Chapitre 22 : "J'arrive pas à dormir"

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EVIE

26/12/2012

Lorsque je rentre chez moi, il s'assoit sur le canapé tandis que je vais me mettre en pyjama. Quel soulagement d'être enfin au chaud après une heure de marche dans ce froid glacial ! Je vais ensuite rejoindre Ken sur le canapé, parce qu'il y fait plus chaud que dans ma chambre. Il m'attire à lui, je me laisse faire parce qu'il n'est pas en mode congélation comme moi.

- Je te demande pardon.

Il me serre contre lui et je sens enfin que je me réchauffe.

-J'accepte tes excuses, mais uniquement parce que je me les gèle, répondis-je en me blottissant contre lui.

Il me repousse, vexé.

-Naaan Ken c'est bon je rigole, s'il te plaît j'ai froid!

Il va à l'autre bout du canapé en croisant les bras.

-Ken, si tu fais ça je vais avoir super froid, je vais attraper la grippe plus une pneumonie et je vais mourir et t'auras ma mort sur la conscience.

Il tourne la tête vers moi.

-Pour te faire pardonner, dis-je en me rapprochant de lui.

Il me prend dans ses bras et j'enfouis mon visage dans son cou.

-Mais t'as le nez froid! Se plaint-il.
-Je te l'ai dit, j'ai FROID.

Je glisse mes mains autour de son torse et je pose ma tête dessus. Je sens sa main enlever mon élastique et mes boucles tombent en désordre sur lui. Il embrasse le dessus de ma tête et il respire l'odeur de mes cheveux, je sens son souffle chaud.

-J'adore ton odeur, murmure-t-il. Tu m'as manqué.

Il embrasse ma tempe. Lui aussi il m'a manqué, même si je lui en voulais.

-On a plein d'open mic à partir de samedi, me dit-il.
-A Paris?

Suga t'es conne, s'il te le dit c'est que c'est sûrement pas ici.

- Non, plus loin. Lille, Lyon et Nice.
-Au moins j'aurai la paix pour réviser mes partiels, plaisantai-je. Je suis contente pour vous.
- Je voulais que tu viennes avec nous...
- Je peux pas Ken, j'ai mes partiels à la rentrée et je peux pas me permettre de rater une deuxième fois ma première année.
- Je comprends, dit-il froidement.
-Ça ne dépend pas de moi Ken.
- Je sais je suis déçu c'est tout.
- Je t'... t'aime, tu sais.

Maintenant je prie pour qu'il reste le même, même si j'ai réussi à lui dire ces mots. Pas comme l'autre là... Les larmes me montent aux yeux et je me mets à pleurer.

-Bébé ne pleure pas... Je t'aime aussi, tu le sais...

Oui mais est-ce que ça va durer? Est ce qu'il ne va pas me considérer comme acquise, baiser d'autres meufs et finir par me tabasser?

-Dis-moi ce qui te fait peur Evie.
-J'ai.. Je... pas maintenant Ken s'il te plaît.

Je parviens à me calmer, essuie mes larmes du revers de la main, puis je me lève et l'entraîne avec moi jusqu'à ma chambre. Deux heures plus tard, je ne dors toujours pas.

-Ken tu dors?
-Mmm.
-Ken?
-Moui?
-Tu dors?
- Non.
-J'arrive pas à dormir.
-Quelle heure il est?
-1h.
-Tu veux qu'on aille se promener?
-Grave! Mais pas longtemps alors, il fait super froid.
-OK.

Je me suis habillée chaudement pour survivre au froid glacial de décembre, puis nous sommes partis, et c'est comme ça qu'on s'est retrouvé sur le Pont Mirabeau à presque 2h du matin. Je m'accoude au pont comme j'adore le faire, et Ken imite ma position à côté de moi. Je regarde le reflet de la ville sur la Seine.

-Sous le Pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure murmurai-je doucement.

J'adore ce poème, j'adore Apollinaire et j'adore ce pont.

-Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

J'avoue avoir été surprise quand la voix de Ken s'est mise à réciter ce poème. Je pensais pas qu'il connaissait.

-L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Esperance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure continuai-je.

-Passent les jours et passent les semaines
Ni le temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le Pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure termine-t-il.

- Je savais pas que tu connaissais ça.
-Tu ne sais pas tout de moi Bébé. Tu sais que j'aime la littérature pourtant.
-Oui mais moi aussi j'aime la littérature mais je connais pas tout.
-Moi non plus.
-Ce que je veux dire c'est que moi j'arrive pas à lire les livres classiques. J'aime que les poèmes, parce que je trouve que ça apporte une sensibilité et un sens au texte qu'il n'y a pas dans les simples romans. Alors que toi tu connais les poèmes ET les romans.
-C'est vrai. Mais t'en as lu quand même des romans?
-Ceux de Maupassant, et Les liaisons dangereuses. Les autres, j'ai été contrainte et forcée par ma prof de français au lycée, une vraie sorcière.
-T'as fait L?
- Tu veux faire quoi en L si t'es allergique aux classiques? T'es fou, j'ai fait S moi.
-Madame est une scientifique?
-Arrête j'aimais trop la physique et la SVT au lycée, mais je demandais tout le temps les cours des ES spécialité droit. J'aimais trop ça.
-Pourquoi t'es pas aller en ES alors?
-J'avais une prof d'éco horrible en seconde, ça m'a passé l'envie de continuer. En plus j'aimais pas l'éco, juste le droit.
-Du coup t'as fait bac S, et licence de droit.
-Ouais. T'as fait L toi?
-Ouais mais je supportais pas le lycée, être dans une classe, les profs, tout. J'ai arrêté les cours en première pour ça, et aussi parce qu'on avait pas mal d'emmerdes avec les frères... J'suis parti de chez mes parents et plus tard j'ai passé mon bac en candidat libre.
- Tes parents ils ont dit quoi quand t'es parti?
-J'leur ai pas demandé leur avis en fait.
-J'm'en doute, mais ils t'ont pas retenu?
-J'ai entendu mon père dire « il reviendra quand il se rendra compte qu'il peut pas se débrouiller tout seul ». Mais j'étais pas tout seul, j'avais mes frères qui m'ont aidé, et puis après j'avais Florence, ma deuxième mère si tu veux.
-Et quand ils ont vu que tu revenais pas, ils ont pas exigé quand tu reviennes?
-Ma soeur les a convaincus de ne pas le faire parce qu'elle savait que j'étais pas bien dans ma tête.
- Mélissa ? Quel âge elle a déjà ?
-17 ans.
-Elle est au lycée?
-Oui en terminale L. Elle a un an d'avance.
-La famille de littéraire, plaisantai-je
-Ouais, sourit-il. Et ton frère, c'est un scientifique aussi?
-Ses profs l'ont poussé à faire S parce qu'il avait les capacités, mais il aurait préféré aller en L, il est très littéraire mon frère. Il a fait 6 ans de pharmacie, maintenant il est préparateur en pharmacie mais je crois que ça l'intéresse pas, ça le saoule.
-Comment il s'appelle déjà?
-Olivio. Il a 26 ans.
-Wow il est vieux!
-Abuse pas, il a que 4 ans de plus que toi.
-Ah ouais dur, c'est vrai j'ai 22 ans.
-Toi aussi t'es vieux, me moquai-je.

Il se met à bouder.

- T'es un gamin vieux parce que tu boudes.
- T'es méchante, geint-il.

Je lui fais un bisou sur la joue.

-On rentre?
-Vas-y la flemme, ton appart il est grave loin, tu veux pas qu'on aille chez moi ? C'est moins loin...
-Mais vous êtes déjà 123!
-En fait y'a que Mekra, Framal et moi qui y habitons, c'est les autres qui squattent h24.
-Donc en fait y'a que eux 2 en ce moment?
-Ils doivent pas être rentrés encore.
-Bon OK.

DésastreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant