Une fin heureuse, mais pour qui ? (2/2)

5 1 0
                                    

— Marc Haschot, savez-vous de quels crimes vous êtes inculpé ? demanda subitement monsieur Oliviard.

— Oui, répondit l'homme chauve. On m'accuse d'avoir tué deux étudiants, Benjamin et Marion.

— Les avez-vous vraiment tués ?

— Non.

— Je répète ma question. Avez-vous tué Benjamin et Marion ?

— Non...

— En êtes-vous sûr ?

Un silence pesant suivi. Le commissaire fixait l'enseignant de chimie qui, lui, avait la tête baissée. Personne ne parlait. Subitement, Marc Haschot se redressa et éclata en sanglots.

— Oui, je les ai tués, je l'avoue, c'est moi, déclara-t-il. Je l'ai fait, je suis coupable.

— Mais, interrompit Éris, pourquoi avez-vous fait cela ?

— J'aimais Marion.

— Mais pourquoi avoir commis des meurtres ? demanda-t-elle.

— Depuis son arrivée, j'ai vu qu'elle me faisait les yeux doux, j'ai su qu'elle me voulait. Mais Benjamin, ce petit salopard, me l'avait volé, j'ai décidé de me venger.

Éris aurait aimé que l'interrogatoire s'arrête ici, mais les paroles de l'homme coulaient de sa bouche comme une cascade poisseuse et ensanglantée, les pleurs ayant laissé place à la fureur.

— J'ai dit à Marion que si elle ne voulait pas être mienne, je tuerais ce garçon. Elle ne m'en a pas cru capable, la bécasse. Pendant qu'il ne regardait pas, j'ai mis une bonne dose de poison dans sa nourriture. Il se roulait par terre. Les cris qu'il poussait étaient comme ceux d'un cochon que l'on égorge. Il me suppliait de l'achever, mais je l'ai observé se tordre de douleur jusqu'au bout. Une fois qu'il ne bougeait plus, je l'ai fait disparaître.

— Pourquoi avoir tué Marion aussi ? Vous l'aimiez, non ? demanda faiblement l'inspectrice

— Si je l'aimais ? Et elle, m'aimait-elle ? Quand je lui ai dit ce que j'avais fait à ce garçon, tout ce qu'elle voulait, c'était me dénoncer aux flics. Du coup, je suis allé chez elle, j'ai forcé sa porte et je l'ai étranglée. Elle s'est débattue; le salon en était sens dessus dessous. Mais après avoir appuyé fort, et longtemps, elle a fini par se calmer. Je l'ai traînée jusqu'à sa chambre, et ai fait un peu de rangement, pensant qu'on ne me retrouverait pas.

Les deux inspecteurs étaient sans voix, l'interrogatoire était terminé.

Lors de son procès, Marc Haschot n'a pas tenu un discours bien différent. En fouillant dans son passé, son avocat avait découvert plusieurs rapports psychiatriques à son sujet, mentionnant entre autres un trouble maniaco-dépressif, le rendant instable et agressif. Malgré cet argument de taille, les juges ne se sont pas montrés beaucoup plus cléments et le condamnèrent à trente ans de prison fermes, sans possibilité de libération pour assassinat et homicide avec préméditation.

Pendant le procès, tous voulurent savoir pourquoi le gymnase de Sévelin avait embauché un individu apparemment aussi instable. D'après le directeur, l'établissement avait ouvert ses portes quelques mois seulement auparavant. Nombreuses places d'enseignant étaient encore vacantes tandis que la rentrée scolaire approchait à grands pas. « Nous n'avions même pas eu le temps de finir l'ameublement », se défendit-il. Il se résolut alors à être plus laxiste quant aux candidatures et finit par engager Marc Haschot sans se poser davantage de questions sur ses antécédents psychiatriques.

— Monsieur Hir-Oswald, demanda un journaliste, pourquoi n'êtes-vous pas venu en aide à la police lorsque ceux-ci enquêtaient dans votre établissement ?

— J'avais peur. Au fond de moi, j'étais persuadé qu'aucun incident n'arriverait par ma faute, comme si tout ceci n'était qu'un mauvais rêve.

— N'avez-vous pas peur des répercussions que vous risquez aujourd'hui ?

— On ne réfléchit pas toujours aux conséquences sur le long terme. Ce dont je suis sûr cependant, c'est que mon acte a eu des répercussions désastreuses et que j'en payerai le prix.

Suite à ces déclarations, le Département de la formation et de la jeunesse décida de renvoyer le vieil homme, lui interdisant par la même occasion d'exercer une quelconque profession en lien avec l'éducation ou la direction. Il dut être hospitalisé d'urgence suite à une crise cardiaque, de laquelle il survécut de justesse, mais qui laissa des séquelles irrémédiables, dû au manque d'oxygénation du cerveau. Depuis ce jour, il perdit la parole et dut rester sous surveillance continuelle d'infirmiers et de médecins.

Le Deux de CoeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant