Odeur de rouille (I)

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L'odeur de rouille. Il s'agit de la première chose qui vint à l'esprit de Lux. Elle était si forte que, mélangée à sa salive, elle créait ce goût de sang désagréable qui nous plonge dans un état fébrile. Sa bouche en étant rempli, Lux était dégouté. Combinée à sa douleur au crâne, il était même dégouté d'être encore en vie. En vérité, ce n'était pas tout. Sans qu'il puisse s'en rendre compte, quelque chose d'autre le gênait. C'était l'association des trois qui avait provoqué ce dégoût soudain pour la vie elle-même. Cette troisième sensation était un vertige incompréhensible. C'était comme si chacune des cellules de son corps étaient sur le point de lâcher, comme si son corps était à l'article de la mort. Pourtant, il ne ressentait ni douleur, autre que celle à la tête, ni faiblesse de sa part. Ce vertige était un mystère pour lui et il le subissait à l'un des pires moments de sa vie.

Il ouvrit enfin les yeux, le regard pointant le sol.

La pièce tanguait. Elle ne houlait pas de manière insupportable. Elle suivait un simple balancement doux et quasiment imperceptible. Un bateau... Un gros. Lux se trouvait sur un grand navire. Il était de ceux qui sillonnent toutes les mers, jours après jours, inlassablement. Probablement un tanker, ou même un supertanker.

- Eh bien, enfin réveillé ? Il n'y est pas allé de main morte.

Cette voix résonna dans la tête de Lux. Elle était à la fois calme et insupportable. D'abord à cause de l'état même dans lequel il se trouvait mais, aussi et surtout, à cause de l'accent indonésien prononcé. D'ordinaire, Lux ne faisait jamais grand cas des difficultés de prononciation des gens autour de lui. En effet, il avait lui même appris beaucoup de langues et savait à quel point elles sont difficiles à maîtriser. Cependant, cette fois-ci, il ne le tolérait pas.

Il fit l'effort de redresser sa tête et d'ouvrir grand les yeux, ou du moins, du plus grand qu'il pouvait. Instinctivement, il voulut se frotter le visage. Il sentit alors la contrainte et entendit le bruit caractéristique des menottes. Il était attaché par trois pairs. Une qui reliait ses deux mains dans le dots et les deux autres attachaient ses jambes au pieds de la chaise sur laquelle il était assis. Tiens ! C'est original... Il savait déjà qu'il était captif mais maintenant, il savait quelle posture adopter. Ce n'était pas sa première fois avec des menottes. Pour tout autre attache, il aurait su comment s'en débarrasser rapidement et sans élément extérieure mais dans le cas des menottes, il allait devoir patienter.

- Monsieur Lux Clover, c'est ça ?

Dans la pièce houleuse se trouvait une simple table en bois à deux mètres de la chaise sur laquelle était assis Lux. Devant se tenait un homme d'origine philippine. Il regardait son captif avec attention. Il cherchait sans doute la moindre trace de faiblesse dans son système de contraintes. Il n'en trouvait pas. 

Lux l'observait en retour. Son geôlier était petit. Il avait à peine la trentaine. Il portait une veste décorée de trophées en breloques. Ses cheveux étaient très courts. "Pourquoi ne pas les rasés entièrement ?" se demandait Lux. Cependant, cela ne restait que la moindre de ses préoccupations ; Qu'est-ce qu'il faisait là, qui l'avait eu, comment allait Gautier et qu'est-ce qui allait arriver. Voilà ce qui l'intéressait. Il tenta de parler avant de se faire interrompre par sa propre fatigue corporelle.

- Tu voulais dire quelque chose ?

Lux le regarda en essayant de lui faire comprendre qu'il ne trouvait pas cela drôle. Le philippin s'énerva dans son coin.

- Excuse moi... Je n'aime pas la façon que t'as de me regarder !

Il envoya voler la chaise sur laquelle il se tenait. Elle se brisa sur les murs métalliques de la pièce. Lux vit tomber quelques plaques de fer rouillé. Il ne changea pas de regard sur le philippin mais baissa légèrement la tête en signe de désapprobation.

Au-delà du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant