Cela faisait maintenant 2 semaines que nous étions sur les routes pour rejoindre un champ de mort. La pression montait chaque jour. La peur de tout d'un coup se retrouver pris dans une embuscade m'empêchait de trouver la paix. Chaque jour, je devais rester sur mes gardes et pousser les jeunes à rester attentif, ce qui les épuisait, renforçant mes angoisses. Une armée fatiguée n'était jamais une bonne idée surtout pour une première bataille.
On ne pouvait pas dire que notre colonne était très bruyante et pourtant le silence fut soudainement assourdissant quand nous arrivâmes finalement à destination. Moi-même, je restais muet, le coeur serré. Les combats étaient terminés depuis bien longtemps sur la terre ravagée qui s'offrait à nos yeux, un champ saturé du sang répandu. Les cadavres en putréfaction attiraient les charognes qui se repaissaient sous nos yeux. Je perçu les bruits des régurgitations des soldats aux coeurs les moins accrochés.
Je n'arrivais pas à assimiler ce que mes yeux voyaient, le fait que devant nous se trouvait probablement toutes nos troupes. Plus un seul survivant. Plus rien d'autre que l'horreur. Juste les restes de la guerre. Juste les restes du chantiers d'un théâtre abominable. Juste ce champ de bataille que je ne connaissais que trop bien. Juste la réalité de la guerre. Personne ne pouvait avoir survécu à tant de violence. Je n'avais pas besoin d'avoir assisté à la bataille pour entendre résonner le bruit des lames s'entrechoquant et les cris d'agonies de nos soldats. Ils résonnaient en moi, me pétrifiant, le visage fixé sur un objet en particulier. Un casque. Un casque de général. Je n'avais même pas besoin de m'approcher plus pour savoir qu'il ne pouvait appartenir qu'à une seul personne : Erwin. Il n'y avait pas cinquante général en charge de cette bataille.
Je ne pouvais plus réagir. Je ne pouvais ni pleurer, ni crier. Paralysé.
Seul. Encore. Encore une fois les combats m'avaient arrachés une personne qui m'était chère. Encore une fois, la douleur m'inhibait le coeur en me brûlant les yeux.Cependant j'ordonnai d'une voix forte et froide de faire quelque peu demi-tour et d'installer les tentes pour la nuit, loin de cette vision. Alors que mes troupes hésitaient, j'haussai la voix pour répéter mes ordres en mettant pied à terre. Ils firent demi-tour pour mon plus grand bonheur alors que je m'avançais, seul, parmi les corps, les visages ensanglantés et tordus de douleur implorant les cieux, les regards vides me questionnant sur l'utilité de leur sacrifice. Je m'accroupis dans la boue rougeâtre pour ramasser le casque qui occupait toute mon attention. Le corps de celui qui avait été mon ami et mon général n'était même pas là et je n'avais pas le courage de partir à sa recherche parmi les cadavres mutilés.
Je me relevai alors dans un mouvement mécanique pour rejoindre mes hommes, réfléchissant par automatisme à la suite des événements, le regard perdu et vide. N'ayant pas croisés les enfoirés responsables de ce massacre cela signifiait qu'ils avaient probablement dû passer par les cols enneigés en espérant nous échapper et rejoindre plus rapidement l'empereur pour faire tomber la Chine. Il nous fallait les prendre de vitesse, nous n'avions pas de temps à perdre. Et pourtant, c'est d'un pas lent que je rejoignis ma tente qui avait été montée par mes soldats que j'aurais bien remercier de cette attention. Je m'assis sur mon lit le casque tâché de sang toujours dans les mains et aperçus par les pans mal rabattus de ma tente le visage d'Eren tourné vers moi. Je posai délicatement le casque au sol avant de m'allonger dos à la porte pour échapper à cet air inquiet dans son regard.
Pour la première fois depuis ce soir-là sur la colline, cette nuit, je n'irai pas le rejoindre pour observer le ciel.
VOUS LISEZ
L'apprenti soldat {Riren}
FanfictionQuand la guerre contre les Huns est engagée, Livaï ne s'attendait pas à se retrouver aux commandes de la formation d'une troupe d'apprentis soldats et encore moins à ce que sa plus grande bataille soit livrée aux côtés de l'un d'eux, contre son coeu...