Aime moi si tu l'oses (TERMINÉ)

(10) Nos cœurs en désaccord

Point de vue Selena

Ce que nous nous sommes donnés tant de mal à éviter se produit sans que l'on ne puisse l'esquiver.
En sortant de ma voiture, j'aperçois de la fenêtre Nick et Johnson chahutant joyeusement, puis je le vois lui. Assit sur le perron, un verre de vin à la main, dévoré par l'ombre du soleil couchant. En proie à ses démons. Seule la moitié de son visage est éclairée. C'est un spectacle saisissant. Je contemple ce qu'il est vraiment. Un ange, un démon.

Je me campe devant lui, mon sac à main au bout des doigts, les pieds réduis en charpie à cause de mes talons hauts. Ses orbes du même bleus que les glaciers se lèvent vers moi, avec une lenteur extrême il se relève. Et partout où ses yeux parcourent mon corps, ma peau me picote. Peut-être n'est-il pas humain après tout. Il pose son verre, à présent vide, sur le palier et me passe devant. Je l'observe, interdite, hésitant à rentrer tranquillement. À le suivre dans la clarté de la lune qui commence à se lever. Lorsqu'il pivote vers moi et me lance d'une voix rauque et sexy :

- "Allons faire un tour Chesterly !"

Je prends une grande inspiration et lui emboîte le pas. Nous nous engouffrons dans la rue, la nuit commence à tomber, la lune à briller. Un monde de ténèbres où les ombres sont reines. Nous restons là, à marcher côtes à côtes, prenant garde à ne pas se toucher. Il n'y a que nos respirations saccadées dans l'air de la nuit, et mes talons claquant sur le bitume. Je lève les yeux, appréciant la Voie lactée, ce ciel indigo parsemé de milliers de paillettes scintillantes.

J'ai si chaud, malgré la fraîcheur de la nuit qui s'insinue dans mes habits. Mon regard croise celui de Bennington qui n'a pas l'air décider à me parler, à se confier. J'ai toujours été une fille trop bavarde, sociable ou enthousiasme et j'ai toujours su qu'un jour viendrait où cela me perdrait. Enfin de compte, ce jour est arrivé. Matthew est une des rares personnes en ce monde qui me rend nerveuse et anxieuse, je lui chuchote donc d'une petite voix :

- "Matty, ce qu'il s'est passé entre toi et moi samedi..."

J'essayais de ne pas me démonter, de prendre mon courage à deux mains, de m'expliquer. De tous les scénarios que j'avais envisagé, jamais celui-là ne m'étais venue en tête. Il ne me laisse pas le temps de finir. S'arrêtant de marcher, il se tourne vers moi. Ses prunelles brillants aussi ardemment que les milliards d'étoiles dans le ciel nocturne. Comme s'il voulait me happer.

- "Selena, pourquoi on se déteste déjà ?"

Sa question me percute de plein fouet, ces même mots qui m'avaient fait fuir après que nous nous soyons embrassés. J'écarquille les yeux de stupeur, la bouche ouverte, envoûté par la lueur qui anime ses billes bleutées. C'est comme s'il venait de me frapper, de me heurter, de me secouer. Mon cœur se répercute en écho dans les parois de mon crâne, labourant ma cervelle, détruisant toutes pensées cohérentes. Il fait un pas vers moi, et par pur réflexe je recule, manquant de tomber. Ses doigts se referment sur mon poignet, m'empêchant de chuter.

Ses doigts électrisant mon épiderme, je me défais de son emprise pour ne pas faire de bêtises. Le halo du lampadaire nimbant ses prunelles de lumière. Je cligne des paupières, les yeux rivés sur mes pieds pour ne plus trébucher. Je n'ose plus le regarder, de peur de ce que je pourrais y voir, bien que son visage soit un parfait masque, ses orbes en expriment trop. Et je sais qu'à ce moment une ribambelle d'émotions fait rage dans ses iris. Ma raison me hurle de m'éloigner de lui, pourtant mon cœur me murmure de me rapprocher.

Point de vue Matty

Mes yeux ancrés dans les siens, j'attends. C'est comme si je venais de déposer mon cœur au creux de ses mains, mon âme à ses pieds. Mais elle ne le sait pas encore, elle ne le voit pas encore. Cette fille s'est frayée un chemin, s'insinuant dans tous mes pores. Bien qu'elle fixe ses pieds je la vois frotter son poignet, là ou nos deux peaux se sont touchées. Je balaye ses courbes du regard, cette brunette aux yeux de biche que je connais plus que moi-même.