Chapitre Neuf

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Mélissa était partie très tard du centre. Seule dans sa petite chambre, Léa s'en voulait. Si les enfants de l'assistante sociale ne voyait pas leur mère, c'était bien sa faute ! Ils devaient sans doute être gardés toute la journée par une baby-sitter aigrie qui ne s'occuperait d'eux que pour empocher un peu d'argent, alors qu'ils pourraient passer leurs soirées avec leur mère qui méritait de les voir grandir. Léa n'avait pas besoin de l'aide de Mélissa, elle ne faisait que lui voler son temps. Toujours sans emploi, elle n'avait même pas pu la payer pour tout ce qu'elle avait fait !

Le problème du logement allait être réglé dès le lendemain, mais à quel prix ? A combien de sacrifices personnels l'assistante sociale avait dû se résigner ?

Se tournant et se retournant dans son lit, Léa finit par s'endormir douloureusement.

La nuit fut terriblement courte, et au petit matin, déjà, elle ressentait un pincement au cœur. Mélissa allait débarquer, pleine de joie de vivre et d'énergie à revendre, prête à aider le monde entier tandis qu'elle n'était même pas fichue de remercier convenablement sa sauveuse.

Fidèle à son habitude, Mélissa entra, cette fois sans frapper, dans la chambre 44.

- Bonjour Léa ! J'ai l'impression d'être votre mère, parfois, c'est fou. Je viens vous réveiller comme si vous aviez dix ans ! s'exclama-t-elle, un sourire en coin.

Fini, la fatigue d'hier soir. Les cernes avaient disparus de son visage, et même s'ils étaient sans doute cachés derrière une dose de fond de teint, on ne pouvait pas les deviner. Pourtant, Léa voyait bien à quel point sa bienfaitrice se forçait à paraître professionnelle et agréable.

- Je propose qu'on parte visiter votre futur habitat, ça vous dit, lança-t-elle d'une voix faussement enjouée.

Léa acquiesça doucement. Pour le coup, elle n'avait pas très envie de faire semblant. Néanmoins, elle se leva vivement et fit un effort considérable. Elle devait le faire, ne serait-ce que pour Mélissa.

Les deux femmes sortirent alors du bureau et se dirigèrent vers la petite voiture de l'assistante sociale. A l'arrière se trouvait deux sièges auto, sans doute destinés à ses enfants, ainsi qu'une pile de classeurs remplis. Mélissa travaille vraiment tout le temps, pensa Léa, admirative.

Elle monta à l'avant aux côtés de la conductrice, s'attacha, et la voiture démarra. Le trajet fut court, pourtant, la tête appuyée contre la vitre, Léa s'était ennuyée tout du long. A sa gauche, l'assistante sociale conduisait, le visage fermé, sans prononcer un seul mot. La jeune femme attendit alors la fin du trajet, le paysage défilant sous ses yeux.

Arrivées à destination, les deux femmes sortirent du véhicule avant de se retrouver devant de nombreux immeubles. Léa resserra sa nouvelle acquisition, une écharpe en laine douce, prise d'un léger frisson. Puis, elle observa le paysage autour d'elle. Le temps était froid et nuageux, c'en était presque déprimant. Autour des bâtiments, il y avait de nombreux espaces pour les habitants de cette petite cité : un terrain de football, des chemins goudronnés, des bancs en fer mais aussi une végétation abondante. Malgré la neige qui recouvrait le tout, il était certain que cet endroit rassemblait beaucoup de monde pendant les beaux jours.

Mélissa commença à marcher vers l'entrée de l'immeuble. Léa la suivit d'un pas rapide afin de profiter de la chaleur intérieure. Puis, elles montèrent toutes deux au troisième étage où se trouvait le futur habitat de la jeune femme. L'assistante sociale tourna la clé dans la serrure, et entra, suivie de près par sa protégée.

L'appartement n'était pas très grand, néanmoins, il était en très bon état. Une chambre, une cuisine, un petit salon et une salle de bains ; c'était bien mieux que la minuscule chambre du centre d'hébergement, pensa Léa.

Il y avait également un petit balcon qui donnait sur le décor enneigé de la ville. La jeune femme s'approcha de la baie vitrée, l'ouvrit, et prit une grande inspiration. Si c'était son nouveau chez soi, elle allait l'adorer.

- Alors ? Qu'en dites-vous ? demanda Mélissa.

- C'est parfait, répondit Léa, en extase devant le canapé. Combien est ce que ça va me coûter ?

- La location est de 60 euros par mois. On dirait que c'est peu, mais croyez-moi, les gens qui vivent ici sont comme vous. Joindre les deux bouts leur est souvent difficile, parfois même impossible.

Léa hocha la tête. Quand elle aurait ses premiers salaires, elle saura gérer ses dépenses pour payer son loyer à temps. Son ancien appartement lui appartenait, mais il valait mille fois mieux vivre dans une location plutôt que dans ce taudis inconfortable. Le rudimentaire, c'était fini. La jeune femme se contentait toujours de peu, mais il y avait quelques limites à ne pas dépasser.

Ce logement était en fin de compte parfait pour elle. Ni trop petit, ni trop grand, avec une jolie vue, ce qu'elle croyait impensable, et des meubles simples mais en parfait état. Elle n'avait plus qu'à aller chercher ses affaires au centre et à s'installer ici.

- Je me suis déjà occupée de tous les papiers, commença Mélissa. Nous allons juste passer à la mairie pour finaliser la demande. Vous aurez quelques papiers à signer et ce sera tout ! Vous serez ici chez vous.

L'assistante sociale avait toujours l'air aussi fatiguée. Lorsqu'elle sortir de l'appartement, Léa souffla un grand coup, repoussa les cheveux qui lui tombaient sur le visage et s'avança. Il fallait absolument qu'elle laisse sa bienfaitrice respirer, sinon celle-ci allait être plus qu'épuisée.

Les deux femmes se rendirent à la mairie, pour signer les papiers restants et officialiser l'attribution d'un logement social, puis elles se rendirent au centre, où Léa vint chercher ses affaires avant de faire un dernier saut à son ancien appartement pour prendre tout ce qui pouvait lui être utile. Entre temps, Mélissa avait appelé une de ses connaissances pour venir prendre en main l'ancien appartement détérioré par le temps et le cambriolage récent.

Le soir même, Léa put s'installer dans son nouveau bâtiment. Les meubles étaient tout ce qu'il y avait de plus élémentaire, et il manquait de l'électroménager, mais la jeune femme songea qu'elle pourrait y pallier plus tard, quand elle aurait quelques économies.

- Vous n'avez besoin de rien ? s'inquiéta Mélissa.

- Tout va bien, sourit Léa. Vous pouvez rentrer chez vous, je ne veux pas vous importuner, je l'ai déjà assez fait, ces derniers temps !

Mélissa esquissa un sourire en secouant la tête.

- Je vous l'ai déjà dit, c'est mon métier. J'aime vous aider.

- Rentrez chez vous, s'il vous plaît, assura Léa. Allez-vous occupez de vos enfants. En ce moment même, ce n'est pas moi qui ait besoin de vous, mais plutôt eux.

Le visage reconnaissant, Mélissa s'en alla sansun mot de plus, au grand soulagement de Léa qui resta seule dans son nouveauchez-soi.

Une simple rencontre (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant