Chapitre 8 : Désir

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    Tous les jours, je revins le voir, invisible et indétectable.

    Tous les jours, il était là, assis au bord de l'eau, les yeux fermés, plus immobile qu'une statue.

    Tous les jours, je le contemplai, je me remplissais de son image, sans jamais oser me montrer.

    Cependant, peu à peu, j'osai m'approcher de plus en plus près. Jusqu'à poser mes doigts sur sa joue. Timidement, avec hésitation, je caressai sa peau. Certes, il ne pouvait pas sentir ce contact, certes ma main passait à travers son corps... Bien sûr, je ne le touchais pas vraiment, mais je m'imaginais les sensations et mon ventre en était tout retourné.

    Je devins rapidement accro à ces moments. Je me raccrochais de plus en plus à la présence d'Onyx. Le soir, je rêvais de lui, de lui parler, de le toucher. Mes nuits se peuplaient de rêves tous plus honteux les uns que les autres. Je ne pensais plus qu'à lui, il était toujours présent dans mes pensées, et je n'avais qu'une envie : le voir, le plus possible.

    Jusqu'au jour où j'osai poser mes lèvres sur les siennes. Bien entendu, elles passèrent à travers sa peau, mais je fermai les yeux et imaginai.

    J'imaginai le doux toucher de sa peau, j'imaginai simplement le toucher, réellement toucher quelqu'un. Pour la première fois, j'eus vraiment envie d'un contact physique avec une autre personne. Je n'avais qu'une envie, redevenir visible et me laisser aller à ce toucher dont je rêvais depuis des jours.

    Alors, je sentis des larmes rouler doucement le long de mes joues.

    Et je sentis une douce chaleur se répandre dans tout mon corps, une sensation inconnue, merveilleuse, m'envahir entièrement. Je crus que j'allais exploser de joie, sous un trop-plein de bonheur. Et je m'offris tout entier à cette sensation, jusqu'à ce que je sois comme illuminé d'un soleil intérieur éclatant.

    Je ne voulais pas ouvrir les yeux, je voulais juste rester là, pour toujours. J'étais si heureux, je me sentais si bien. Des ailes me poussaient. J'aurais pu m'envoler jusqu'au ciel, décrocher la lune, cueillir le soleil. J'aurais pu crier au monde entier que j'étais visible, que j'existais.

    Je sentis une main se glisser dans mon cou, me tirant en avant avec une douceur infinie. Elle était chaude, de la chaleur bienfaisante que dégageait Onyx. Mes propres mains se posèrent sur des épaules devant moi, et me donnèrent l'appui nécessaire pour me reculer légèrement.

    J'ouvris doucement les yeux. A quelques centimètres de moi, juste devant mes yeux, le visage d'Onyx me souriait tendrement.

    J'étais redevenu visible. Je l'avais réellement embrassé.

    Mes joues me brûlèrent brusquement mais je n'osais pas reculer, pétrifié. Sa main, posée dans mon cou, me retenait penché vers lui. J'étais encore plus gêné par la position dans laquelle je me trouvais, à genoux, une jambe de chaque côté de lui. Il était si proche que je paniquai tandis que mon cœur se mit à cogner plus fort, résonnant jusqu'au bout de mes doigts.

    Je baissai la tête, au bord des larmes. Je n'osais pas croiser son regard, qui me brûlait. Je me sentais horriblement honteux, comme indigne.

    - Je... je suis désolé, balbutiai-je d'une voix aigüe qui s'étrangla dans ma gorge.

    Ses doigts se posèrent doucement sur mon front et écartèrent quelques mèches de mes yeux.

    - Désolé ? Mais de quoi ?

    Sa voix était aussi tendre que je l'imaginais dans mes rêves les plus fous, et elle provoqua en moi une chaleur soudaine. Je me détendis presque imperceptiblement, fermant légèrement les yeux.

    Il me souriait. Ce n'était pas un rêve, c'était réellement moi qu'il regardait avec ce regard tendre, ces yeux brûlants couverts d'un voile de douceur. Cette constatation suffit à me rendre heureux. Je souris à mon tour, timidement.

    - Onyx...

    Je l'avais murmuré tant de fois, son prénom, seul dans la nuit, à imaginer qu'il m'entendait. Mais cette fois, je lui avais réellement dit. Cela pouvait paraître futile, mais pour moi qui avais toujours fait taire mes sentiments pour devenir une ombre, c'était une épreuve, un mur à franchir. Et je l'avais franchi.

    Et il était là, il me regardait, il murmura mon nom à son tour, et rien qu'à cause de ça, je me sentais stupidement heureux.

    - Pourquoi tu t'es enfui ?

    Sa voix était toujours aussi douce, comme une caresse. Je répondis avec hésitation :

    - P-Parce que j'avais peur...

    - Peur ? Peur de moi ?

    Il semblait surpris et blessé. Cela me fit mal aussi, cependant je n'osais pas dire que c'était à cause de ce que je ressentais. Je ne me sentais pas prêt à me dévoiler, à dévoiler mes sentiments. Montrer ce que j'étais, je n'en avais pas l'habitude, et cela m'effrayait.

    Je sursautai légèrement lorsqu'il posa ses doigts sous mon menton pour le relever avec douceur et m'obliger à le regarder dans les yeux.

    - Mais si je te fais peur, pourquoi m'as-tu embrassé ?

    Je devins écarlate. D'un coup, je sus qu'il avait compris. Incapable de répondre, je fermai les yeux pour éviter son regard.

    - J-Je... je ne sais pas...

    Il bougea légèrement et je sentis son souffle chaud sur ma joue.

    - Je ne t'en veux pas, tu sais ?

     Sa voix tout près de mon oreille me fit frémir. J'avalai durement ma salive, n'osant pas bouger d'un pouce. J'étais comme paralysé par sa présence.

    - Tu veux que je te le dise ? J'espérais même que tu viennes à moi.

    Je sentis ses mains se poser dans mon dos et m'entraîner doucement vers lui. Je ne résistai pas. J'étais comme pris au piège de mon attirance pour lui. Le plus petit mouvement me paraissait insurmontable, je n'étais qu'une poupée de chiffon entre ses bras.

    Je rougis brusquement lorsqu'il me serra tendrement contre lui, et me tortillai légèrement, gêné. Je n'avais pas l'habitude d'un tel contact. Celui-ci provoquait en moi des sensations intenses qui me brûlaient tout entier et qui me terrifiaient.

    Pour toute réponse, Onyx me serra plus fort. Je fermai aussitôt les yeux en me mordant la lèvre pour ne laisser passer aucun son. Sentir son corps si près du mien était une torture aussi délicieuse que terrifiante.

    Alors, je décidai d'abandonner toute ma volonté, toutes mes résolutions de prudence. J'eus un léger soupir tandis que la tension dans mon corps se relâchait et que j'osai poser ma tête sur son épaule. J'étais avec lui, il m'avait accepté et c'était tout ce qui comptait.

    Et j'entendis, tout près de mon oreille, sa voix douce me murmurer tendrement :

    - Naos, je crois bien que je t'aime...

Les Origines : Naos, fils de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant