Souvenir •9•

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Je sanglote sur mon lit. Mathieu a posé sa main sur son épaule et mon coeur dans son sourire. Ma mère est en déplacement, mon père au travail. Je ne peux même plus compter sur eux quand ça ne va pas. C'est horrible.

Mathieu est là. Mathieu est toujours là. J'ai l'impression d'être un boulet qu'il est obligé de traîner partout. Le pauvre. Je suis horrible.

- Je suis horrible...
- Tu rigoles ? T'es fantabuleuse ma jolie plume. Allez viens me voir...

Il m'attire contre lui. Entre ses bras je suis tellement bien. Il passe ses doigts dans mes boucles. Il enlève quelques noeuds au passage. Je n'ai plus le courage de me coiffer. Je n'ai plus le courage tout court.

Il attrape doucement ma main gauche, et la retourne pour avoir accès à la peau tendre de mon poignet. Il passe son doigt sur mes éraflures. Ses lèvres remuent, muettes.

- Seize sur ce bras. C'est beaucoup trop ma jolie plume ! Tu vas finir par t'ouvrir une artère ! Je t'en supplie arrête... Pourquoi tu ne m'écoute pas ? Pourquoi tu continue ? Qu'est-ce que ça t'apporte ?

Je ne dis rien. Je déteste quand Mathieu me dispute. J'ai besoin de son soutien, pas de ses leçons de morale. Je m'empresse de cacher mes blessures. Même si je crois qu'elles transparaissent dans mes cernes, dans mes cheveux pleins de nœuds, dans mon regard éteint et douloureux.

- S'il te plait Charline, explique-moi je n'arrive pas à comprendre.

Je me dégage de ses bras. Je file à l'autre bout de mon lit, attrape mes genoux, les serre fort contre ma poitrine, et plonge mes yeux dans ses iris de ciel. Je le fusille du regard. Ses sourcils s'abaissent, les coins de ses lèvres perdent leur sourire.

- Charline...

Je le regarde encore un peu. Et puis je quitte ses yeux pour mes pieds nus.

- Pars. Vas t'en. Je ne veux plus te voir.
- Charline...
- VAS T'EN !

Il se lève, à regrets. Il sort son portable de sa poche, le tapote. Comme si j'allais l'appeler. Il quitte ma chambre. J'entends ses pas dans l'escalier. Les larmes que je connais tant, trop, se remettent à ruisseler sur mon visage. Je regarde mes poignets derrière le filtre flou de mes pleurs. C'est tremblotant, imprécis, c'est comme si ça tachait ma peau toute blanche.

J'attrape mon téléphone. Il vibre entre mes doigts. Le nom de Mathieu entouré de deux cœurs bleus sur l'écran. Son sourire de soleil sur sa photo de profil. Ses yeux grands comme le monde. Il est divinement beau. Je suis incroyablement horrible.

Je glisse mon doigt vers le téléphone rouge. La vibration s'arrête. Son nom disparaît. Je déverrouille mon portable, et puis j'appuie sur l'icone colorée. Je regarde mon fil d'actualité. La dernière photo que j'ai publiée date de trois semaines. Je sais que ça va me faire mal, mais je suis fascinée par la méchanceté et l'humour noir de ces commentaires. Par leur vérité, peut-être..?

Les mots tournent dans ma tête. "Wow mais quelle jolie p'tite pute". Déchirent mon âme. "Salope !". Griffent ma raison d'être. "Comme elle cache bien ses p'tits airs de nympho". Griffent ma raison tout court.

Je les lis. Encore et encore. J'ai affreusement mal. Et ils se répètent. Encore. Toujours. Je sais comment faire pour les faire taire. Mais Mathieu me l'a interdit. Et puis, après tout, Mathieu n'est pas dans ma tête. Je lui donne mes problèmes quand il veut.

Je me traine lourdement hors de mon lit, attrape la paire de ciseaux encore un peu tachée du sang que je n'ai pas eu le courage d'enlever la dernière fois, et me dirige vers la salle de bain attenante à ma chambre.

Mes joues sont devenues du parchemin craquelé à cause de mes larmes. J'appuie mon bras contre la porcelaine blanche brillante du lavabo. Délicatement, j'incise ma peau. Un sillon rouge se fraie un chemin jusqu'à la vasque immaculée qui devient bien vite trouée de carmin. J'imagine les mots couler avec mon sang. Ils le polluent tellement de toute façon...

Sauf que, loin de me libérer, ça me fait encore un peu plus mal. Je hurle. J'en ai marre. Je ne sais plus quoi faire. Plus rien ne marche.

Qu'est ce qui m'a valu ces mots ? Je ne comprends pas... Et ça fait encore plus mal que le reste.

Charline, réveille-toi...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant