Le Corbeau et la Colombe - Tome 2

Chapitre 3 : On en apprend tous les jours

[TW : Harcèlement, Transphobie, Alcool]

Aux alentours de dix-neuf heures, je songeai à sérieusement me rendre à la fête de Jian, quand bien même Saoirse serait présente. Jusqu'alors, je n'avais pas cessé de répéter à Jian qu'il y avait peu de chances que je vienne. En vrai, l'unique raison qui m'en empêchait était simple : Saoirse. Il était évident que je l'aimais encore. C'était même stupide de croire que mes sentiments disparaîtraient aussi facilement. Ça n'avait jamais été le cas. Chacune de mes ruptures avait été un supplice.

Pourtant, au dernier moment, je décidai de m'y rendre. Peut-être s'agissait-il d'une réaction totalement irraisonnée, mais peu importe. Immédiatement je quittai mon appartement pour rejoindre celui de Jian. Je pris quelques instants de réflexion avant de frapper à la porte et j'eus à peine le temps d'angoisser, Jian venait tout juste de m'ouvrir.

— Je pensais vraiment que tu ne viendrais jamais ! s'exclama-t-elle, heureuse de me voir.

Je lui rendis son sourire et soudainement, son visage se durcit.

— Mais qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? s'étonna-t-elle en constatant l'ampleur des dégâts sur mon visage.

— C'est une longue histoire...

Elle m'entraîna à l'intérieur et me guida jusqu'à la cuisine où nous serions à l'abri de quiconque.

— Merle... Je m'inquiète pour toi. Je vois bien que ta rupture avec Saoirse t'a beaucoup blessé... et j'ai peur de ce qu'il pourrait t'arriver.

— Ne t'en fais pas, tout va très bien, la rassurai-je, n'y croyant pas une seconde.

Jian n'était pas naïve à ce point et ce n'était pas mon visage qui allait m'aider.

— Est-ce que... on t'a frappé ?

— C'est compliqué...

— Je sais que tu es bi, ce n'est pas la peine de faire semblant, s'emporta-t-elle, comme si elle était déjà agacée par cette discussion.

Je la regardai longuement, assez perturbé par sa réaction, tandis qu'elle montra immédiatement une forme de culpabilité sur son visage.

— Désolée... Je n'aurais pas dû dire ça comme ça. Je t'oblige à faire un coming out si c'est le cas... Oublie ça, je suis désolée.

— Je suis bi mais ça n'a rien à voir, avouai-je pour éviter que son état empire.

— Désolée...

— Cesse de t'excuser ! la repris-je.

— Je sais ce que ça fait un coming out forcé ! Je l'ai vécu au lycée et c'était pas très bien d'ailleurs, expliqua-t-elle, les larmes aux yeux.

— En fait, c'est encore trop compliqué pour moi, lâchai-je dans un soupir.

Elle hocha la tête, me comprenant totalement, puis elle me prit dans ses bras pour calmer l'atmosphère. Encore une fois, elle s'excusa, se fichant que je lui dise que c'était totalement inutile. Puis elle me relâcha, toujours assez attristée.

— Fais pas de conneries, je t'en supplie, me somma-t-elle. Et si jamais tu as envie de parler, je suis là... N'hésite pas.

Le ton de sa voix était bien trop grave. Elle s'inquiétait bien trop pour moi et visiblement, j'avais réussi à lui montrer à quel point je pouvais être désespéré.

— C'est juste très compliqué en ce moment, mais peu importe ce que tu penses, ce n'est pas ce que j'ai prévu, tentai-je vainement de l'apaiser.