Désastre

Partie 2-25

12/10/2019
Ken

Le visage d'Evie devient blême quand elle me voit moi puis Idriss. Sneaz nous a forcé à venir, je voulais pas, elle m'avait foutu un vent au tel quand même! Deen me pousse dans la salle de bains, Méla et Areno y traîne Evie et ils ferment la porte à clé ces bâtards. Elle s'assoit sur le rebord de la fenêtre, moi je m'appuie contre le lavabo.

- Tu sais dans Suga j'ai dit "tu n'étais qu'une pécho de soirée juste un flirt d'ado" parce qu'au départ, lors de la première soirée, c'est ce que tu aurais dû être. On n'était pas potes encore.
- Je passe pour une connasse qui joue avec toi. Une "bombe joyeuse" qui te déteste, puis t'aime puis tout compte fait repars et te trompe.
-Quand j'écris un son, c'est pas la vérité pure et dure. Ça aurait été plus facile si c'était toi qui étais en tort, ou si tu n'étais qu'une parmi tant d'autres. Mais c'est faux, je le répète. Quand j'écris quelque chose, j'invente deux-trois trucs pour pas que ce soit mon âme sur le papier. Même si c'est quand même le cas.
- Tu mélanges quelques histoires et tu changes les personnages.

Je souris face à sa réutilisation de ce passage d'Être humain.

-Exactement.
-Est-ce que tu parles de moi dans d'autres chansons?
-Suga, Plume, la fin de Risibles amours, Des astres, T'endors pas, Galatée, O.D., Pars avec moi...

Elle hoche la tête en continuant de regarder dehors.

-Quand tu dis "T'es vraiment qu'une p'tite conne" dans O.D., c'est moi aussi?
- Tu le sais si tu as écouté la chanson en entier. Le seul moment où je ne parle pas de toi, c'est quand je dis "Tu m'as boudé pendant des mois quand j'ai sorti Égérie m'accusant de révéler au grand jour notre intimité". Je dis pas "T'es vraiment qu'une p'tite conne", je dis "T'es vraiment qu'une p'tite conne, tu dis qu'j'les séduits toutes / quand t'es pas là j'suis un junkie j'attends qu'les aiguilles tournent". En gros je dis que t'as pas à être jalouse parce que c'est toi que j'aime.

Elle ne répond pas dans un premier temps.

-J'ai envie de partir Ken.

Mais qu'est-ce qu'elle me raconte là?

-Mais genre loin, continue-t-elle. Sur une île déserte. Et mes parents seraient là. Et je leur poserai toutes les questions que j'aimerai leur poser, sur le fait d'être parent, tout ça. Ce que ça fait d'aimer quelqu'un de toute son âme, enfant ou pas. Je flippe parce que j'ai jamais eu des parents derrière moi qui me disaient quoi faire, que je puisse les écouter ou faire le contraire. Moi j'avais mon frère, mais j'étais sa sœur, pas sa fille alors c'était pas pareil. Il a donné tout ce qu'il pouvait et je ne le remercierai jamais assez pour tout ce qu'il a fait pour moi. Mais il y a des fois où j'aimerai juste revoir mon père et ma mère et les serrer dans mes bras.

Elle essuie ses yeux et serre ses genoux contre elle. Je vais m'asseoir à côté d'elle et je la prends dans mes bras.

-Donne-nous une chance Evie. Tu sais, c'est pas parce qu'on se prend la tête et qu'on s'engueule qu'on ne s'aime pas pour autant et qu'on ne doit pas être ensemble. Je sais que j'ai pas rêvé ce que tu m'as dit l'autre soir et je t'avoue que moi aussi je flippe à mort. Mais je t'aime.

Je pose mes mains sur les siennes et entremêle mes doigts aux siens. Elle se laisse aller contre moi et pose sa tête sur mon torse. Elle se tourne pour mettre son visage dans mon cou et je la sens inspirer profondément. Peut-être que mon odeur la rassure autant que la sienne pour moi.

-Je t'aime, marmonne-t-elle contre ma peau.
-Evie?

Je suis pas sûr d'avoir compris. En fait je pense avoir compris mais j'ai envie qu'elle me le redise. Elle lève la tête et ses yeux assombris par l'eau de ses larmes se plantent dans les miens.

-Je t'aime Ken.

Sa main caresse ma joue doucement, puis elle m'embrasse.

-EVIE? MÉLA A BESOIN DE TOI, LÀ!

Sneaz tambourine à la porte. Le visage d'Evie affiche l'inquiétude. Elle m'embrasse une dernière fois.

- Je t'appelle.

À peine elle m'est revenue qu'on me l'enlève, songeai-je en la voyant passer la porte que Sneazzy vient d'ouvrir.