Chapitre Sept

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Le soir venu, Léa était tranquillement installée dans sa chambre, un carnet à la main. Elle venait de prendre une douche et écrivait, l'esprit tranquille, ses objectifs. Le centre d'hébergement lui plaisait, mais elle avait hâte de trouver un logement rien qu'à elle. Elle ne comprenait même pas pourquoi c'était si difficile, chaque être humain devrait avoir un toit et de quoi se nourrir après tout.

Soudainement, elle laissa son stylo à billes glisser sur le papier et se mit à tracer les contours de sa maison de rêve. Un chalet en bois, voilà qui serait joli. Il faudrait un jardin aussi, ainsi qu'un petit potager. Et pourquoi pas une terrasse ?

Il n'y avait plus aucune hésitation. La jeune femme traçait les contours avec une aisance incroyable, sans réfléchir. Le stylo tournoyait entre ses doigts tandis que la mine valsait sur la feuille.

Une fois son œuvre terminée, Léa prit le carnet et observa son dessin. Elle pencha la tête pour l'observer. Le toit était raturé et le potager semblait avoir été fabriqué à l'envers, mais qu'importe. Un jour, peut-être, elle habiterait dans cette maison. Et pour terminer son dessin en beauté, elle ajouta à son œuvre deux personnages souriants. Il n'y avait plus qu'à travailler pour obtenir ce joli tableau, et elle se sentait désormais capable de tout pour parvenir à ses fins.

C'est le cœur léger que s'endormit la jeune femme, la tête pleine d'espoirs.

Le lendemain, Léa se sentait terriblement excitée. Etait-ce à cause des trois tasses de café qu'elle avait avalées au petit déjeuner ? Peut-être, mais il y avait autre chose. Mélissa allait arriver d'une minute à l'autre et elle allait savoir si les entreprises voudraient la recevoir pour un entretien.

Alors qu'elle tournait en rond comme une lionne en cage en se mordillant le pouce, l'assistante sociale entra dans le centre et fonça vers la jeune femme.

- Bonjour Léa, j'espère que vous êtes fraiche et dispose ! J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer, mais rien de grave. Par contre, nous avons du boulot, alors allons-y ! s'écria-t-elle, encore essoufflée.

Légèrement surprise, Léa suivit tout de même sa protectrice d'un pas déterminé.

Lorsque les deux femmes entrèrent dans le bureau de Mélissa, l'assistante s'installa directement et, d'un mouvement de tête, invita la jeune femme à faire de même.

- Qu'est-ce qu'il se passe, demanda cette dernière en s'asseyant.

- J'ai deux choses à vous dire ; une qui vous fera plaisir, l'autre un peu moins. Mais nous allons devoir accélérer la cadence pour vous trouver un logement, lança-t-elle en guise de réponse.

- Je vous écoute, répondit calmement Léa.

Mélissa poussa les papiers qui jonchaient son bureau pour poser fermement un dossier sur la table.

- Très bien, vous avez reçu deux propositions d'entretien pour un poste de journaliste. C'est super, mais nous devons faire face à deux problèmes : non seulement ils ont lieu dans trois jours, mais en plus, l'adresse du centre d'hébergement ne leur convient pas. Il faut leur prouver que vous avez un logement rien qu'à vous, gage de confiance et d'assiduité envers leur boîte qu'ils disaient, expliqua-t-elle avant de soupirer.

Léa hocha la tête, attendant la suite. Elle avait bien compris que cette histoire allait s'avérer compliquée.

- Très clairement, nous avons trois jours, en comptant aujourd'hui, pour vous trouver un logement social et vous former à l'entretien d'embauche. Pour cette dernière chose, ce n'est pas vraiment un problème, en revanche, les listes d'attentes s'allongent tous les jours et les allocations tombent au compte-goutte. Il va falloir forcer pour que vous ayez quelque chose, car ils donnent généralement la priorité aux sans-abris et aux familles nombreuses.

L'air inquiet de Mélissa n'inaugurait rien de bon. En quelques jours, sa future place dans la société était déjà compromise. Néanmoins, la jeune femme posa une question, voulant contenter sa curiosité.

- Pourquoi ne pourrait-on pas attendre que je reçoive une autre offre d'entretien ? Ça ne sert à rien de se presser, si ?

- J'y ai pensé, grimaça sa bienfaitrice. Mais les entreprises ne recrutent pas trop en ce moment, j'ai dû négocier au téléphone pour qu'elles acceptent un entretien, ce qui je vous le rappelle n'est pas une promesse d'embauche. Le centre a aussi de plus en plus de demandes, et on m'a clairement demandé de placer le plus vite possible tous ceux qui étaient sous ma responsabilité.

Mélissa était stressée, et cela se ressentait. Ses doigts tapotaient sur le dossier, signe d'une nervosité évidente. Le bruit était agaçant, mais aucune des deux femmes n'en tenait compte. Elles étaient bien trop préoccupées pour prêter attention au moindre bruit.

L'assistante sociale se redressa, et Léa fit de même, plus pour se donner une contenance que pour imiter sa voisine.

- Ecoutez Léa, ça va être difficile. Je vais tout faire pour que vous puissiez passer vos entretiens dans de bonnes conditions et que vous ayez un logement en très peu de temps. Si ça ne marche pas, on fera en sorte que vous puissiez rester au centre encore quelques temps, mais je ne promets rien. Il y a des choses que je ne peux malheureusement pas faire, reprit-elle.

Elle se leva brusquement, faisant tourner sa chaise de bureau, et contourna le meuble. Il était temps d'agir, et ça, les deux femmes l'avaient bien compris.

La journée fut éreintante. Tandis que Léa s'exerçait, seule dans sa chambre, à convaincre un employeur imaginaire, Mélissa multipliait les appels téléphoniques et les virées en voiture pour trouver un toit pour sa protégée.

Décembre était vraiment la pire période pour ce genre de choses. Les SDF abondaient ; ils avaient faim, froid, soif, sommeil, et il n'était pas question de les abandonner ou de laisser dehors pas une température pareille. Les centres débordaient, la Soupe Populaire accélérait la cadence quotidiennement, et les agents sociaux couraient partout pour permettre à chacun de passer l'hiver au chaud.

Après une vingtaine de conversations qui ne menaient nulle part et une bonne douzaine de trajets en voitures pour visiter les logements sociaux encore libres, Mélissa s'offrit une petite pause pour boire un café. Elle était déjà épuisée, mais elle allait tenir le coup. C'était son travail, et Léa était de loin le cas le plus important dont elle s'occupait actuellement.

Enfin, vers dix-neuf heures, le téléphone de l'assistante sonna. C'était une de ses collègues, qui, par chance, venait de transférer un couple et son enfant vers une habitation plus proche de l'école élémentaire. Autrement dit, c'était la seule chance pour Mélissa d'obtenir un logement en cette période, et elle allait la saisir à pleine poignée.

Une simple rencontre (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant