Chapitre 14 : La sphère

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Comme un seul homme, la centaine de Frères installée dans les galeries supérieurs braquèrent leurs yeux noirs sur eux. Un profond malaise saisit les entrailles d'Elizabeth. Un léger tremblement traversa son corps et elle eu l'impression que ses jambes cédaient sous son poids. L'un d'entre eux enjamba la balustrade pour se laisser tomber juste à côté d'elle. Il se redressa de toute sa hauteur, vertèbre par vertèbre, faisant craquer ses vieux os. Il l'attrapa en enroulant ses longs doigts fins autour d'une épaisse mèche de boucles rousses et la tira en arrière. Une vive douleur au cuir chevelu lui arracha un cri. Kaylin fit un pas vers elle, les poings serrés à s'en blanchir les phalanges. Mais il s'arrêta aussi tôt, suspendant son geste comme s'il avait froissé une quelconque entité supérieure.

   Contre toute attente, ce frère du Silence prit la parole. Mais pas de la façon dont le petit groupe pouvait s'y attendre. Sa voix gutturale semblait s'élever du sol en se répercutant sur la pierre sculptée des murs et envahit l'espace.

   '' Vous venez de mettre un terme à la vie de l'homme le plus sage que la Terre eu jamais porté. Vous allez le regretter ! "

   C'est alors que la pièce se mit à trembler, des morceaux du plafond s'écroulèrent dans des nuages de poussières. Le cœur d'Elizabeth tambourinait contre ses côtes, provoquant un vacarme qui l'assourdissait. La grande porte en bois s'ouvrit à la volée, comme projeté par une force invisible. Sans s'en rendre compte, Elizabeth cessa de respirer tant elle fut surprise par ce qui arrivait. L'énorme sphère qui régnait auparavant au centre de la bibliothèque pénétrait dans la pièce. De longs filaments de nuances violets dansaient à l'intérieur de ce qui ressemblait finalement plus à une énorme bulle de savon.

   Elizabeth trouvait l'ensemble d'une beauté à couper le souffle. Ces grands gestes gracieux lui rappelaient les danseuses étoiles qu'elle allait souvent voir avec sa mère, lorsqu'elle n'était encore qu'une enfant. Elle se concentra sur les arabesques qui devinrent plus nettes et plus précises au fil des secondes qui s'égrainaient. En plissant les yeux, elle crut voir apparaître un homme, qui plaquait ses paumes de mains sur les parois internes de l'orbe lumineuse. La jeune femme eut un mouvement de recule lorsqu'elle se rendit compte qu'il ne la quittait pas des yeux. Malgré le monde présent dans la pièce, c'était elle qu'il fixait. Ses prunelles étaient d'une froideur polaire, lançant des éclaires hostiles.

   La présence découvrit ses dents, dans une sorte de sourire qui ressemblait plus à une grimace douloureuse. Puis d'un geste rapide, il enfonça sa main à travers la paroi transparente. Ses doigts pâles se mirent à trembler lorsque son bras gauche émergea dans la salle. Kaylin s'avança pour se positionner aux côtés de la jeune femme, les yeux agrandis par l'incompréhension.

– Est-ce que... vous voyez ce que je vois ? lui demanda t-il dans un murmure, en articulant machinalement chaque syllabe.

   Il avait parlé si bas, qu'Elizabeth ne comprit pas tout de suite sa question. Elle ne put décrocher son regard de la créature qui s'extirpa avec une lenteur extrême de sa prison. Lorsqu'elle parvient à son bassin, l'étrange chose se balança à un rythme aussi régulier que celui d'un métronome. Inconsciemment, Elizabeth cala sa respiration sur la même cadence. Enfin, elle s'échappa de la sphère et tomba à genoux sur les dalles froides.

   Ses longs cheveux bruns étaient humides, un entrelace de mèches poisseuses qui s'apparentait, à s'y m'éprendre, à un tas d'algues. Sa fine peau blanche était presque translucide laissant apercevoir des veines noires, comme si un puissant poison circulait dans son corps. Les plus petits capillaires sanguins faisait penser à des verres de terres rampant sous son épiderme. Cet être se releva mollement, en expirant avec un léger sifflement qui agaçait Alphonse. Elizabeth ne l'avait pas tout de suite remarqué mais ses paupières étaient entièrement recouvertes de symboles étranges et de petits cercles.

Dans les rouages du temps (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant