Aime moi si tu l'oses (TERMINÉ)

(4) Suis moi je te fuis

Point de vue Selena

Frustrée, j'effectue avec automatisme ce que je fais d'habitude avec grand plaisir. J'ai mit des mois à chercher ce stage en entreprise, et un mois de plus à passer de nombreux entretiens concernant les différents postes à pourvoir sans parler de la formation de trois semaines qui a suivit pour aboutir à deux semaines d'essais avant d'enfin être recrutée.

Après tout ce travail acharné, je n'ai pas le droit de me morfondre, encore moins pour un garçon. Garçon que j'ai nommé, roulement de tambours, Matty Bennington. Le seul et l'unique. Ce séducteur exécrable, cet immonde pervers, cet enfant trop gâté. Si je le pouvais je lui effacerait ce sourire de tombeur toujours peint sur sa bouille d'ange. C'est vraiment injuste, pourquoi faut-il qu'il soit si beau ?

Je m'applique à ranger mon espace personnel comme j'en ai l'habitude. J'aligne les stylos, puis les feuilles en papier, et enfin je range quelques pochettes en cartons dans l'un des derniers tiroirs. Je récupère mon badge posé sur la commode d'en face et mon gilet accroché au porte manteau. En prenant une grande inspiration, j'ouvre la porte de mon bureau, lissant ma queue de cheval qui je sais restera ondulée.

Je me faufile dans le couloir où le seul bruit qui règne est celui de mes talons étouffés par la moquette. Je tire sur le bas de ma robe moulante, je ne me suis jamais familiarisée avec ce genre d'uniforme sophistiqué et chic. Il y a dû avoir une erreur dans ma conception, dans le passage où je deviens une femme car je préférerais mille fois être avec un vieux t-shirt de Nick.

J'avance à pas feutrés, les mollets en compote et les pieds compressés dans ses splendides escarpins que m'a offert ma mère en l'honneur de la remise de mon diplôme. J'entends soudain au loin des éclats de voix m'interpeller depuis le fond du couloir :

- "Eh, Selena ! On a signé un gros contrat aujourd'hui et on va fêter ça. Tu te joins à nous ?"

Je me retourne et découvre mon amie Sally. La seule fille que je puisses supporter plus de quelques minutes. Ses grands yeux noisette me dévisagent avec bienveillance attendant ma réponse. Je lui sourie en hochant la tête et heureuse, elle avale la distance qui nous sépares et vient me prendre dans ses bras.

- "Tu vas voir ça va être top !"

Ses longs cheveux couleur miel tombent en souple cascade sur ses épaules. Nous nous dirigeons ainsi vers les lourdes portes de verre donnant sur la rue bondée. Dehors il fait déjà nuit, les phares des nombreux véhicules éclairent le hall marbré en continu. Mon amie me prévient qu'elle doit passer aux toilettes avant de nous mettre en route. Je l'attends donc bien sagement, appuyée sur le comptoir, pianotant sur mon cellulaire pour prévenir que je serais de sortie ce soir.

Soudain, Ridley, l'employé travaillant dans le bureau attenant au mien passe devant moi sans me reconnaitre. Je l'intercepte doucement et en me voyant, un sourire illumine son visage. Ses yeux aussi verts que les sapins semblent retrouver de leur éclat. On dirait que je ne suis pas la seule d'être d'une humeur morose.

- "Tu viens avec nous ce soir Ridley ?"

J'espère sincèrement qu'il vient, ce type est toujours souriant et de bonne humeur. Je retrouve en lui un peu de Nick, c'est sûrement pour cela que je l'apprécie autant. Mon collègue passe une main dans sa crinière blonde et je remarque qu'il a exactement la même couleur que Nick. Je ferme un instant les yeux tout en me pinçant l'arrêtes du nez. Bon sang, mais qu'est-ce qui cloche chez moi ? Je pensais à Matty il y a de cela quelques minutes et maintenant que je suis en présence de Ridley je fais un parallèle avec Nick. Il ne me manque plus que Johnson et le compte sera bon.

Nous parlons quelques instants en attendant Sally, qui j'ai l'impression met une éternité. Je la soupçonnerais même de faire exprès de prendre autant de temps. N'entendant plus le ronronnement des voitures, je pivote distraitement la tête du côté de la rue et écarquille les yeux, effarée. Matthew. Il s'avance dans le hall, enlevant son casque de moto qui soulève sa chevelure en d'amples mouvements légers. Merde, l'enfoiré !