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- Charline je t'en supplie reviens-nous... On a besoin de toi, t'es une battante ! Tu me l'as promis !

Enfin, la vague de mes souvenirs a cessé de me bringuebaler. C'est étrange. Est-ce qu'on a toujours mal quand on est mort ? Bien sûr c'est plus diffus qu'avant, c'est largement supportable. Comme si j'avais été droguée à la morphine. Quelque chose dans mon nez me gêne. Quelque chose dans mes poumons me gêne et je suppose que ça doit être lié.

En fait, quelque chose dans tout mon corps me gêne. J'ai envie de bouger, mais j'en suis incapable. Tout est noir et confus autour de moi. Pourtant les mots me parviennent très clairement. En fait, ce sont eux qui m'empêchent de me laisser engloutir par les ténèbres sirupeuses qui m'entourent.

- Charline je crois en toi. Moi je suis là. J'ai toujours été là et je le serai toujours. Je sais que ça fait plusieurs heures que je te répète la même chose, ça doit être lassant hein ? Mais j'peux pas m'en empêcher. Tu me manques putain. Et j'ai terriblement besoin que tu comprenne ça. J'aurais dû te le dire avant de t'emmener là bas. Je suis stupide hein ? S'il te plait répond moi Charline... Jolie plume...

Soudain je comprends à qui appartient cette voix. Des souvenirs, perfides, tentent de s'emparer de mon semblant de conscience mais sa voix m'ancre tellement dans la réalité qu'ils n'y parviennent pas. Mathieu. Peau-Brune-Yeux-Bleus. Le garçon qui m'a empêchée de sombrer quand le gouffre était juste sous mes pieds. Le garçon qui m'a sauvée à nouveau en appelant au secours.

Parce que maintenant, j'ai la certitude que je ne suis pas morte. Je ne suis pas morte et c'est grâce à lui. J'aimerais le lui dire mais je suis incapable de me tirer de l'état trouble dans lequel je suis. J'aime sa voix. J'espère qu'il ne s'arrêtera jamais de parler.

- Charline ta mère a besoin que tu te réveille. Ton père est rentré en catastrophe, mais même ses étreintes calment pas ses larmes. Tu déteste quand ta mère pleure, je le sais. J'ai gardé ton casque avec moi. J'aurais aimé que tu le porte quand tu as frappé cette putain de pierre trop aiguisée. J'aurais aimé que tu le porte quand ce connard a publié la photo, pour qu'il te protège de tous les coups. J'aurais aimé te protéger de tous les coups. Jolie plume reviens-moi.

- Jolie plume reviens, tu me manque tellement...

J'attends encore quelques secondes, le temps de retrouver un semblant d'énergie, et je me force à ouvrir les yeux. Je n'ai pas la force de tourner la tête, je vois seulement le plafond tout blanc, le néon qui brûle mes rétines et je ferme mes paupières à nouveau.

Je vais mieux, ça va aller, il me faut seulement du temps pour me remettre. Mathieu est là, Mathieu est là, Mathieu est là. Tout va bien aller.

Charline, réveille-toi...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant