Chapitre Six

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La journée démarrait sur les chapeaux de roues. Après avoir suivi Mélissa jusqu'à son bureau situé à quelques rues du centre, Léa s'attelait désormais à la lourde tâche qu'était la rédaction de son CV. Qui était-elle, quelles étaient ses qualités, quels diplômes possédait-elle et comment les prouver après toutes ces années... C'était une tâche fastidieuse qui demandait patience et concentration à la jeune femme qui manquaient de s'arracher les cheveux.

- Bon, je suppose que garder son calme n'est pas une de vos principales qualités, sourit l'assistante sociale.

- Ne m'en parlez pas ! répondit-elle, les joues rouges. Je ne pensais pas que ce serait si compliqué !

- Calmez-vous, regardez, vous devez simplement vous décrire. Soyez sincère, les mots vont venir tous seuls. Qu'aimez-vous dans la vie ? Quels sont vos objectifs ? Je suis sûre que vous pouvez y arriver.

Léa remit sa mèche de cheveux derrière son oreille, laissant apparaitre un visage fermé. Ses efforts tiraient les traits de son visage et lui donnaient un air de véritable femme d'affaires.

Quelques minutes plus tard, après s'être soigneusement appliquée, la jeune femme releva la tête, fière du résultat.

- Vous permettez ? demanda Mélissa en désignant la feuille.

Sans même attendre la réponse, elle commença à lire le contenu de ce que serait le futur CV de Léa Tardi, jeune femme curieuse, motivée et déterminée.

- Voyons... Je m'appelle Léa Tardi, j'ai 22 ans et je suis à la recherche d'un poste de journaliste. J'ai de nombreuses expériences professionnelles, une licence en langues et de la motivation à revendre. Je suis sérieuse dans mon travail et je sais m'adapter en toute situation, énonça l'assistante sociale.

- Qu'en pensez-vous ? demanda la concernée d'un air apeuré.

- C'est très bien ! répondit sa bienfaitrice. C'est exactement ce qu'il faut mettre. Cela va sans aucun doute intéresser les entreprises !

De plus en plus confiante, Léa continua de remplir son CV. Compétences, formation, centres d'intérêts... C'était le moment de montrer sa valeur.

- Enfin ! s'exclama-t-elle lorsqu'elle eut fini de recopier les informations au propre.

- Bravo ! l'encouragea Mélissa. Je file à la photocopieuse, et on va envoyer tout ça.

La jeune femme attendit patiemment. Elle gribouillait machinalement sur son brouillon lorsqu'un détail attira son attention. Des photos étaient affichées sur le mur, elles représentaient l'assistante sociale avec deux enfants en bas âge. Elle et ses petits au parc, elle et ses petits à la plage, elle et ses petits en plein atelier pâtisserie...

Léa admirait les souvenirs de sa bienfaitrice le cœur léger, lorsqu'elle prit conscience d'une chose.

Il n'y avait aucune trace d'un quelconque homme sur les photos. Mélissa n'avait-t-elle pas de copain, de mari, de père pour ses enfants ?

C'était possible, après tout ; de nombreuses mères étaient célibataires désormais. Qu'est-ce que les hommes sont lâches, pensa-t-elle, écœurée.

Lorsque l'assistante sociale revint dans le bureau, un paquet de feuilles à la main, Léa ne put s'empêcher de l'interroger sur sa famille.

- Je sais que c'est votre vie privée, et cela ne me concerne pas, mais j'ai remarqué les photos. Ce sont vos enfants ? demanda-t-elle en désignant le mur d'un mouvement de tête.

- Ne vous en faites pas, ça ne me dérange pas d'en parler, répondit Mélissa. Effectivement, ce sont mes jumeaux, mes petits amours. La demoiselle se prénomme Ilona et le petit bonhomme, c'est Noah ! Ils sont toute ma vie, même si mon travail me prive parfois de leur présence.

Léa la regarda d'un air attendri. Elle aussi avait une fille pour qui elle n'était pas présente.

- Leur père ne prend pas de photos avec la petite famille ? osa-t-elle demander.

La mine de sa bienfaitrice, si joyeuse d'ordinaire, s'assombrit d'un coup.

- Non, malheureusement. Leur père est parti peu avant leur naissance, et je me suis retrouvée avec deux enfants à charge, un peu comme vous finalement, expliqua-t-elle tristement.

- Mais vous avez réussi à vous en sortir, conclut la jeune femme.

- Croyez-moi Léa, ce fut difficile. Mais maintenant, je vois mes deux bébés grandir et c'est tout ce qui importe, affirma-t-elle. Et c'est d'ailleurs pour ça que je veux vous aider à récupérer votre enfant. Vous avez besoin d'elle, mais elle aussi a besoin de vous.

Léa acquiesça, ne sachant pas quoi répondre. Elle rêvait de leurs retrouvailles à chaque instant. Océane lui manquait beaucoup trop. Les larmes aux yeux, la jeune femme s'empressa de les sécher grâce à la manche de son vieux pull. Pas question d'être faible, elle devait rester forte et continuer à se battre.

- Ca va aller ? demanda Mélissa, légèrement inquiète.

Elle ne répondit pas, le regard vague. Sa bienfaitrice prit alors son menton entre les doigts, la força à tourner son visage et, comme on parle à un enfant, lui parla.

- Vous avez le droit de pleurer, de vous morfondre, de hurler votre tristesse au monde. Mais sachez que je serai derrière vous à chaque instant, même si vous relâchez quelques secondes. Je ne vous abandonnerai pas, Léa.

Cette dernière se laissa aller contre Mélissa. Sur ses joues dégringolaient des larmes salées, mais peu importait. Elle pleurait, mais ce n'était pas la fin du monde. Promis, elle allait se reprendre et vivre pour de bon, enfin.

- Vous êtes ma petite protégée, murmura l'assistante sociale. Je me reconnais tellement en vous, et je veux que vous avanciez, que vous alliez loin. Pour vous, pour votre fille, mais aussi pour moi. Je ne sais pas si nous étions destinées à nous rencontrer, mais je ne le regretterai jamais. A travers vous, je me vois. Plus jeune, plus insouciante, plus naïve, mais déterminée à avancer. Et je sais que vous aussi, vous voulez réussir. Et vous en êtes capable.

Léa la serra encore plus fort. Jamais des mots ne l'avaient encore autant bouleversée.

Lorsque les deux femmes se détachèrent l'une de l'autre, elles souriaient, encore émues. Mélissa fut la première à réagir.

- Bon alors, on vous le trouve ce job ? s'exclama-t-elle avec un grand sourire.

- Evidemment ! lui répondit Léa, plus motivée que jamais.

Le CV fut envoyé à plusieurs boîtes de journalisme, certaines plus sélectives que d'autres. Prête à retenter sa chance, la jeune femme contacta également Rêves d'ailleurs, la société qui lui avait accordé un rendez-vous quelques jours plus tôt. Après tout, on ne savait jamais ce qui pouvait se passer.

Une simple rencontre (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant