Снαριτπε 6 : Passion naissante

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Le jour que je redoutais tant est malheureusement venu. Le lendemain nous devions nous mettre en route pour la guerre. Nous allions mettre un certain temps avant de véritablement arriver sur les champs de bataille mais déjà l'atmosphère se faisait plus lourde. J'avais senti un frisson d'appréhension parcourir les jeunes à l'annonce de notre départ. Je sentais qu'ils ne réalisaient pas encore tous que, à partir de maintenant, la prochaine fois qu'ils se battraient ne serait pas contre des mannequins ou face à leurs camarades armés de bouts de bois, mais bien avec des épées dans le but de tuer des ennemis qui n'hésiteraient pas à les tuer s'ils venaient à échouer dans leur lutte.

Je devais me l'avouer, j'avais peur. Peur de ce qu'allait me réserver la guerre cette fois. Peur de la dernière horreur qu'elle m'inventerait sans jamais que la mort ne vienne me faucher. Peur de l'inconnu, le dernier rapport des troupes d'Erwin datant maintenant de près d'un mois.

Je soupirai doucement en remontant mon regard vers le ciel étoilé aujourd'hui parfaitement clair. Ce serait la dernière nuit que nous passerions ici. Nous nous mettrions en routes aux premières lueurs du jour et pourtant j'étais encore là, sur notre colline, à attendre qu'Eren me rejoigne dans ma contemplation des astres. Je savais que je ferais mieux de dormir mais trop de pensées me chamboulaient l'esprit. Trop de fois, je n'étais parti au combat que pour voir mourir mes camarades d'infortunes dans une lutte qui n'était pas la nôtre. Encore une fois, j'avais peur de revenir seul de cette vaine bataille. Il y aurait toujours d'autres conflits, d'autres guerres, plus de morts encore. Et encore une fois la peur me tordrait les entrailles alors que tout le monde penserait le contraire.

Mes yeux dans le vague et le coeur battant trop fort, je sentis vaguement Eren s'asseoir à mes côtés. Je tournai la tête dans sa direction et plongeai mes yeux dans les siens, me faisant bien heureusement oublier mes sombres pensées remplies de la mort, du sang et des cris de la guerre. Mes yeux dans les siens et mon coeur battant toujours aussi vite, je la sentais bien. Je ne sentais que trop bien la trouille qui me tordait les tripes et me prenait à la gorge. La peur de devenir fou de chagrin.

Ce fut lui qui détourna son beau regard du mien en soupirant légèrement pour observer notre camp en contrebas.

- J'ai peur Capitaine, lâcha-t-il sobrement.

- Moi aussi j'ai peur Eren, grognai-je en regardant à mon tour vers le campement endormi.

- Je ne veux pas mourir, murmura-t-il d'une toute petite voix.

- La mort, c'est pas le pire, ricanai-je amèrement en me tournant de nouveau vers Eren qui restait immobile, les yeux dans le vague.

- Qu'est-ce qu'il y a de pire que la mort quand on part à la guerre, marmonna-t-il d'un ton acerbe.

- Revenir du champ de bataille et continuer de vivre avec ces images en tête, répondis-je avec un sourire que je savais triste.

Il tourna son regard vers moi, une moue interrogatrice tordant ses lèvres.

- Vous voulez dire que vous préféreriez mourir, questionna-t-il dans un froncement de sourcil.

- Parfois oui, avouai-je en relevant ma tête vers les étoiles.

Après avoir vu tant de mes amis mourir. Après avoir été acclamé en héro alors que j'avais été si impuissant. Après être revenu tant de fois des combats. Oui, je le reconnaissais, je m'étais déjà demandé si je n'aurais pas mieux fait de mourir, et j'avais même eu envie de mourir.

- Vous n'avez pas le droit, s'exclama-t-il en me prenant par les épaules, ancrant ses prunelles vertes aux miennes ternies par tout ce qu'elles avaient vu.

Je ne répondis rien, le regardant tristement, impuissant face à ce regard.

- Vous êtes le Capitaine Livaï. Vous ne pouvez pas mourir. Vous ne pouvez pas dire qu'il est mieux de mourir, continua-t-il en serrant fortement mes épaules jusqu'à m'en faire presque mal.

- Je suis humain Eren, je ne suis pas un héro invincible, répondis-je calmement.

- Non ! Je ne suis pas d'accord. Si vous dites ça, ça veut dire que vous préférez voir vos soldats morts, et ça, ce n'est pas vous, je ne l'accepterai pas de votre part Capitaine, rugit-il sans me lâcher, une colère immense dans le regard.

- Parfois... parfois je les envie, soupirai-je en détournant les yeux. Parfois je trouve injuste que les rôles ne soient pas inversés, continuais-je le regard éteint, hanté par de vieux souvenirs. Parfois je me dis qu'ils ont de la chance, avouai-je lamentablement, la gorge et les poings serrés.

Les mains d'Eren quittèrent mes épaules, tombant mollement entre nous deux. J'aurais voulu qu'il laisse ses mains où elles étaient, sur moi. J'avais besoin qu'il me retienne avant que je ne me brise face à la peur qui ne me lâchait jamais.

- Donc d'après toi, il est préférable que je meurs, dit-il plus calmement.

Je releva le regard et aperçus avec peine son air sombre et ses yeux baissés.

- Non, répliquai-je simplement.

- Et pourquoi ça, c'est pourtant ce que tu viens de dire, rit-il mauvaisement en me faisant face.

- Parce que je suis un monstre d'égoïsme, dis-je doucement en fermant le poing plus fort encore, me détestant.

Parce que je voulais qu'il vive même si cela devait être avec les mêmes souvenirs que moi. Parce que je ne voulais pas souffrir encore de voir mourir quelqu'un qui m'est cher.

- Moi aussi, dit-il en posant sa main sur la mienne avec hésitation.

- Comment ça, interrogeai-je perdu, appréciant le contact et la douce chaleur de sa main, desserrant ma poigne.

- Moi aussi je veux que tu vives Livaï, dit-il avec un sourire idiot au coin des lèvres.

Il avait tout compris, songeai-je silencieusement en l'observant, apaisé.

- Sale gosse, souris-je en serrant délicatement sa main dans la mienne.

L'apprenti soldat {Riren}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant