L'Éternité

Chapitre 28 : C'est mon nom.

Magnus ouvre les yeux, le soleil brille.

Un homme vert se met en travers de son chemin, Magnus n'a jamais été aussi heureux de le revoir.

« Tiens, la belle au bois dormant s'éveille. »

Magnus bat des cils, ses sens reviennent.

Il entend le bruit des sabots d'un cheval.

Son corps ressent les cahots de la route.

Il se relève lentement, ils traversent une vallée.

Catarina n'est pas avec eux, son cœur s'affole.

« Elle est restée pour soigner les blessés. Elle nous rejoindra. »

Les visions lui reviennent, le tremblement de terre, la terreur...

Magnus ferme les yeux, il sent une douleur profonde dans ses veines.

Il manque quelque chose.

« Que s'est-il passé Ragnor ? »

Magnus s'assoit plus confortablement dans la charrette. Heureusement que Ragnor a placé quelques coussins pour son dos. Il se sent comme blessé.

Le sorcier ne regarde pas en arrière, il guide le cheval avec prestance. Il est habillé avec élégance, comme à son habitude. A l'inverse de Magnus qui est en chemise blanche et en bas marron. On dirait un prince et son laquais dans une charrette de fortune.

« C'était un piège. Le tremblement de terre était démoniaque. »

Asmodée.

Il avait conduit ses amis dans un piège.

« Jamais le Portugal n'avait connu une telle terreur des Dieux. »

Magnus ferme les yeux, les cahots le bercent. Il est épuisé, il se sent lourd.

Il se rendort alors que le soleil se reflète sur sa peau tannée.

La prochaine fois qu'il ouvre les yeux, il fait nuit. La lune brille dans le ciel malgré des nuages qui tentent de la cacher. Il va pleuvoir. Magnus se sent plus reposé, le tiraillement interne s'est amoindri. Il ne sait pas ce qui le pompe de l'intérieur, il cherche au fond de lui-même.

Il finit par le trouver.

Il manque quelque chose, non pas dans sa partie humaine mais dans sa partie démoniaque.

Son sang ne ressent plus la magie de ses frères et de ses sœurs.

Combien sont morts ?

« Asmodée a aspiré leurs énergies, n'est-ce pas ? »

Ragnor lance un sort, les rennes du cheval flottent dans les airs et guident celui-ci.

Le sorcier vert le rejoint à l'arrière, il s'assoit en tailleur auprès de son ami.

« Seul de puissants sorciers peuvent sentir la magie des autres. Beaucoup sont morts hier. »

Magnus resserre sa mâchoire.

« Tu ne pouvais savoir. »

Magnus sait que c'est un mensonge, ses amis l'avaient mis en garde. Il s'était laissé attirer.

« Le plus important c'est d'avoir résisté à l'appel de ce pouvoir. »

Magnus acquiesce.

« Les chasseurs sont à la trousse des sorciers, ils nous accusent du mal qui a été causé aux terrestres. Ils tuent les sorciers et les mortels détruisent tout ce qui s'apparente au péché. »

Magnus croise le regard de son ami, leurs pensées vont à Catarina. Magnus prie pour que son don de soi ne se retourne pas contre elle.

Il ne pourrait se le pardonner.

« Je suis désolé.

-De quoi mon ami ? Nul pardon n'est nécessaire. »

Ragnor n'est pas habituellement si doux, mais il voit en Magnus la bataille qui fait rage. Celui-ci sort une carte et la dispose à leurs pieds. Ils vont en France, la cours de Louis XV est splendide et plus accueillante pour les sorciers que le Portugal.

Un silence s'installe, Magnus est épuisé. Il était si proche de l'Enfer, si proche de son père.

« Tu dois faire attention. »

La voix de Ragnor est aussi épaisse que le noir de la nuit. Magnus claque des doigts et une torche éclaire soudainement leur transport.

« Tu es puissant et tu es bon Magnus Bane, tu dois faire attention à ton âme. »

Magnus ressent soudain l'envie de pleurer. Un poids disparaît dans le creux de son ventre, il a une famille aimante, il n'est plus seul.

« Dharma, c'était mon vrai nom. »

Ragnor lui sourit, il sait à quel point c'est difficile pour son ami d'accepter ce qu'il est. La mère de Catarina l'a décrite comme un cadeau du Seigneur, Ragnor lui-même a été chéri. Magnus ne connaît pas l'amour d'un parent, il n'a vécu qu'un amour destructeur.

« Et aujourd'hui tu es Magnus. »

Il l'est.

Magnus Bane, fils d'une humaine et d'un ange déchu.