Chapitre 7 : Invisible

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    Je ne savais pas pourquoi j'avais fait cela.

     J'avais peut-être paniqué en entendant sa voix ; à moins que, toute la pression retombant d'un coup, mon corps avait réagi instinctivement.

    Toujours est-il que, juste après qu'il m'ait pris dans ses bras, je m'étais fondu dans l'ombre. Sans savoir pourquoi. Sans le vouloir réellement non plus.

    Mon corps était devenu immatériel, invisible, plus volatile que la fumée. Je ne m'en rendis compte que lorsque je passai à travers les bras d'Onyx, et que je vis ce dernier ouvrir de grands yeux.

    Je me mordis la lèvre tandis que les battements de mon cœur se calmaient un peu. Son contact me rendait toujours plus nerveux, et souvent j'étais pris de tremblements rien qu'à repenser à ces sensations étranges qui me prenaient lorsque j'étais avec lui.

    Le jeune homme fouillait à présent l'obscurité des yeux, et, bien qu'il ne me voie pas, son regard me transperçait tout entier. Ses pupilles sombres fixaient mon corps, passaient à travers, provoquaient en moi une chaleur soudaine et incontrôlable. Je reculai d'un pas, les joues brûlantes.

    - Naos ?

    Sa voix, toujours aussi douce, me cloua littéralement sur place. Il me sembla y distinguer quelque chose comme des doutes, ou peut-être des reproches. Pétrifié, je ne répondis pas. J'en étais incapable. Les mots se coinçaient en travers de ma gorge, et aucun son ne sortit d'entre mes lèvres.

    - Qu'est-ce que tu fais...?

    Ses yeux se voilèrent un instant, et la tristesse fit trembler légèrement sa voix. Je m'en voulus aussitôt de lui faire de la peine, mais je n'osai pas bouger. J'étais comme paralysé par une peur étrange, inconcevable. J'avalai difficilement ma salive et eus un léger soupir tremblant.

    - Tu... tu n'aimes pas que...

    Il ne finit pas sa phrase et baissa la tête.

    - Naos... Si tu n'aimes pas que je sois là, si tu veux que je m'en aille et que je te laisse tranquille, s'il te plaît, dis-le moi au lieu de t'en aller !

    Je pris une inspiration tremblante et empêchai les larmes de me monter aux yeux. Il se trompait... J'avais envie qu'il soit là, c'était même pour cela que j'étais resté ici, aussi longtemps. Mais je n'osais pas me manifester, je n'osais pas me l'avouer, j'avais peur de sa réaction.

    Était-ce normal de penser aussi souvent à un quasi-inconnu ? D'avoir envie de le voir, et pour cela d'être prêt à risquer ma vie ? De désirer aussi ardemment son contact, de frissonner lorsqu'il me touchait, de rougir à sa voix ?

    Je déglutis avec difficulté. Bien sûr que non, ce n'était pas normal. L'indifférence des villageois, ce jour-là au marché, me revenait à présent en tête, et tournait sans relâche dans mes pensées.

    Je n'avais jamais été comme les autres. Je n'avais jamais été normal. Seule ma mère m'acceptait, mais peut-être était-ce parce qu'elle était tombée aussi bas que moi.

    Toute ma vie, j'avais été invisible. Et la sensation d'être visible me mettait tellement à nu que je ne le supportais pas, alors que je ne rêvais que de cela.

    Mortifié, je le fixai sans rien dire, au bord des larmes. Onyx eut un soupir résigné et fit lentement demi-tour. Je le suivis longtemps des yeux sans oser bouger, et ce ne fut que lorsqu'il ne fut plus à portée de vue que je redevins visible et me laissai tomber sur le sol, vidé.

     Je restai un long moment sans bouger, fixant d'un regard atone ce qui se trouvait devant moi. A l'intérieur de moi, c'était un vacarme assourdissant, mais aucun son ne traversait mes lèvres, comme toujours.

Les Origines : Naos, fils de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant