Chapitre 15 : Les statues

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Il régnait, dans les longs couloirs mal éclairés de la bibliothèque, une atmosphère moite et tendue qui collait à la peau des fuyards. La chaleur les étouffait, en les empêchant par la même occasion, de trouver leur second souffle. Ils eurent du mal à s'y retrouver parmi les allées interminables de la bibliothèque, se perdant au détour de virages, débouchant dans de petits bureau d'études où régnait un silence de mort.

   Ils finirent par débouler dans l'accueil, où la vieille Tiana sirotait une tisane. Elle faillit lâcher sa coupelle en porcelaine sous l'effet de la surprise.

– Mais enfin ! gronda t-elle. On a pas idée d'apparaître comme ça, en surprenant les gens !

– Tais-toi, la vieille ! hurla Alphonse en sortant son pistolet. Si tu continues, il va te trouer la peau comme un tonneau de rhum !

   La pauvre femme le regarda, bouche-bée, totalement choquée. Ce devait sans doute être la première fois qu'on lui parlait de la sorte. Elle renifla d'un air mécontent en pinçant ses lèvres gercées. Alphonse baissa son arme, puis quitta lentement la pièce, comme si rien ne le pressait.

   Une forte agitation semblait régner dans la bibliothèque, des pas précipités et de bruits de feuilles se firent entendre à leur suite, dans le couloir.

– Venez, milady. Ne vous attardez pas ici. Il n'y a rien de bien intéressant, dit Alphonse en insistant sur ces derniers mots avec un regard pour la vieille femme.

   La dernière vision qu'Elizabeth eu de Tiana, fut un air consterné. Cette femme ne devait guère être heureuse dans sa vie, pour prendre autant à cœur son travail.

   Alphonse entraîna Elizabeth et Kaylin à sa suite, hors du bâtiment. L'air frais donna à la jeune femme, l'impression de pouvoir respirer à nouveau. Une impressionnante quantité de flocons de neige tombait du ciel, chargé de nuages blancs. Leur visibilité était réduite, ce qui les rendait nerveux. Ils descendirent la volée de marches glissantes prudemment, prenant le soin d'ancrer leurs pieds dans le sol pour ne pas perdre l'équilibre. Une fois arrivé en bas, ils furent arrêtés par un Frère du Silence, qui venait tout juste de sortir de la bibliothèque. Elizabeth l'observait calmement, ne craignant rien d'un vieil homme. Sa peau était marqué par de profondes rides et de nombreuses tâches sombres. Sa longue barbe grise descendait presque jusqu'au sol. Ça n'a pas du être facile de leur courir après en se prenant les pieds dedans !

   Il se tenait dans l'encadrement de la porte, entouré par les deux statues en pierre. Il posa ses paumes de mains, qui devinrent violettes au contact des gardiens. Le sol trembla. Lentement, les deux hommes de roc prirent vie. Kaylin serra ses poings et Elizabeth crut que la veine qui passait sur sa tempe allait exploser.

– On ne peut pas les combattre ! cria t-elle par dessus le vent.

   Les statues se retrouvèrent, d'un seul bond, juste devant eux. D'un coup de bouclier, elle projeta un passant effrayé sur les murailles qui entouraient la ville. Un craquement sec résonna et le malheureux s'écroula sans un cri. Et dire qu'il n'avait rien fait. L'injustice dont faisait preuve ces Frères du Silence, révoltait la jeune femme.

   Voyant qu'Alphonse ne réagissait pas, la jeune femme le rejoignit pour le secouer par l'épaule.

– Alphonse ! l'appelait-elle. Alphonse, faites quelque chose !

   Il ne bougeait toujours pas, alors que les deux hommes de pierre s'approchaient, balayant la place de sa lance pour l'un et de son livre pour l'autre.

   Le capitaine du Mary Jane paraissait loin, comme s'il s'était absenté de son propre corps. Elizabeth le gifla. Elle le saisit par les deux épaules, se plaçant bien en face de lui :

Dans les rouages du temps (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant