(8) La Belle et la Bête

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Point de vue Selena

Nous rentrons à la maison, Jonas sur ses béquilles nous talonnant de très près. Le soleil est déjà haut dans le ciel, signe que la journée est bien entamée. Je n'imaginais pas vraiment mon samedi ainsi. Mr et Me Johnson étant repartit chez eux, lorsque les medecins ont autorisés leur fils à sortir, non sans avoir lui faire promettre de revenir à la maison dès qu'il le pourrait.

En tournant la clé dans la serrure je m'attends à tous sauf à ce qui m'attends, pourtant une fois la porte d'entrée ouverte je suis forcée de me rendre à l'évidence. Matthew est bien là, sur le canapé. Les poignets rougies, le regard espiègle, le menton levé. Je lève les yeux en soupirant bruyamment, posant mes clés sur le comptoir de la cuisine.

Je suis vraiment curieuse de savoir ce qu'il a dit pour sortir si vite et à bon compte. Il faut bien l'admettre, ce mec est malin comme un singe. Ce que Bennington peut m'agacer lorsqu'il prend ce petit air fier et victorieux, comme si le monde lui était redevable. Si je m'étais trouvée seule avec lui, je lui aurais sauté à la gorge. Lui et moi dans une même pièce c'est bien trop compliquée. Nous sommes comme deux aimants qui s'attirent pour mieux se repousser, à la longue c'est un jeu épuisant.

Reprenant mes esprits, je constate que Jonas et Nick se sont installés sur la terrasse, des bières à la main, comme si rien de tout cela n'était arrivé. J'ignore l'imbécile à la crinière ébène qui m'observe depuis le canapé. Je pose mes affaires sur le porte-manteau, et décide de me prendre un verre de vin rouge. J'ai vraiment besoin de décompresser, la mâtiné n'a pas été de tout repos.

Alors que je me mets sur la pointe des pieds pour attraper un verre à pied qui se trouve dans le placard en haut de l'évier, je sens un bassin se coller à mes fesses sans aucune gêne. Je n'ai pas besoin de me tourner pour savoir de qui il s'agit. Automatiquement mon bras retombe mollement sur le plan de travail. Son buste contre mon dos, ses genoux contre mes cuisses, son nez frôlant mes cheveux. C'est comme si je me prenais la foudre, c'est une sensation délicieuse et étrange à la fois.

Je le regarde attraper un verre sans difficulté, s'écarter de moi puis me le tendre. Je le lui arrache des mains sans le regarder parce que je déteste le fait qu'il me fasse un tel effet et qu'il en joue. Je ne suis pas une petite marionnette dont il peut se servir comme bon lui semble. Et cela il le sait très bien. Je crois d'ailleurs que c'est pour cela qu'il ne se lasse jamais de me pousser à bout. Des dizaines de filles tueraient pour être si proche de lui, je ne comprends pas pourquoi il s'accroche autant à cette petite guerre futile que nous avons commencé il y a des années. Bien sûr que je m'y accroche moi aussi, juste pour ne pas être la première à lâcher prise. Ce serait comme déclarer forfait.

Je sors de ma torpeur en sentant ses doigts courir le long de mon bras nue, là où la manche de mon pull est remonté jusqu'à la pliure de mon coude. Je lève mes prunelles ambrées vers lui, ses orbes aussi bleus que les glaciers s'imbriquent dans mes pupilles dilatées. Puis, descendent jusqu'à mes lèvres. Je n'arrive soudain plus à respirer, je me recule et heurte l'angle du comptoir de la cuisine. Ses yeux remontent jusqu'aux miens, et ce que j'y vois me frappe. On dirait qu'une lueur de désir anime son regard. Il n'y a plus aucune trace d'animosité. Je crois que depuis que je le connais je ne l'avais jamais vu me contempler de cette façon, comme si j'étais la chose plus précieuse au monde qu'il lui ait été donné de voir. C'est fascinant, envoûtant. Nous revoilà comme deux aimants.

Point de vue Matty

Son verre au bout des doigts, je regarde la brunette haleter sous mes caresses. Je crève d'envie de toucher sa peau, un simple effleurement ne me suffit pas. Je veux pouvoir toucher chaque centimètre de son épiderme. Je glisse mon genoux entre ses cuisses et les lui écartent. Ce qu'elle fait sans rechigner. Ses lèvres s'entrouvrent et à cette seule vision un frisson remonte le long de mon échine. Je la plaque de tout mon poids contre le comptoir, sans jamais détacher mes billes des siennes. Je passe une main hésitant sur sa taille dénudée, me préparant mentalement à me faire rejeter. Néanmoins elle ne bouche pas d'un cil, ne repousse pas ma main qui se balade déjà sur sa peau veloutée.

