Un soupçon de bon sens (I)

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- Mais qu'est-ce qui t'es passé par la tête ? Tu peux m'expliquer ?!

La foudre frappa, comme pour appuyer la colère de l'homme qui se tenait dans l'ombre de cette pièce, trop sombre au premier regard. Cependant, au premier regard seulement, car à intervalles réguliers se faisait entendre un grondement précédé par une vive lumière brève. Ces flashs intermittents suffisaient largement pour entrevoir les recoins encrassés de poussière et de paperasses variées. Pour le reste, une simple ampoule se tenait au centre de la salle. Mal accrochée au plafond par le fil d'alimentation qui semblait l'étrangler comme le ferait la corde des pauvres bougres condamnés à mort par pendaison. L'allure macabre et misérable de cette ampoule ne l'empêchait pourtant en rien d'éclairer la seul chose qui eu réellement de l'importance dans cette pièce.

- Pourquoi t'en arrives toujours là ? poursuivit l'homme en prenant un air encore plus grave qu'auparavant. Sérieusement ?...

Cette dernière parole semblait plus s'adresser à une quelconque volonté divine qu'à son interlocuteur. D'un air exaspéré, l'homme s'assit sur une chaise commune en face du seul endroit relativement bien éclairé : le bureau. Sur celui-ci végétaient diverses affaires en plus des classiques fournitures nécessaires au remplissage de différents papiers administratifs. On y trouvait notamment un cendrier ordinaire dans lequel reposait une cigarette encore fumante. Ce détail peut paraître anodin mais son interlocuteur savait très bien ce que cela voulait dire. En effet, l'homme en colère était un fumeur repenti, et si cette cigarette était là, ce n'était pas un signe d'une quelconque rechute mais plutôt le réflexe d'un homme stressé au bureau.

- Tu te rends compte ? reprit l'homme, le regard chargé de reproches dirigé vers son associé assis en face de lui. Tu te rends compte de tout les soucis que tu me causes ?

Malgré l'apparente colère que trahissait son corps, il parvenait à garder un ton calme et ferme ce qui, paradoxalement, le rendait encore plus effrayant. Ses mouvements aussi restaient lents et méthodiques. Il retira et plia ses lunettes avant de les poser devant une petite plaque. On pouvait y lire : Clint Parckson.

Clint était un homme consciencieux. Professionnellement, il s'épanouissait dans la gestion. Ce n'était pas un homme de terrain. Ceci ne l'empêchait pourtant pas d'en voir l'attrait et parfois même d'en ressentir l'appel. Il en connaissait d'ailleurs toutes les ficelles, les points positifs et les risques. Il avait simplement toujours préféré rester en intérieur avec sa fameuse paperasse.

- Ça devient une habitude ou quoi ? gronda-t-il en se prenant la tête et en se frottant le visage, comme le font les personnes agacée.

Il sorti alors d'un des tiroirs du bureau un dossier rempli, à première vue, de différents rapports. Puis il en prit un autre mais moins gros que le précédent. Cependant, on pouvait clairement voir que ces deux dossiers contenaient quasiment le même nombre de sous-dossiers. En effet, les intercalaires de couleur, parfaitement ordonnés, permettaient d'en compter rapidement toutes les parties. Il commença à feuilleter le premier dossier de manière à laisser entrevoir un maximum de son contenu.

- Tu vois ça ? demanda-t-il alors que chaque page tombait sur la précédente. C'est l'ensemble des rapports de chacune de tes précédentes... missions. (Il pris un instant pour soupirer) Et ça ! (il se saisi alors du second dossier et répéta sa gestuelle) Ça, c'est le dossier qui contient les informations relatives à toutes les interventions médicales liées de près ou de loin à ces... missions.

Ce dernier mot semblait provoquer en lui une forme de dégoût. Il posa les deux dossiers l'un à côté de l'autre sans grande précaution. De fait, plusieurs documents dépassaient de chacune des deux chemises. Du premier, dépassait une photo, surement d'un rapport de mission, sur laquelle on distinguait une cloche de bonne taille qui semblait avoir été fondue entièrement en or. De l'autre dossier, sortait une fiche d'un patient nommé Lux Clover. Clint rabattit d'un simple mouvement tous les papiers dissidents avant de venir gratter son crâne dépourvu de chevelure. Il s'étira légèrement en arrière tout en passant son autre main sur son ventre. Ventre qui, d'ailleurs, laissait apparaître quelques signes d'embonpoint. Il reprit ses lunettes et les installa sur son nez, puis rangea les deux tas de feuilles dans leur tiroir. Il semblait faire exprès de ponctuer ses actions par de longs et bruyants soupirs. Quand il eu finit, il se leva et tourna le dos à Lux. Puis, sans grande motivation, il se dirigea vers un casier dans le fond de la pièce. Dessus, reposait une minuscule chemise en comparaison des autres. Il regardait les différentes informations qui s'offraient à lui.

"C'est celui de la dernière !" pensa Lux avant de voir ses songes se faire interrompre par la voix rauque de Clint.

- Et tout ça, pour un vieux pot en terre ? dit-il, non sans ironie.

- Un pot en terre cuite gravé d'origine maya, vieux de plus de trois milles ans ! rétorqua ardemment Lux.

La passion qui animait les yeux bleus du jeune homme était sans doute ce qui avait décidé le gestionnaire à travailler avec lui. Lux rapprocha son visage qui sortit enfin de la pénombre. Il n'était pas moche. Ce visage lui avait d'ailleurs toujours valu quelques compliments de la part de ses amies. Pourtant, on voyait à son teint légèrement pâle et à ses yeux que ce n'était pas un gros dormeur. Ce visage était cerné par une chevelure mi-longue couleur de jais. Il trônait au sommet d'un corps, sec et athlétique, haut d'un mètre soixante-dix-sept. Lux releva les yeux avant de poursuivre.

- Rend-toi compte ! Sa valeur est inestimable ! (il s'enfonça dans sa chaise) En plus, avec ça toutes nos dépenses seront couvertes pour un sacré bout de temps...

- Un an et trois mois. statua le gestionnaire en coupant son acolyte. Mais ce n'est pas ça le problème. (il revint à sa place) Le problème c'est que tu as accepté ce job sans m'en parler. On est des associés, tu ne peux pas faire ça seul dans ton coin comme ça. Et de toute évidence, vu l'état dans lequel tu es, tu n'aurais pas dû accepter ! (Il prit une pose pour se replacer correctement sur sa chaise) Bon, aller vas-y, raconte-moi tout ce qui s'est passé !

- Pff... lâcha brièvement Lux avant d'inspirer et de poursuivre. Alors...

Au-delà du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant