Errances

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La nuit couvrait le monde jusqu'à perte de vue. L'écrin de ténèbres qu'elle offrait était le voile habituel sur lequel personne ne pose plus le regard. Pour certain, la nuit, calme et sereine, leur donnait les clés de ce moment privilégié pour entretenir une relation privé avec l'univers des rêves. Pour d'autre, elle était synonymes de caféine dans les veines, de cernes sous les yeux mais aussi d'heures mieux payées. Pour une minorité, elle était propice aux muses de toute les formes d'arts, des plus conventionnelles, comme la peinture et la musique, aux plus charnelles.

Pour Lux, elle était avant tout le terrain d'une errance solitaire. Une errance dans l'inconnu, dans l'invisible, l'intangible, l'inexistant.

Il ne faisait ni chaud ni froid ni humide. Pourtant un imposant brouillard voilait ses yeux et l'empêchait de distinguer jusqu'à ses doigts. Il diluait les lumières des lampadaires, des panneaux publicitaires et des étoiles, créant une atmosphère homogènes de lumière diffuse que ne renierait pas les plus grands romantiques.

Il lui était difficile de marché droit dans de telle conditions et impossible de conduire. Lux ricochait de mur en mur, se guidant non pas au toucher mais par son incapacité à faire un mouvement quand il bloquait devant une parois.

Comment avait récupéré la bouteille de rhum qu'il tenait ? Où était passé sa veste qu'il avait avant ? Pourquoi errait-il ainsi ? D'où venait donc le brouillard ? Où était-il ? Que s'était-il passer ?

Il n'en savait rien. Ces questions étaient pourtant d'une simplicité élémentaire, d'une logique implacable. Leurs réponses étaient malheureusement tout aussi inamovibles mais surtout, elles étaient d'une froideur terrifiante, si bien qu'elles demeuraient inavouables à celui-là même qui se les posait.

Maintenant, il s'agissait d'oublier, de faire passer sous silence tous ce que la situation avait d'indésirable. Il s'agissait d'aller droit vers nul part jusqu'à l'épuisement, de prendre des trains sans destinations en attendant qu'ils déraillement, de rouler vers l'inconnu et risquer l'accident, de ramper sans directions à s'en arracher les tripes, il s'agissait d'errer jusqu'à disparaître.

Quelles furent les merveilles pleine de noirceur qu'il vit en arpentant ce terrain ? Qui pouvait le dire quand l'intéresser lui-même avait perdu l'envie de regarder. Les fleuves qu'il avait traversés et dont l'éclat des lumières sublimaient les panoramas urbains n'étaient dans son esprit rien de plus clair qu'une ébauche de peinture impressionniste. Les étoiles qui se profilaient dans le ciel brillaient avec une intensité vacillante et semblaient se moquer de lui. Seule la lune le suivait comme pour le pousser plus loin mais sa lueur et ses reflets oppressants faisait d'elle une amie peu digne de confiance. Au final, il avançait sans aller nulle part en subissant les affres du monde.

Néanmoins, le cerveau humain a cette particularité des plus appréciable de ne jamais rien faire au hasard. Il est capable d'aller contre les sens, contre l'instinct et même contre la volonté. C'est pour cela qu'au final, Lux se retrouva devant un endroit qu'il connaissait, un endroit qu'il avait adoré et détesté, arpenté et délaissé. En somme, l'endroit où il s'était inconsciemment dirigé. Il titubait devant la porte et hésitait à presser le bouton de la sonnette.

Entre temps, l'effet de l'alcool avait perdu en virulence et il parvenait de nouveau à feindre comme à son habitude. Personne ne l'aurais pris pour un poivrot avant de sentir son haleine. Cependant là encore, il avait récupéré suffisamment de faculté pour maîtriser son souffle et sa bouche.

Il avait encore du mal à réfléchir mais s'était déjà mit en tête de ne rien laisser paraître. Malgré tout il restait bouleversé par ce qu'il avait vu. Ainsi, il resta là, nauséeux, sans savoir ce qu'il dirait si on lui ouvrait la porte. C'était l'une des rares fois où les mots lui manquaient réellement. Il s'était peut-être écoulé vingt minutes quand il finit par appuyer le bouton.

Ce n'est qu'après qu'il réfléchit à l'heure qu'il était. Il chercha son portable pendant presque trente secondes avant de le trouver. Il était une heure trente six. Il réalisa que sans doute personne ne lui répondrait. Qui le ferait à une heure pareil ?

Il allait partir quand il entendit la serrure tourner. La logique aurait voulut qu'il dise quelque chose mais son esprit avait encore des difficultés à trouver les mots.

Il ne dit rien.

Tina soupira. Elle allait s'énerver. Elle en avait toutes les raisons du monde. Pourtant, elle n'en fit rien. Elle s'était retenu. Si Lux savait tromper son monde comme personne, il y avait bien quelqu'un qui l'avait suffisamment côtoyer pour voir que quelque chose n'allait pas. L'intensité dans regard de Lux, cette façon de toujours défier celui qu'il observait même quand il était en mauvaise posture, même quand il aurait fallut ne pas le faire, même quand il n'y avait aucune raison de le faire, avait disparue.

Sans poser de questions, et en mettant de côté les sentiments contradictoires qui affluait en elle, elle fit entrer Lux. Pourtant, elle avait tant de questions, de reproche, tous justifiés et légitime. Tant de choses à dire sur ne serait-ce que l'heure qu'il était mais surtout sur la situation qui la mettait dans l'embarras. Elle voulait parler de ce qui la dérangeait, de l'épée et de ce qui se cachait sous l'attitude de Lux ces dernières années.

Elle ne dit rien.

Il s'assirent tout les deux sur son canapé. Elle remarqua alors que la tenue qu'elle portait était peut-être un peu peu trop révélatrice ou juste inappropriée. Elle n'avait pas prévu d'ouvrir sa porte en premier lieu mais avait changer d'avis en voyant la mine de son invité. De toute façon, même en peine possession de ces moyens, Lux était un gentleman et en ce moment même, il n'avait d'yeux que pour le vide. Elle n'osait imaginer ce qui l'avait mis dans cet état. Pour se distraire, elle prépara un chocolat chaud en quelques minutes. Quand elle revint, elle se servit et invita Lux à en faire autant.

Il n'en fit rien.

N'en avait-il pas envie ? Non. Elle l'avait déjà vu accéder à ses requêtes par le passer juste pour lui faire plaisir et il avait toujours mis un point d'honneur à maintenir les convenances. Ainsi, il aurait bu même s'il ne se sentait pas bien. Non en vérité, Lux n'avait pas dormit depuis près de vingt-six heures. Il avait conduit, couru, marché plus qu'à l'accoutumée. Il avait surtout vécu une expérience qui l'avait exténué aussi bien physiquement que mentalement. Non, après tout cela, tout ce qu'elle ignorait, il avait enfin trouvé un foyer calme et serein. Un foyer dans lequel son corps et son esprit relâchèrent la pression de concert. Un foyer où il trouva enfin l'étreinte du sommeil.

Elle prit place à coté de lui avant de commencer à boire. Encore dans le brouillard du réveil, elle mit un temps à comprendre qu'il sommeillait. Quand elle en pris conscience, elle secoua son épaule pour s'assurer de sa déduction. Son corps resta inerte, absorbé par Morphée. Cependant, son équilibre étant rompu, il finit par glisser sur le côté et s'écroula sur ses cuisses. Surprise, elle rattrapa in extremis sa tasse et regarda le poids qui venait de s'abattre sur elle. Les long cheveux d'ébènes de Lux se mêlaient sur son visage et lui donnait un air enfantin. Là encore, elle eut envie de le jeter de ses jambes.

Elle n'en fit rien.

Finalement, elle s'endormit avec Lux. Quand il se réveilla, elle feignit de ne pas le remarquer. L'avait-il remarqué ? Elle en était certaine. Il hésita à la déranger. Elle hésita à changer de comportement. Il avait tant de choses à lui dire. Elle en avait tout autant. Ils devaient s'expliquer.

Ils n'en firent rien et se contentèrent de reprendre leurs errances.

Au-delà du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant