Léa entra dans l'appartement, suivie de près par Mélissa. Un canapé prenait presque toute la place, mais personne n'avait l'air de s'en soucier, encore moins le petit garçon confortablement installé entre deux coussins, certainement pour ne pas tomber.
— Installe-toi ! Tu sais, ici, tu peux parler sans crainte. Et puis, moi, des histoires, j'en ai vu passer ! lança la jeune femme gaiement.
L'assistante sociale était joviale et bavarde, mais lorsque Léa commença à raconter son histoire, celle-ci se tut soudainement.
Au bord des larmes, les yeux brûlants, Léa se confia pendant une bonne demi-heure. Lorsque qu'elle bloquait, le sourire compréhensif de Mélissa l'incitait à continuer.
Quelle belle personne, pensa Léa.
Arrivée au stade où elle n'avait plus de larmes, la jeune femme s'arrêta de parler. De son côté, Mélissa avait pris énormément de notes. Elle referma son bloc note d'un coup sec et se leva. Léa fit de même, encore un peu émue, tandis que l'assistante sociale s'approcha d'elle.
— Écoutez, Léa, commença-t-elle. Maintenant que vous m'avez tout raconté, je suis tout à fait en mesure de vous aider. Je vais vous créer un dossier dès que je repasserai au bureau. Pour votre logement, nous allons mettre en place des allocations qui vous permettront de vivre convenablement. Bon, il va sans doute falloir refaire la serrure et les clés, mais ce n'est qu'un détail après tout. En attendant, vous pouvez aller dans un centre d'hébergement, si vous êtes d'accord. Je vais faire tout mon possible pour que vous évitiez la liste d'attente.
Léa n'osait même pas regarder sa bienfaitrice dans les yeux. Elle ne méritait pas cette aide, elle le savait. Et pourtant, avec quelle gentillesse Mélissa l'aidait !
— Je... c'est d'accord pour le centre, bredouilla-t-elle.
— Quant à votre appartement, je vais m'en occuper. Vous êtes propriétaire ? demanda Mélissa.
La jeune femme hocha la tête.
— D'accord. Bon, suivez-moi, répondit l'assistante sociale.
Les deux femmes sortirent de l'appartement et se retrouvèrent dans l'espace vert de l'immeuble. Léa se sentait étrangement soulagée, comme si un énorme poids lui avait été enlevé.
— Eh m'dame, ça va mieux ?
C'était le chef de la bande d'adolescents.
— Oui, merci. Tu es bien gentil, souffla Léa.
— Pas de problème, j'suis content de pouvoir aider une meuf comme toi. Au fait, mon blase c'est Adrien, mais appelle-moi Adri !
— C'est d'accord, Adri ! fit Léa en souriant.
Adri lui avait tout simplement sauvé la vie. En fin de compte, les jeunes pouvaient eux aussi avoir une belle âme, quoi qu'en dise la société, pensa la jeune femme.
Peu après son éprouvante confession, Léa était revenue dans son appartement afin de prendre les quelques vêtements épargnés par le cambriolage. Une vieille veste, un t-shirt à l'effigie de la NASA, un pantalon noir, et un bandana rouge tout usé datant de ses années de lycéenne.
La jeune femme prenait douloureusement ses derniers biens quand quelque chose tomba à ses pieds.
Léa se baissa, et lorsqu'elle ramassa l'objet, elle ne put s'empêcher de sourire. Un vrai sourire comme elle avait perdu l'habitude d'en faire, qui illuminait son visage fatigué.
La jeune femme prit délicatement la carte qu'elle avait oubliée dans son petit placard.
Du bout de ses doigts, elle effleura les images des bateaux.
Du bout de son nez, elle sentit l'odeur lointaine de la mer salée.
Léa retourna la carte. L'écriture de ses parents... Comment avait-elle pu oublier ?
La jeune femme, des larmes au coin des yeux, serra la carte postale contre son cœur.
Voilà le seul souvenir qu'il me reste de mes parents, pensait-elle. Jamais je ne l'oublierai, jamais ne le perdrai, jamais je ne m'en séparerai. Jamais.
Léa sécha ses larmes et sortit de l'appartement, son tas de vêtements froissés et sa précieuse relique dans les bras.
De son côté, Mélissa avait fait jouer ses relations, et le soir même, Léa fut acceptée dans un centre d'hébergement. On lui attribua une chambre, certes petite, mais convenable.
Elle avait peur de ne pas trouver sa place dans ces couloirs interminables. Mais après quelques minutes à arpenter le centre, Léa repéra son numéro : 44. Elle soupira de soulagement et poussa la porte de ce qui serait désormais sa nouvelle maison.
Elle déposa ses affaires sur le lit, et s'assit avec une certaine appréhension.
Un miroir était installé en face d'elle.
Léa lui tira la langue. Cela lui faisait du bien de se voir elle-même. Elle avait envie de d'insulter, de se frapper. C'était de sa propre faute, elle s'était mise dans l'embarras toute seule. Heureusement que sa fille n'était pas à sa charge ; elle n'était même pas fichue de s'occuper d'elle même !
— Arrête ! fit-elle à haute voix en roulant des yeux.
Il fallait qu'elle aille de l'avant, et ne surtout pas refaire les erreurs du passé au lieu de se morfondre.
Quelques coups frappés à la porte la tirèrent de ses pensées.
— Entrez, c'est ouvert, précisa Léa.
Mélissa entra, tout sourire.
— J'ai une excellente nouvelle Léa ! Le centre a validé votre dossier pour trois semaines. D'ici là, vous aurez le temps de réaménager votre logement et de trouver un nouveau travail !
Léa se sentit bien mieux, tout à coup. La perspective de cette nouvelle vie remplissait son cœur d'un véritable espoir. Elle allait s'en sortir. Elle allait rester forte. Et surtout, elle allait saisir cette chance.
Un grand sourire aux lèvres, elle se leva pour serrer Mélissa de toutes ses forces.
— Merci, merci, merci ! Si vous saviez tout ce que vous avez fait pour moi durant ces dernières heures... Je n'ai pas de mot assez fort pour vous montrer toute ma reconnaissance.
Mélissa avait l'air franchement émue.
— C'est mon métier. Sachez que voir une jeune femme comme vous aller de l'avant me rend heureuse. Vous me rendez heureuse Léa. Soyez forte. Bientôt, vous aurez droit à la vie dont vous avez toujours rêvé. Et croyez-moi, je vais faire mon possible pour que vous retrouviez votre fille.
Léa recula, étonnée.
— Comment allez-vous faire ?
L'assistante sociale poussa la porte, un sourire en coin.
— Ça, c'est moi qui m'en occupe. Allez, reposez-vous. Je vous souhaite une excellente nuit !
Et tandis que Léa se posait mille et une questions dans sa petite chambre, Mélissa, elle, était occupée à passer quelques coups de fil...
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Une simple rencontre (en pause)
Genel KurguHier, Léa a appris quelque chose. Hier, Léa a fermé les yeux. Lorsqu'elle les a rouverts, il faisait nuit. La ville était devenue sombre. Tout comme son cœur. Deux ans après la mort de ses parents, Léa fait de son mieux pour continuer à vivre. La v...