Dans les rouages du temps (Terminée)

Chapitre 23: Le sang sur les pavés

H observait la poitrine de Kaylin qui se soulevait avec difficulté. Il était tellement facile de lui ôter la vie.

– Les êtres humains sont si faibles ! marmonna t-il alors que Dorian se redressa.

  Il se remit debout en chancelant, du sang sur le visage. Il attrapa sa mâchoire inférieur et la fit mouvoir de gauche à droite. Un sinistre craquement résonna. H leva les yeux au ciel, d'un air agacé.

– Je me demande bien à quoi tu me sers...

– Tu ne serais pas là sans moi, H. Alors ferme ta gueule !

  H lui lança un regard de braise, mais ne répondit pas. Cela n'aurait fait qu'envenimer les choses.

– Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? poursuivit Dorian.

  H se massa les tempes avec une grimace, comme si une migraine venait de le saisir. Il ferma ses paupières un instant, se concentrant sur ses autres sens. Il ressentait de vives fourmillements dans ses mains. L'odeur métallique du sang envahissait ses narines, l'empêchant de réfléchir correctement. Au loin, il percevait un bruit régulier qu'il trouvait agaçant. Ce son semblait devenir de plus en plus fort au fil des secondes qui passaient. Comme si quelque chose approchait.

  Lorsque cette pensée le traversa, il rouvrit les yeux et se retourna vers la source de ce bruit. Elizabeth fondait droit sur lui. Elle balança avec une force et une précision sans pareille, un poignard qui atteint Dorian à la cuisse. Il resta debout malgré tout et étouffa un cri. Alors qu'il s'apprêtait à saisir cette lame d'une main tremblante, Elizabeth lui asséna un coup de coude au niveau de la tempe. Cette fois-ci, il tomba au sol, inconscient.

– C'est impossible... murmura H.

  Alors, elle se tourna vers lui avec un regard sanguinaire. Elle découvrit ses dents dans un rictus menaçant, tout en tirant Colada de son fourreau. Elle étala négligemment une trace de sang presque sec sur sa joue gauche puis elle se rua sur lui avec un hurlement bestiale. Elle envoya sa lame sur le côté droit mais il bloqua cette attaque avec son poignard, le bras tremblant. Un tintement métallique résonna, le perturbant. Il était troublé de la voir encore sur pied. Le venin aurait du la tuer depuis longtemps.

  Profitant de ce moment d'inattention, Elizabeth gifla H, puis lui mit un coup de boule. Il poussa un cri de surprise avant de reculer en titubant. Elle se jeta sur lui telle une furie. Ils tombèrent tout les deux sur les pavés humides. H ne perdit pas un instant malgré la surprise et plaça ses deux mains autour du cou de la jeune femme et serra de toutes ses forces. Elle le repoussa d'un geste sec avec son bras libre et leva bien haut Colada. Elle l'enfonça dans l'abdomen de H. Ses pupilles se dilatèrent. Dans un dernier souffle, il tenta d'attraper Elizabeth par les cheveux pour la forcer à reculer. Sa main visqueuse passa entre quelques mèches rousses mais retomba aussitôt au sol. Une grande quantité de sang noir s'échappait de sa plaie béante, inondant la rue. Elle observa attentivement le visage de son ennemi, scrutant le moindre détails, hypnotisée de voir la vie le quitter.

  Elle mit quelques temps avant de reprendre ses esprits. Elle lâcha son épée pour se ruer auprès de Kaylin. Elle se coucha sur sa poitrine pour sentir les faibles et irréguliers battements de son cœur. Elle saisit le visage endormi de celui qu'elle aimait.

– Je t'en supplie, ne me laisse pas Kaylin. Je te l'interdis, tu m'entends ?

  Elle n'obtint aucune réaction de sa part. Elle le secoua par les épaules alors qu'une larme roula doucement sur sa joue. Ses yeux roulèrent sous leurs paupières avant de finalement s'ouvrirent. Il regardait fixement le plafond de verre, loin au-dessus de lui. Et lorsqu'il remarqua la présence d'Elizabeth, il sourit tendrement. Une grimace de douleur vint immédiatement le remplacer.

  Cette fois-ci, elle pleura vraiment. De grosses gouttes s'échappèrent alors qu'elle se jeta à son cou.

– Doucement, grogna t-il.

– Tu es en vie, sanglota t-elle.

  Kaylin l'attira à lui et l'embrassa avec passion, savourant le contact sucré de ses lèvres contre les siennes. Il ferma les yeux. Elle se redressa lentement avant de l'aider à faire de même.

– On devrait rentrer, lui dit-elle enfin.

– Qu'est-ce qu'on fait de lui ? demanda Kaylin en désignant Dorian, toujours inconscient.

  Elizabeth se contenta de hausser les épaules avant de prendre la direction de son manoir. Elle du soutenir Kaylin pour l'aider à regagner sa futur chambre. Elle le fit assoir sur un sofa de velours vert, devant une table basse. Elle récupéra la montre qu'elle avait caché derrière une commode en chêne.

  Elizabeth joua avec les molettes de la montre et tout devint flou.