Chapitre Onze

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Cela faisait maintenant une bonne heure que Léa et Katia, discutaient, et c'était comme si elles s'étaient toujours connues. Au bout de trois tasses chacune, les deux femmes avaient laissé tomber le café et s'étaient rabattues sur une boîte de petit gâteaux secs que la voisine était allée chercher.

Plus le temps passait, plus elles s'amusaient. Léa aimait la folie de sa voisine, tandis que cette dernière appréciait la fraicheur et le caractère de la jeune femme. Cela lui faisait du bien de se détendre pour de bon, de rire et d'entendre tous les potins sur le quartier en grignotant comme une adolescente. Elle s'en rendait compte, ce genre de moments lui avait terriblement manqué.

Lorsque sa voisine fut rentrée chez elle, elle observa son petit téléphone toujours aussi minable et regarda l'heure.

Il était dix heures trente et Mélissa l'attendait pour onze heures à son bureau. Elle n'était pas en retard, mais il fallait qu'elle arrive à s'y rendre à temps. Et s'il n'y avait pas de bus dans les prochaines minutes, elle allait devoir courir.

Léa sauta dans le jean noir qu'elle avait ramené de son ancien placard, prit le premier haut qui venait, se chaussa et se couvrit tant bien que mal, prête à braver le froid extérieur. Un peu d'eau sur la figure, un coup de brosse à cheveux, et elle pouvait partir.

Lorsqu'elle sortit, il ne lui restait déjà plus qu'une vingtaine de minutes pour parvenir à sa destination. Elle pouvait attendre un bus pendant une durée indéterminée, ou commencer à courir. Elle opta pour la deuxième solution qui était sans doute la plus sage, mais la plus simple.

Léa se mit en route, d'abord en piquant un sprint, puis lorsqu'elle remarqua le nom de la rue dans laquelle elle se trouvait, repartit en arrière. Ce n'était pas le moment de se perdre, elle avait des entretiens à passer !

Après plusieurs allers-retours, la jeune femme arriva devant le bureau de l'assistante complètement essoufflée. Elle entra, se débarrassa de sa veste et de son écharpe et rejoignit Mélissa dans son lieu de travail.

- Eh bien, lança-t-elle malicieusement, vous avez failli être en retard !

- Pourrais-je avoir un verre d'eau avant de commencer ? demanda-t-elle en reprenant sa respiration.

- Servez-vous, répliqua-t-elle en désignant la fontaine à eau.

Léa se servit un verre, puis elle s'installa en face de l'assistante sociale.

- Alors, quel est le programme d'aujourd'hui ? demanda-t-elle avant de boire une gorgée.

- Nous allons répéter votre entretien, pour s'assurer que vous êtes prête. Après, nous irons vous trouvez une tenue correcte. Il faut que vous ayez l'air professionnel.

La jeune femme hocha la tête. Cela ne devrait pas être trop difficile, ou du moins elle l'espérait.

- Allez, je vous écoute, déclara Mélissa. Montrez-moi à quel point vous voulez ce poste.

Léa se lança, une pointe d'appréhension dans la voix. Elle oublia quelques mots, se répéta, bafouilla un peu, mais dans l'ensemble, elle y arrivait. Sa protectrice, celle qui ne l'avait pas lâchée une seule fois, l'écoutait, le visage concentré. Elle était intimidante, certes, mais la jeune femme se sentait réellement en confiance avec cette femme. Sa bienfaitrice.

Sa voix déraillait parfois, mais Léa reprenait contenance à chaque fois. Elle appuyait certains mots, montrait l'étendue de ses capacités et surtout, elle était convaincue par ce qu'elle disait. Et lorsque Mélissa lui posa les questions types, elle répondit posément, remplie d'une assurance nouvelle qu'elle ne connaissait pas. Elle n'avait pas quitté sa bienfaitrice des yeux une seule fois, et, lorsqu'elle termina son discours, elle se sentit prête. Cela n'avait plus rien à voir avec ses entrainements de la chambre du centre. Elle était vraiment prête.

- Léa, je ne sais pas quoi vous dire, commença Mélissa. C'était juste excellent. Vous n'avez pas lâché, j'ai compris absolument tout ce que vous disiez, et surtout, vous m'avez convaincue. Si vous ne décrochez pas un job, je suis prête à aller leur dire deux mots, à ces employeurs !

Léa sourit, touchée par la remarque de l'assistante sociale. Cela faisait du bien de se sentir encouragée.

- Vous voulez le refaire une fois ? demanda cette dernière.

- Je ne sais pas trop, répondit la jeune femme. Vous en pensez quoi, vous ?

- Honnêtement, je pense que vous n'en avez pas besoin. Cela ne servirait à rien, vous êtes définitivement bien entrainée ! rit-t-elle.

- Vous avez raison, affirma Léa. Toutes ces heures de répétition ont sans doute porté leurs fruits !

- Trêve de bavardages, reprit Mélissa. Nous allons partir faire quelques essayages !

- Ça doit faire un bon bout de temps que je n'ai pas fait de shopping, remarqua la jeune femme en fronçant les sourcils.

- C'est l'occasion de reprendre, sourit sa bienfaitrice.

Les deux femmes sortirent du bureau. Léa avait fait en sorte de mettre une vingtaine d'euros de côté pour sa tenue, même si elle devrait se priver de certains aliments. C'est un mal pour un bien, pensait-elle. Je n'achète que le strict nécessaire, et quand j'aurais un salaire, je pourrai faire des dépenses plus conséquentes. Patience !

Mélissa, ayant remarqué la modique somme de Léa, lui proposa de lui prêter une veste de tailleur pour les entretiens. C'était la moindre des choses, selon elle.

- Vous en êtes sûre ? demanda Léa, touchée par le geste de l'assistante sociale.

- Evidemment. Si je ne peux pas vous aider, à quoi je sers ? répondit-elle en faisant un clin d'œil.

La jeune femme lui sourit, reconnaissante. Mélissa était une perle rare, et au fond, elle culpabilisait un peu de ne pas pouvoir lui rendre la pareille. Pire encore, elle avait réellement l'impression de lui prendre tout son temps. Mais bientôt, tout irait mieux. Elle pourrait rendre l'aide dont elle bénéficiait à longueur de journée, elle le savait. Ou du moins, elle l'espérait.

Elle sortit du bureau, talonnée par sa bienfaitrice qui la protégeait et l'aidait depuis maintenant une bonne semaine. C'était fou comment, en si peu de temps, sa vie avait changé grâce à sa bonne fée. Comme quoi, une simple rencontre pouvait réellement faire la différence. Et Léa bénissait l'univers de lui avoir accordé une protection aussi incroyable que celle de Mélissa.

Désormais, la vie avait un nouveau goût : celui de l'espoir.

Une simple rencontre (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant