Chapitre 9 : Rêve

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     Je crus rêver.

    Je crus que ce n'était pas réel. Je crus que j'étais encore seul, à imaginer ce qui me rendrait si heureux. Je crus que j'allais me réveiller, et qu'alors tout redeviendrait comme avant.

    Mais je fermai les yeux et ne dis rien. Si c'était un rêve, alors autant le savourer jusqu'au bout. Tant pis si la chute allait être rude, je voulais simplement, juste un instant, avoir l'impression d'être heureux.

    Alors je ne dis rien, me contentant de poser ma tête sur son épaule, un léger sourire aux lèvres. Je me sentais bien. Une douce chaleur envahissait doucement mon ventre et réchauffait mon âme. J'avais si souvent été seul que le savoir près de moi me rendait incomparablement heureux.

    Si seulement je pouvais tout oublier, tout laisser, juste rester avec lui pour toujours !

    D'ordinaire, une telle pensée m'aurait fait rougir, mais je me croyais dans un rêve. Je m'autorisais ce qui me rendait si honteux d'habitude. Je m'autorisais à ressentir ce que je ressentais pour lui, je m'autorisais à être avec lui, près de lui, tout contre lui.

    Onyx ne dit rien. Il restait parfaitement silencieux, se contentant de caresser légèrement mon dos. Mais même ce simple contact me faisait frissonner, et son souffle sur ma joue me donnait terriblement chaud.

    Les yeux fermés, je savourai ce moment, sans un mot. Tout était si paisible. Je me sentais incroyablement bien avec lui, comme avec personne d'autre. C'était comme si j'avais retrouvé quelqu'un perdu de vue depuis longtemps, quelqu'un qui avait toujours fait partie de moi.

    Peu à peu, le monde se fondit dans un brouillard chaud et enveloppant, et je m'endormis.

***

    Je m'attendais à me réveiller dans ma chambre et à découvrir douloureusement que ce doux moment n'était qu'un rêve. Je m'attendais à avoir imaginé ces quelques mots qu'il m'avait murmurés, ce simple "je crois que je t'aime" qui avait suffi à me combler.

   Et pourtant, lorsque j'ouvris les yeux, je ne me trouvais pas dans mon lit, mais bel et bien dans une pièce que je ne connaissais pas, et un bruit de pas étouffé résonnait non loin de moi.

    J'émergeai lentement du sommeil. La pièce était assez sombre, même si un rayon de lumière filtrait de la fenêtre close, et c'était agréable à mes yeux de NightMar. Je me trouvais allongé sur un lit peu confortable, et si la pièce était meublée assez simplement - une simple armoire en bois et une petite table de chevet -, elle était horriblement en bazar. Des vêtements, livres, objets divers et variés l'encombraient, jetés pêle-mêle sur la table, sur l'armoire ou à même le plancher. Et en observant un peu plus en détail les vêtements, je compris qu'il devait s'agir de la chambre d'Onyx.

    Assez gêné, je me demandai ce que je faisais ici. Je me rappelai bien de notre discussion, mais elle me semblait si irréelle, trop belle pour être vraie. Pourtant, j'étais bel en bien dans la maison d'Onyx, ce que je devinai en reconnaissant son pas presque silencieux dans la pièce d'à côté.

    Cela signifiait-il que je n'avais pas rêvé ? Mais dans ce cas-là, que s'était-il passé ? Je me rappelais simplement m'être endormi... Combien de temps avais-je dormi, d'ailleurs ?

    Fronçant les sourcils, je me relevai sur mes coudes, et découvris avec un certain soulagement que j'étais habillé de la même façon que lorsque je m'étais endormi. Seules mes chaussures reposaient au pied du lit.

    Me mordillant la lèvre, je me demandai alors ce que je craignais. Son aveu de la veille - si tout cela n'avait pas été un rêve - m'avait fortement perturbé. Moi qui croyait qu'aimer quelqu'un du même sexe était anormal, contre nature, je découvrais que je n'étais pas le seul à ressentir ce sentiment. Et je ne savais pas si cela me rassurait ou m'inquiétait.

    Mais cela soulevait en moi une légère inquiétude. Pourquoi m'avait-il amené ici ? Et s'il avait profité de moi ? Après tout, je ne connaissais rien d'autre que son nom : Onyx. Ni histoire, ni famille. Il était arrivé ici un jour, comme enchantement, et il allait peut-être repartir un jour tout aussi soudainement.

    J'eus un soupir et me levai doucement, avant d'enfiler rapidement mes chaussures. Je n'avais pratiquement pas fait de bruit, selon mes habitudes, mais Onyx apparut quand même à la porte. Il m'avait sûrement entendu grâce à son ouïe de loup-garou.

    Il me sourit gentiment en s'approchant. Aussitôt, mes joues me brûlèrent et je baissai rapidement la tête, priant pour qu'il ne le remarque pas. Il était aussi beau que d'habitude, avec ses yeux incandescents et ses jolies lèvres. Mais ce qui me gênait le plus, c'était sa déclaration de la veille. Ne sachant pas quoi dire, je restai muet, fixant résolument mes pieds et priant pour disparaître.

    Onyx s'assit près de moi, sur le lit, et me demanda doucement :

    - Bonjour Naos, comment vas-tu ?

    - B-Bien, murmurai-je d'une voix étranglée.

    Je ne rajoutai rien, incapable de penser. Il était si près de moi que la chaleur de son corps m'atteignait et me faisait rougir. Une question me brûlait les lèvres, "pourquoi suis-je chez toi ?", mais je n'osais pas la poser. Ma voix s'était éteinte au fond de ma gorge.

    - Tu sais pourquoi tu es ici ?

    La voix d'Onyx était maintenant amusée. Je levai timidement les yeux vers lui et esquissai un léger mouvement de tête négatif.

   - Tu t'es endormi dans la forêt, il y a quelques heures. J'aurais bien voulu te ramener chez toi, mais je ne connaissais pas le chemin, alors...

    Je baissai la tête et me mordillai la lèvre, me demandant pourquoi il n'était pas resté là-bas avec moi pendant que je dormais, ou pourquoi il ne m'avait pas laissé tout simplement dans la forêt. Ç'aurait été plus simple que de m'amener chez lui...

    Je sentis soudain le regard du loup-garou sur moi, et une main se glissa sous mon menton pour le relever avec douceur. Mon regard n'eut d'autre choix que de se planter dans celui d'Onyx, tout près de mon visage. Je cessai brusquement de respirer, atrocement gêné.

    - Tu n'as pas peur ? Peut-être que j'ai profité de toi pendant ton sommeil...

    Pétrifié, je ne sus pas quoi répondre. Cependant, je me détendis un peu en voyant ses yeux pétiller d'un air malicieux.

    - J-Je... Ce n'est pas vrai, n'est-ce pas ? bredouillai-je difficilement.

    Il eut un sourire tandis que ses doigts caressaient doucement mon visage, me faisant frémir.

    - Qui sait ?

    Je commençais à avoir peur, mais je n'osai pas me débattre, pris au piège par la douceur de son toucher. Incapable de supporter son regard, je baissai les yeux, le visage brûlant.

    Et je me demandai si je n'étais pas encore en train de rêver lorsqu'il me murmura :

    - J'ai tellement envie de toi, si tu savais...

Les Origines : Naos, fils de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant