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Déjà trois semaines et demi que je cohabite avec mon nouvel oeil. Je ne m'y suis toujours pas habituée. Il m'a fallu une semaine entière pour oser affronter mon reflet, et bien sûr, sous les encouragements de mon kinésithérapeute. Paul-Lowis... que ferais-je sans lui ? C'est un coeur en or et une immense bouffée d'oxygène, il va me manquer. Ma sortie de l'hôpital est prévue demain. Malgré les mois passés en ces lieux, je ne m'y serais pas habituée. J'ai parfois l'impression de retomber dans l'enfance. D'avoir été maternée pendant des mois par le personnel médical, comme un enfant éduqué par ses parents jusqu'au départ du domicile. Je me sens à la fois vivante, apeurée et impatiente de quitter cette chambre, ces murs blancs et cette odeur de désinfectant. Dès lors que je passerai la porte de l'hôpital, une nouvelle vie commencera pour moi.

Le temps passe anormalement vite ou beaucoup trop lentement. Personne ici n'est au courant de mes visions, j'ai préféré tout garder pour moi. J'ai tenté de déchiffrer quelques inscriptions du livre de Bellie Poelson mais il n'y a rien de bien concluant. De toute manière, mes hallucinations se sont arrêtées depuis que j'ai jeté La vie après la couleur contre le mur de ma chambre. Margaret a tenté de me questionner dessus mais je lui ai gentiment fait comprendre que je ne voulais pas en parler.


J'ai repris du poids grâce aux repas de Margaret. Les premières semaines étaient catastrophiques car je n'arrivais pas à manger. Les repas ne donnaient franchement pas envie et j'arrivais à saturation après avoir mâché deux rondelles de carottes. L'infirmière était inquiète, d'autant plus que mes résultats sanguins étaient trop insatisfaisants. Très vite, mes repas ont commencé à changer. Je soupçonne Paul-Lowis d'y avoir mis son grain de sel. Mes plats devenaient de magnifiques repas personnalisés. Chaque ingrédient était détourné, les assiettes étaient stupéfiantes ! Le kiné niait son implication mais j'étais persuadée du contraire. Le plus incroyable fut une assiette revisitée sur le thème de «La promenade forestière». J'avais eu le droit à un champs de petits pois sur leurs souches de betteraves, à du blanc de poulet en forme de champignon et à une petite rivière de fromages à l'échalote et au persil. Menu quatre étoiles assuré, un vrai privilège !

J'avais beaucoup rigolé ce jour là en découvrant mon assiette. J'avais d'ailleurs demandé à Margaret de prendre toutes ces créations en photo. Ces oeuvres d'art représentent mon meilleur souvenir.

Pour continuer sur cette lancée positive, ma ré-éducation se porte à merveille. Je suis maintenant capable de marcher toute seule. Paul-Lowis fait un travail admirable. Je dois être consciente de mes mouvements et les entreprendre correctement. Plus cette règle du jeu sera respectée, plus mon état progressera. Je suis ses conseils à la lettre, d'autant plus que la gymnastique me manque énormément. Un réel manque s'est creusé en moi, j'ai essayé à plusieurs reprises d'effectuer quelques échauffements, mais ce fut un échec. Je dois réapprendre à connaître mon corps.


Une goutte d'eau tombe sur mon front et roule jusqu'à mes tempes. Je garde les yeux fermés. Une seconde goutte caresse ma joue gauche, une troisième glisse sur mes lèvres. Les battements de mon coeur s'emballent lorsqu'un grondement de tonnerre déchire le ciel. Une averse se déchaine aussitôt. J'ouvre les yeux et savoure les perles de fraîcheur s'écraser sur ma peau.

Une voix lointaine me parvient. Je tourne la tête sur la gauche et aperçois la silhouette de Margaret courir vers moi sous un parapluie. Elle me rejoint et s'arrête pour reprendre sa respiration.

- Mademoiselle, vous devez rentrer ! Vous allez tomber malade ! 

Mon corps est allongée contre l'herbe humide. Rien n'est plus satisfaisant que de se reposer sous une averse, au creux d'un nid d'orage. Les éléments se déchainent, la nature s'électrise !

Agacée par les recommandations de l'infirmière je me lève et pars m'abriter. Margaret est une ombre qui me suit sans cesse. Je passe la plupart de mes journées dans le jardin privé de l'hôpital. Mon passe temps favori consiste à savourer les caprices météorologiques de Noeville, drôle de divertissement me direz-vous. Je secoue la tête, j'ai la désagréable sensation que de l'eau s'est infiltrée à l'intérieur de mes oreilles.

Je m'apprête à entrer dans ma chambre lorsque de petits sanglots au fond du couloir attirent mon attention. Je m'approche doucement et découvre une petite fille recroquevillée au sol. Elle ne doit pas avoir plus de quatre ou cinq ans. Dès lors qu'elle m'aperçoit, ses pleurs cessent aussitôt.

- Bonjour ma belle, dis-je en pliant les genoux pour me mettre à sa hauteur. Tu t'es perdue ?

La petite fille sèche ses larmes et me fixe. Ses yeux sont légèrement bridés et ses pupilles océans contrastent avec le caramel de sa peau. Elle entrouvre la bouche, la mine surprise.

- Vo... Vous êtes une fée ?

Je souris, attendrie.

- Chloé ?! Ou es-tu ma puce ?! résonne une voix étouffée dans le couloir.

La petite fille se renfrogne.

- Je ne suis pas là, chochotte t-elle en se cachant derrière moi.

Une jeune femme trottine vers moi, le front en sueur. Elle regarde autour d'elle en panique.

- Excusez moi, je cherche ma fille, elle s'appe... CHLOÉ ! gronde la maman en apercevant sa fille contre moi.

Elle la prend dans ses bras et la gronde : 

- Ça ne va pas de disparaître comme ça ? Tout ça à cause d'un vaccin ? Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as de pouvoir te faire vacciner ! Ça fait quinze minutes que je te cherche !

L'enfant se remet à pleurer.

- Je m...m'étais p-p-p-perdue !

- Ce n'est pas étonnant quand on en fait qu'à sa tête !

Je me relève et m'adosse contre le mur, n'osant pas intervenir. La maman remet sa fille au sol, lui empoigne fermement la main et se dirige vers les escaliers. La petite emportée de force me jette un dernier regard.

- Maman, la da...dame c-c-c-c'est une fée.

- Oui c'est ça, et moi je suis la méchante sorcière, répond t-elle sur un ton sec.

- Son oeil... il brille, insiste la petite.

Je les vois tourner à l'angle d'un couloir. Les derniers mots de l'enfant me déstabilisent. Je fonce vers ma chambre, j'ouvre la porte et m'arrête devant le miroir.

Ce que je vois me retourne l'estomac. Mon oeil gauche brille d'un intense éclat doré. Je serre les poings si forts que mes ongles me rentrent dans les paumes.

Oh non... Ça recommence.

Petit message pour mes chers lecteurs : coucou à tous ! Je suis en période d'examen en ce moment, alors la publication des chapitres va être ralentie... CEPENDANT je fais mon maximum pour garder le rythme ! Merciii d'avoir lu ce chapitre 17, on se retrouve soit dans les commentaires, soit au chapitre suivant, merci de lire merci pour vos encouragements !

BRUISSEMENTS D'AILES [RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant