Chapitre Douze

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Léa avait acheté une chemise blanche ainsi que des bottines plutôt chics qu'elle pourrait réutiliser au centre commercial de la ville. Les vêtements n'étaient pas d'une qualité exceptionnelle, néanmoins le prix était très correct. La jeune femme avait donc désormais une tenue pour les entretiens qui pourraient changer sa vie.

Elle se rendit au domicile de l'assistante sociale en compagnie de celle-ci pour obtenir la fameuse veste, puis Mélissa l'accompagna jusqu'à chez elle en voiture. Le trajet était agréable ; les deux jeunes femmes, bien que légèrement stressées par la situation, riaient et discutaient, complices.

- Je viendrai vous chercher à treize heures, lança l'assistante en déposant Léa devant son nouvel immeuble. Essayez de manger léger, ne tâchez pas les vêtements et surtout, soyez à l'heure !

- C'est noté ! répondit Léa, surexcitée.

Il n'était pas question de gâcher cette journée, et encore moins les opportunités qui lui étaient offertes. Elle avait deux entretiens dans l'après-midi, certes, mais tout pouvait retomber en un instant. Il fallait y croire, mais cela pouvait vite une véritable désillusion.

La jeune femme mangea une salade emballée qu'elle avait achetée en passant par la supérette du centre commercial. Puis, elle prit une douche et soigna son apparence, désireuse de faire bonne impression. Elle enfila son jean noir qui ferait bien l'affaire pour les entretiens, puis se vêtit de sa nouvelle chemise qui lui donnait l'air d'une sage écolière des années cinquante. Enfin elle s'habilla de la veste de Mélissa, chaussa ses nouvelles bottines dont le faux cuir luisait à la lumière, et finit par arranger ses cheveux encore un peu humides.

Lorsque Léa se regarda dans le petit miroir de la salle de bain, elle fut presque étonnée de l'image que celui-ci lui renvoyait. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne s'était pas apprêtée ainsi, et il fallait avouer que cette féminité lui manquait. Elle sourit à son reflet, satisfaite. Il était temps pour elle de décrocher un emploi.

Treize heures sonnaient au loin, et la jeune femme était encore en train d'attendre l'ascenseur. Il met bien trop de temps à arriver, pensa-t-elle.

Prise d'une soudaine inspiration, elle ouvrit la porte de la cage d'escalier. Elle pourrait courir, mais ses bottines risquaient de lui porter préjudice. Alors, elle enleva ses nouvelles chaussures et descendit l'immeuble à toute vitesse.

En bas, Mélissa l'attendait, un sourire en coin. Elle avait bien compris que sa petite protégée n'était pas toujours très ponctuelle.

- Désolée, s'excusa Léa en remettant ses bottines, essoufflée.

- Ça va aller, rit Mélissa, nous ne serons pas en retard.

Les deux femmes montèrent dans la voiture et partirent pour le premier entretien qui se déroulerait à l'autre bout de la ville. Pendant le trajet, elles discutèrent de tout et de rien, le cœur léger. Léa essayait de se calmer tant bien que mal à base d'exercices de respiration, mais c'était peine perdue ; Mélissa était d'ailleurs aussi excitée qu'elle.

- Au fait, commença cette dernière, vous n'avez pas le permis à ce que j'ai cru comprendre.

- Non, répondit naturellement Léa, je n'ai jamais eu le temps ni l'argent pour le passer.

- Ce sera dans la liste de vos objectifs alors, supposa l'assistante sociale.

Léa hocha la tête. Ce serait vraiment bien de pouvoir se déplacer comme bon lui semblait plutôt que de dépendre constamment de Mélissa ou des transports en commun, pensa-t-elle.

Lorsqu'elles arrivèrent devant le bâtiment de l'entreprise dans laquelle elle allait passer son premier entretien, la jeune femme sentit la pression monter d'un cran. Elle n'avait plus le cœur à rire, il fallait absolument qu'elle se concentre. Elle remit une mèche derrière son oreille, stressée, et rentra à l'intérieur avec une pointe d'appréhension, suivie de près par l'assistante. La secrétaire leur indiqua le premier étage, comme si elle savait exactement qu'elles allaient arriver, et les deux femmes allèrent attendre l'ascenseur.

A l'intérieur, Léa respirait profondément. Le stress était monté à toute vitesse, l'empêchant d'inspirer convenablement. Ses mains commençaient à trembler, signe d'une panique évidente. Mélissa sentit sa détresse, et, d'un geste tendre, lui prit la main pour la serrer très fort.

- Ca va aller, chuchota-t-elle, d'accord ? Je crois en vous. Et si jamais, vous pourrez vous rattraper au second entretien. Vous avez un filet de sécurité, et je suis là pour vous.

La jeune femme hocha la tête, terriblement nerveuse. Elle sortit au premier étage avec sa bienfaitrice, presque aussi stressée qu'elle, et toutes deux allèrent s'asseoir sur les chaises en plastique qui longeaient le couloir.

Au bout de quelques minutes, un homme passa sa tête par l'entrebâillement d'une porte.

- Léa Tardi ? demanda-t-il, impatient.

La concernée se leva, tel un automate. Elle rentra dans le bureau en compagnie de l'homme en costume qui l'avait appelé. Mélissa, quant à elle, entreprit de lui lancer un dernier regard avant que sa protégée ne passe la porte. Puis, celle-ci se referma, laissant l'assistante seule d'un côté, et Léa et le patron de l'entreprise de l'autre. C'était le moment, il n'y avait plus qu'à.

Cela pouvait marcher comme être un véritable fiasco, mais dans tous les cas, il fallait essayer.

L'attente fut longue pour l'assistante sociale, qui espérait de tout cœur que sa petite protégée saurait convaincre l'entreprise de l'embaucher. Quant à Léa, assise dans le bureau, un autre sort l'attendait. Il fallait absolument qu'elle réussisse à montrer sa valeur. Elle en était capable et se sentait prête, elle en était sûre. Mais c'était sans compter le stress que ce fichu entretien lui procurait.

- Alors, Madame Tardi, nous allons commencer, vous voulez bien ? Parlez-moi un peu de vous.

Prise de panique, Léa ne sut plus par où commencer. Les phrases qu'elle avait répétées de si nombreuses fois s'étaient complètement effacées de sa mémoire. Elle essaya de retrouver le premier mot, peine perdue. Et puis, soudainement, elle avait chaud, très chaud même. Elle se tourna vers la fenêtre du bureau qui était fermée, et c'était comme si plus aucune particule d'oxygène ne passait dans la pièce. Elle sentit sa gorge se serrer. Elle était incapable de prononcer quoi que ce soit, ne serait-ce qu'une excuse minable pour se sortir de ce pétrin. A vrai dire, la jeune femme ne pensait même plus au job qui l'attendait. Sa vue se brouillait petit à petit, et bientôt, il n'y avait plus personne devant elle. Elle ne voyait que du noir parsemé de petites taches lumineuses.

- Madame ? Madame ? entendit-elle au loin avant de sombrer dans l'inconscience.

Le patron de l'entreprise s'était levé de sa chaise. Il avait bien compris qu'il se passait quelque chose. La jeune femme faisait sans nul doute un malaise. Il la rattrapa tandis qu'elle glissait de la chaise, les yeux révulsés.

Une simple rencontre (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant