Chapitre 6 : secouer le cocotier

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Lilia était encore entrain de réunir tout le matériel nécessaire pour poser une perfusion à un patient plongé dans le coma quand le docteur Barthès la coupa dans son élan en lui parlant d'un ton assuré.

- attends, Martin va le faire à ta place.

Le jeune interne se trouvait juste au côté du poivre et sel et l'infirmière fit contre mauvaise fortune bon cœur en rapprochant immédiatement le pied à perfusion de leur côté du lit. Martin enfila alors des gants et il commença à chercher une veine située dans le pli à la jonction de l'avant-bras et du bras de son patient. Il noua le garrot juste au dessus de l'endroit où il comptait insérer l'aiguille puis il nettoya la zone d'insertion avec une compresse imbibée d'alcool, le tout sous le regard captivé du docteur Barthès qui ne ratait pas une seule miette du moindre de ses faits et gestes. Martin avait tellement peur de le décevoir, de se ridiculiser devant lui, il voulait tellement bien faire et désirait tellement que le beau médecin apprécie son travail qu'il n'agissait plus de manière naturelle, il était tout à coup très mal à l'aise en sa présence, son cœur battait fort dans sa poitrine, il ressentait tout le poids du monde sur ses frêles épaules.

- non ! Pas comme ça ! Faut laisser sécher l'alcool à l'air libre ! Tu risques de projeter des bactéries sinon !

Tel un réflexe, Martin avait commencé pendant une demi-seconde à agiter sa main gantée au-dessus de la zone en question afin d'accélérer son séchage, ce qui avait fait réagir aussitôt le beau médecin.

- grrr tu me stresses !

Cette phrase lâchée par Martin venait du fond du cœur, à n'en pas douter, il n'avait pas pu se retenir et alla tout de suite se chercher une nouvelle paire de gants qu'il enfila dès qu' il retrouva sa place auprès du lit du patient comateux et donc juste à côté du poivre et sel qui le fixait de ses grands yeux attentifs, visiblement piqué dans sa curiosité.

- pourquoi je te stresse ? Pourtant je suis gentil. Je suis pas méchant.

Son ton se voulait doux, voire rieur et Martin se fit un plaisir d'entrer dans son jeu.

- si.

Le jeune interne s'insulta mentalement après sa réponse prononcée d'un regard espiègle et d'une voix des plus charmeuses, dès qu'il se retrouvait devant le beau médecin, il ne pouvait s'empêcher de minauder comme une collégienne face au beau gosse de l'école. Heureusement, son interlocuteur prit sa remarque avec le sourire, aisément le plus magnifique au monde selon le jeune interne.

Venait maintenant le moment d'insérer la canicule dans la veine du patient comateux, Yann décida de s'en charger sans que Martin ne dise quoique ce soit pour s'y opposer, mais le poivre et sel eut bien du mal à connecter le tube de la perfusion au tube de la canicule, il dut même s'y reprendre à plusieurs fois, ce qui fit bien sourire Lilia, ainsi que Martin au passage.

- c'est toi, tu me stresses !

Le jeune interne répondit par un sourire flatté à l'accusation faite avec humour par son titulaire, l'infirmière qui se trouvait en face d'eux de l'autre côté du lit se sentit tout à coup de trop devant leur flirt si peu discret. Le sourire conquis et les œillades que les deux hommes se lançaient à présent parlaient pour eux, ils se dévoraient mutuellement des yeux. Ces « tu me stresses » échangés sur un ton qui se voulait léger avaient des faux airs de « tu me plais » et ils le savaient parfaitement tous les deux.


- bon les filles je compte sur vous, vous me prévenez dès que vous repérez un beau gosse dans les couloirs hein ? Allez, soyez sympas, vous jouez pas les égoïstes, ok ?

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