Le Corbeau et la Colombe - Tome 2

Chapitre 7 : L'équilibre

Ce samedi, Eloise avait invité tout notre groupe d'amis. Elle savait que nous étions tous disponibles et avait proposé l'idée d'une simple soirée entre un bout de pizzas et un film assez moyen. Bien évidemment, elle m'avait prévenu de la présence de Saoirse et j'en avais eu un pincement au cœur. Depuis notre rupture, nous nous étions à peine croisés et encore moins parlé. Ça allait être très déstabilisant par rapport à nos habitudes... Enfin, par rapport à mes habitudes.

Et depuis jeudi, je ne cessais de repenser à ce qu'Eloise m'avait dit tout en insistant que Saoirse et moi avions besoin d'une profonde conversation. Je pensais que j'aurais pu plus de temps pour me mettre les idées au clair. Tout était encore bien trop flou dernièrement. Mais tant pis, je n'avais plus le temps d'y penser... Je partais de mon appartement, bien assez tôt pour éviter de croiser Saoirse. Il était préférable pour nous deux d'éviter cette situation gênante où on partirait du même endroit pour se retrouver au même sans s'adresser la parole, parce qu'après ça, je ne saurais plus quel comportement adopter à son égard. Devais-je montrer auprès de notre groupe d'amis que nous nous entendions bien malgré tout ? ou au contraire ne pas nous donner de faux espoirs et prétendre une relation entre nous qui n'était plus ?

Certes, nous avions besoin d'une discussion, mais je n'arrivais pas à croire que ça puisse arranger tout. Et je conduisais en me perdant dans mes pensées. D'humeur mélancolique, j'étais tombé sur la musique de Saoirse à la radio. Elle avait l'habitude d'écouter de l'indie pop et quelques fois, des musiques plus mainstreams. Nous n'avions absolument pas les mêmes goûts... Nous étions même différents sur plein de points. Mais était-ce grave ? Nous avions quand même trouvé des tas de terrains d'entente et surtout... Nous avions réussi à nous comprendre mutuellement. Jamais je n'avais eu une telle relation avec quelqu'un. Cette relation avait beau être assez courte pour juger, c'était suffisant pour moi.

C'était une évidence.

J'aime toujours Saoirse. J'ai besoin d'elle dans ma vie.

Mais je comprendrais si ce n'était pas son cas.

En arrivant chez Eloise, je fus le premier arrivé, comme je l'avais prévu. Alors que j'étais encore un peu plongé dans mes réflexions, elle me posa le carton de la pizzeria sous le nez en me conseillant de sélectionner ce qui me plaisait.

— Par contre si tu choisis quatre fromages, tu la manges tout seul ! s'exclama-t-elle en plissant son regard.

— T'en fais pas, si ce n'est pas moi, ça sera Jack, la rassurai-je.

Mais son regard ne changea pas et je ne pus m'empêcher de laisser échapper un petit rire.

— Ça a l'air d'aller mieux, me fit-elle remarquer en s'installant à mes côtés dans le canapé.

— Possible, rétorquai-je en détachant mes yeux du menu. J'ai réfléchi à des tas de trucs depuis jeudi... Je me dis que je suis sûrement ace, peut-être grey-sexuel.

— Si tu veux en parler, n'hésite pas, m'affirma-t-elle d'un air bienveillant.

Notre discussion s'écourta bien trop rapidement quand quelqu'un sonna à la porte. Immédiatement, Eloise vint lui ouvrir et mon cœur sauta un battement en apercevant la douce chevelure de Saoirse. Eloise l'invita courtoisement et nous échangeâmes un long regard. Saoirse hésita avant de s'asseoir à mes côtés puis quand je lui adressai un timide sourire, elle en fit de même et s'installa à mes côtés. Eloise nous regardait d'un coin de l'œil. Elle prétendit alors devoir passer un appel et monta à l'étage, nous laissant seuls.

Pendant quelques instants, aucun d'entre nous n'osait dire quoi que ce soit et mon regard se perdit sur le menu de la pizzeria. Saoirse en fit de même et j'avais comme la sensation que ce silence la tuait de l'intérieur. Il fallait que j'agisse, il fallait que je sois honnête et qu'enfin, nous ayons une réelle discussion. Avec maladresse, je pris les devants et me tournai vers elle :