Lorsqu'elle se mord la lèvre, je prends cela comme une invitation et n'y tenant plus je l'embrasse, ce qui m'électrocute de la tête au pieds. Au début nos bouches se cherchent puis finissent par ne plus pouvoir se passer l'une de l'autre. Mes mains descendant le long de son dos, je lui empoigne les fesses tandis qu'elle enroule ses jambes autour de mon bassin. Ses lèvres contre les miennes me donne le tournis, c'est un baiser passionné et doux à la fois.

Essoufflé, je m'écarte d'elle, appréhendant sa réaction. Au lieu de quoi, Selena passe ses mains dans mes cheveux et m'embrasse de nouveau, approfondissant notre baiser et mon désir pour elle. Sa langue s'enroulant autour de la mienne, encore et encore. Je sens le martèlement effréné de son cœur contre mon torse. Je suis bien trop serré dans mon boxer qui ne va pas tarder à craquer si elle continue de me bécoter.

Quand nous écartons nos bouches pour la deuxième fois, elle fait une chose à laquelle je ne m'attends pas : elle me gifle. Puis en s'essuyant les lèvres elle me siffle tout bas pour que les garçons sur la terrasse n'entendent pas :

- "Tu m'a embrassé ! Tu fais chié Matty !!"

Elle m'écarte d'elle, les joues rougies par l'excitation. Je lève les yeux au ciel, tout désir m'ayant quitté, bien que je sois toujours aussi tendu dans mon pantalon. Je passe une main dans mes cheveux, là où quelques instants auparavant il y avait la caresse de ses longs doigts fins. Super, maintenant j'ai encore plus envie de l'embrasser. Je chuchote d'un air mauvais :

- "Je te signale que toi aussi tu m'a embrassé !"

Elle me fusille du regard, croisant les bras sur sa divine poitrine. Elle penche sa tête sur le côté et je la maudis d'être si sexy. Pourquoi faut-il que cette fille soit si jolie ? Elle pointe un doigt accusateur sur mon épaule et vocifère :

- "Espèce de traître ! Tu m'a embrassé le premier !"

Mais quelle gamine, sérieux ! Je souffle, agacé par son comportement enfantin et puéril. Il y avait bien une époque avant tout cela où elle et moi étions en bon termes, voir même amis. On se courait après, jouions au loup et tous les jeux de ce genre. Cela remonte à si loin que j'ai l'impression avoir rêvé cette amitié. Pourtant elle a bel et bien existé, pour de vrai. Je ne saurais dire ce qui a creusé ce fossé, ce gouffre, ce vide intersidérale qui nous a séparé. Des histoires de gamins sans en douter. Peut-être est-ce la fois où je lui ai coupé les cheveux avec des ciseaux, ou celle où elle m'avait volé mon petit sceau dans la cours de récré.

Il est vrai que mon comportement au fil des années n'a pas aidé à nous rabibocher. À rafistoler notre fragile amitié. Mes actes d'aujourd'hui sont encore une preuve de cette animosité, de ce "je-ne-sais-quoi" qui me fait enrager, qui m'excite quand je la vois.

Je me suis comporté comme un vrai con, un monstre avide de sang, une Bête féroce sans aucune émotion. Elle a toujours été la Belle, comme j'ai toujours été la Bête. Celui qui sort de ces gonds, qui brise des os et des cœurs lorsqu'il pète des plombs.

- "Selena, pourquoi on se déteste déjà ?"

La Belle me regarde, ses immenses prunelles ambrées puisant au plus profond de mon âme. Lisant en moi comme dans un livre ouvert. Je revois encore le corps ensanglanté de Johnson allongé par terre. Là où nous sommes. À cause de cette Bête sanguinaire qui a toujours sommeillé en moi, cette colère qui boue dans mes veines. Alimenter par la haine.

Les grands yeux de Selena me regardent, on dirait bien que la galaxie entière se reflètent dans ses prunelles. C'est un spectacle saisissant, époustouflant, déboussolant. Ses orbes s'arrachent des miennes, violemment. Elle fait volte-face brutalement, chancelante, elle disparait à l'étage. Et soudain il n'y a plus nos deux cœurs battant à l'unisson, mais juste le mien.

Je reste debout, les mains appuyées contre l'îlot central, essayant de respirer convenablement. Avec l'horrible impression que la Belle vient d'entraîner la Bête dans un tourbillon d'émotions, de sensations, qu'il n'avait plus connu depuis longtemps.

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Aime moi si tu l'oses (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant