Il a des yeux tellement beaux ! Vert d'eau avec des reflets ambrés, séduisants, de ceux dont on se sent happé et qu'on oublie jamais. Sa peau contre la mienne, ses lèvres contre les miennes, son sourire en échange du mien, toutes ces sensations nouvelles m'électrisent. Je pense que si j'étais ivre, ce serait la même chose.
Il est si rayonnant, je suis si chanceuse.... Comment peut-il s'intéresser à moi, la petite rousse du fond de la classe, quand il est si beau et si sûr de lui ? Cette question, je me la suis posée des milliers de fois, mais jamais je ne lui ai demandé une réponse. J'ai l'impression que ce qui l'unit à moi est trop fragile pour le remettre en question. J'ai l'impression que si je lui demande, il va se rendre compte d'à quel point je suis insipide et fade.
Alors pour l'instant je profite de son souffle qui se mêle au mien, de ses doigts qui accrochent mes boucles rousses en me pressant contre lui, de la sensation de ses cheveux blonds dans mes mains, du toucher de la peau douce de sa nuque.
Je n'ai pas envie de me poser des questions. Il parait que l'amour donne toutes les réponses. Alors pourquoi tout dans ma tête me hurle de m'arrêter alors que mon corps tout entier se consumme sous ses caresses ? Lequel des deux dois-je écouter ?
- T'es belle...
Ses mots soufflent mes dernières réticences et je m'abandonne dans ses étreintes. Soudain, il attrape les bords de mon tee-shirt. La voix dans ma tête me hurle de ne pas le laisser faire, que je vais le regretter, que je ne me sens pas prête à exposer cette partie de mon corps mais je ne fais que glousser en me perdant dans les pépites ambrées de ses flaques vertes.
Il le fait passer par dessus mes épaules et je rigole, amusée.
- Eh, c'est pas juste ! Rends-moi au moins la pareille !
- Comme tu veux, princesse.
Princesse ! Il m'a appelée princesse ! Est-ce que je suis aussi belle ? J'ai l'impression de me sentir belle sous son regard qui brûle, dans ses bras et contre sa poitrine. Soudain, je vois ma peau comme une couverture de nacre, mes taches de rousseur comme des étoiles sur un ciel blanc, mes cheveux comme des flammes qui ondulent dans mon dos. Je crois que l'étincelle de vie dans mes yeux n'a jamais été si vive.
Il me sourit, charmeur. L'ambre de ses yeux semble plus foncé encore que quelques minutes auparavant. Il ouvre un à un les boutons de sa chemise, précis, ne tâtonant à aucun moment. Je suppose que ce n'est pas la première fois qu'il fait ça. Mes yeux, captivés, suivent ses mouvements souples. De lui émane une grâce féline.
Il m'offre un de ses regards ravageurs, de ceux qui me font brûler de l'intérieur, qui font fondre mon coeur et bouillir mon ventre. De ceux qui font se plisser les petites ridules dans les coins de ses yeux. De ceux qui font briller le vert de ses iris. Soudain, je trouve ça amusant, de plonger la teinte émeraude de mes yeux dans celle, translucide, des siens. Il faudra un jour que j'en fasse un mélange, ça ferait une toile magnifique.
Il m'approche de lui et c'est un feu d'artifice dans mon coeur. Chaque endroit en contact avec sa peau vibre fort, tellement fort que l'energie qui circule dans mon corps rougit mes joues ordinairement toujours opalines. Rieur, il les effleure d'un doigt, et puis dessine le contour de chacune des étoiles rousses qui constellent mon visage. Jamais on a pris soin de moi de cette manière.
Heureuse, j'effleure ses boucles blondes, soyeuses. Je sais le soin qu'il met à parfaire sa chevelure, j'ai toujours trouvé ça inutile mais maintenant que je peux en savourer toute la teneur, je change d'avis. C'est merveilleux !
- Dis, il me souffle, tu voudrais pas immortaliser ce moment ? T'es belle, tellement belle comme ça, que ce serait dommage de perdre cette image pour toujours. T'en penses quoi, princesse ?
Sa voix est rauque, presque doucereuse. J'ai envie de me laisser convaincre, pourtant j'hésite. Une photo ? Mais ce moment n'appartient qu'à nous, pourquoi ne pas laisser nos souvenirs en garder la trace ? Il semble s'apercevoir de mon doute parce que ses mains et ses mots se font plus caressants :
- Allez, princesse... Si ça te rassure, on prend la photo sur ton portable. Comme ça, tu as la possibilité de la supprimer si elle te plait pas !
J'hésite encore. L'ambre de ses yeux devient presque noir, ses sourcils se froncent un peu, les ridules de ses yeux se plissent et les coins de ses lèvres se relèvent.
- T'as peur ?
Je sens mes dernières réticences s'effondrer. Je suis incapable de résister à un défi. Je m'extirpe de ses bras. Le manque, violent, me coupe le souffle mais ça ne m'empêche pas de sauter aisément de son lit. Sa chambre est à son image, sombre et lumineuse, jonchée d'un désordre organisé.
J'attrape mon sweat qui traine à quelques mètres de mon tee-shirt. Le pauvre n'est pas resté longtemps sur mes épaules, il cachait bien trop de peau. Je plonge ma main dans la poche droite et en tire mon portable. Je le déverrouille et lui lance. Il l'attrape, un sourire que je ne lui connais pas sur les lèvres.
Prise d'une énergie nouvelle, je bondis à genoux sur son lit, presse mes coudes contre ma poitrine et coince mes mains entre mes cuisses. Je lui souris, les yeux pétillants, mais il est bien plus grand que moi et je suis obligée de lever la tête.
Concentrée sur ses yeux bien plus ambrés que verts désormais, je ne vois pas qu'il prend bien trop de temps pour seulement capturer cet instant de vie dans la photo qui va détruire la mienne, de vie.
Je ne vois que les ridules de ses yeux, plissées, et ses boucles dorées qui s'emmêlent sur son crâne.
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Charline, réveille-toi...
JugendliteraturMes paupières se ferment. La douleur est tellement forte que j'ai l'impression qu'elle va me rendre folle. Je sens mon sang dégouliner le long de ma tempe, loin de rouler comme la jolie perle qui roule sur le doigt parfait de la Belle au bois dorman...