée à son propre domicile, donc l'assassin savait où elle habitait. « Elle vient d'arriver », ces mots résonnaient dans la tête de l'inspectrice comme un écho lointain qui pouvait bien connaître son adresse ? Emma, la fille de la veille, la connaissait. Éris devait la revoir.

Le Deux de CoeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant