Il était minuit passé, et Léa ne trouvait toujours pas le sommeil. La jeune femme avait beau se tourner et se retourner dans son lit, impossible de s'endormir. Elle se sentait terriblement excitée. Ne serait-ce qu'imaginer revoir sa fille la mettait dans un grand état de fébrilité.
Sa fille, sa petite chérie, son trésor, son petit soleil... Léa regrettait tellement de l'avoir abandonnée ! Elle avait d'ailleurs terriblement honte et y pensait à longueur de journée. Elle mourrait d'envie d'offrir la meilleure des vies à son enfant. Elle rêvait de la voir grandir, d'inventer des histoires de gentils dragons et de méchantes princesses, de faire des cookies fondants avec elle et de l'aider à réviser sa conjugaison.
Hélas, elle ne pouvait malheureusement pas lui offrir cette qualité de vie.
Sa fillette était sûrement bien mieux traitée là où elle était, qu'elle soit encore à l'orphelinat ou dans une famille aimante.
Il valait mieux que son petit trésor vive convenablement, en étant bien entourée, même si son bébé lui manquait terriblement.
Souvent, Léa se remémorait la petite bouille angélique de son enfant et ses cheveux bouclés. Elle avait peur d'oublier son visage, alors que sa fille était le seul moyen pour elle de tenir au milieu de ce chaos qui lui servait de vie.
Elle aurait aimé appeler son enfant Océane, un nom digne d'une sirène, d'une fille aussi forte que les vagues, aussi belle que l'océan, aussi douce que l'écume.
Elle avait bien précisé le nom à l'organisation qui avait pris son bébé en charge. Mais ces personnes avaient sans doute mieux à faire. Elles s'étaient certainement contentées de placer la petite fille dans une famille le plus rapidement possible.
Et Océane avait été comme emportée par les vagues par les éducateurs de l'orphelinat.
Une bonne mère donnerait tout pour son enfant, se disait-elle. Je crois que je ne suis pas de ce rang.
La simple allusion de Mélissa à propos de sa fille avait véritablement chamboulé Léa, et la douleur lui faisait mal au cœur. La tristesse de la jeune femme était terriblement grande, et emplie de mélancolie, elle peina à s'endormir.
La nuit fut courte et difficile, néanmoins Léa se réveilla tout de même d'excellente humeur. La jeune femme se sentait remplie d'une énergie soudaine qui ne lui ressemblait pas. Bien sûr, elle avait peur de tout gâcher, encore une fois, mais sa volonté d'avancer et de faire confiance à Mélissa prenaient largement le dessus.
Elle eut à peine le temps de se vêtir que déjà, l'assistance sociale, ou plutôt sa sauveuse, entra.
— Debout là-dedans, il est déjà neuf heures ! Nous avons des tas de choses à faire et des tonnes de papiers à remplir. Suivez-moi, il va falloir mettre en place une aide pour « femme isolée ». Ça ne devrait pas être compliqué à obtenir, mais comme vous n'avez pas d'enfant à charge, la somme versée risque d'être très moyenne. Vous êtes-vous déjà renseignée sur les allocations logement ?
Mélissa avait toujours son grand sourire, mais son professionnalisme impressionna la jeune femme.
— Pas vraiment, répondit Léa, un peu honteuse. Je...
— Pas besoin de motif ! Beaucoup de gens ne sont pas au courant des aides sociales, affirma sa bienfaitrice d'un air assuré.
Emplie de reconnaissance, Léa observait la jeune femme qui ne l'avait toujours pas lâchée. Cette simple rencontre lui donnait tellement d'espoir, car l'attention que Mélissa lui accordait lui offrait l'impression, après toutes ces années, de compter. Elle avait le droit de vivre heureuse, et elle ressortirait de ce tourbillon qu'est la vie plus forte que jamais.
L'assistante sociale fouillait dans son dossier rempli certes, mais très organisé. Après quelques bougonnements, elle en tira une feuille où de nombreuses cases étaient à cocher.
— Bon, il va falloir remplir tout ça. Je vais vous expliquer rapidement sur quels documents il vous faudra s'appuyer, mais une fois que vous saurez, vous pourrez cocher facilement ce qui vous correspond.
Une demi-heure plus tard, la fiche était remplie, signée et prête à être envoyée. Léa n'en pouvait plus. La paperasse à laquelle elle devait faire face ne l'épuisait pas, bien au contraire. La jeune femme était terriblement contente de voir sa situation s'améliorer. Pleine d'espoir, surexcitée, aussi souriante qu'un enfant le jour de Noël, elle apercevait enfin le bout du tunnel si sombre qu'elle traversait pendant toutes ces années.
Tandis que Mélissa partait négocier l'admission de son dossier, Léa ferma les yeux et respira profondément. Puis, elle murmura dans un soupir :
— Ma fille, je vais te retrouver, je te le promets.
Quand l'assistante fut de retour, Léa était assise sur le lit de sa minuscule chambre, un sourire jusqu'aux oreilles accroché à son visage.
— Ça fait plaisir de vous voir ainsi, vous savez, lança Mélissa d'un ton enjoué. Je ne peux que vous féliciter de vouloir vous relever après tous ces problèmes. Vous êtes une femme extraordinaire et tellement courageuse, Léa Tardi !
— J'ai encore besoin de vous, répondit cette dernière. J'ai vraiment besoin de vous.
— Faites-moi confiance, je ne vous lâcherai pas.
Mélissa aimait beaucoup son métier, et c'était pour ce genre de personnes qu'elle l'exerçait depuis plusieurs années. A travers l'histoire de jeunes femmes comme Léa, elle se retrouvait un peu, et cela lui faisait beaucoup de bien. Et puis, si elle aidait les autres, c'était bien parce qu'elle s'était elle-même fait aider. Finalement, être assistante sociale lui permettait en quelque sorte de rendre la pareille. À qui ? Elle n'en savait rien. Mais elle comptait bien rester derrière Léa jusqu'au bout.
De son côté, Léa était sortie prendre l'air, juste après avoir soigneusement verrouillé la porte de sa chambre. Pas question de refaire la même erreur, pensa-t-elle.
Derrière le centre d'hébergement, Léa découvrit un parc. Elle n'avait jamais prêté attention à cet endroit de la ville et fut ravie d'y entrer, la neige crissant sous ses pas. Le soleil était déjà haut dans le ciel malgré le froid de décembre, et de nombreux pensionnaires profitaient de cette matinée. Un léger vent soufflait, de quoi faire frissonner les parents et amuser les enfants. Beaucoup étaient d'ailleurs de sortie et, les yeux encore endormis et les cheveux en bataille, jouaient gaiement dans la neige. La jeune femme se sentait sereine. L'hiver était là, Noël approchait, et Léa appréciait pour la première fois depuis longtemps cette période pleine d'espoir.
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Une simple rencontre (en pause)
General FictionHier, Léa a appris quelque chose. Hier, Léa a fermé les yeux. Lorsqu'elle les a rouverts, il faisait nuit. La ville était devenue sombre. Tout comme son cœur. Deux ans après la mort de ses parents, Léa fait de son mieux pour continuer à vivre. La v...