Désastre

Partie 2-11.

24/09/2019
Evie

J'habite chez Mélanie pour quelques jours, le temps pour moi de bien réfléchir à ce que je veux, le temps de faire le point. Elle habite à Orléans, mais ce matin j'ai pris le train pour aller marcher dans Paris.

C'est physique, Paname m'attire à elle, je ne peux pas m'en séparer. Mes pas me guident jusqu'à mon ancien appartement dans lequel je vais, parfois. La propriétaire me l'a légué dans son testament parce qu'elle savait à quel point je l'adorais, et puis elle savait que son fils n'en voudrait pas. Du coup j'en suis la propriétaire et j'y viens, rarement mais ça arrive. Je rentre, me déshabille et enfile un jogging et un T-shirt Seine Zoo que Framal a piqué à Ken pour moi. Ça fait grave psychopathe dit comme ça, mais un soir quand j'étais enceinte de Chloé je l'ai appelé en pleurant et il m'a ramené un T-shirt de Ken sur lequel il y avait encore son odeur. Je m'allonge sur le canapé et soupire un grand coup avant de fermer les yeux. J'entends ma porte s'ouvrir.

-Salut Ev'.

Oh non pas lui. Lucas, surnommé "La Glu" par Méla et moi. Je l'ai largué au moins trois fois mais il n'a visiblement toujours pas compris.

-Lucas, je t'ai déjà dit que c'était fini.

- Mais non Bébé...

Il s'approche de moi et il l'embrasse dans le cou. Il m'écrase avec son poids alors je n'arrive pas à le repousser.

-LUCAS, NON!

- Je sais que t'en as envie Ev'.

"Ev'", je déteste ce surnom en plus. Sa main remonte sur ma cuisse, il tente de la passer dans ma culotte. Je le mords violemment et profite de sa surprise pour le maîtriser au sol.

-Aurais-tu oublié ce que je suis? Demandai-je ironiquement. Dégage. Et si tu reviens, je te fous en cage pour agression sexuelle c'est clair?

Je le lâche, il s'en va. Je lève le regard et sursaute en voyant Ken.

- Ça fait longtemps que tu es là ?

- Je viens d'arriver. C'est ici que tu passes tes "quelques jours pour réfléchir"?

-Non, j'avais besoin de marcher dans Paris et je suis passée ici.

- Je savais pas que tu l'avais gardé.

- La proprio me l'a légué, il est à moi maintenant.

Il hoche la tête, puis ses yeux tombent sur le T-shirt que je porte.

-C'est à moi ça, non?

-Non, affirmai-je, sûre de moi.

-Ah bon, dit-il en tirant dessus pour m'approcher de lui, et tu t'appelles Ken toi, donc?

Je n'avais jamais vu les 3 petites lettres cousues sur le col...

-Oui bah p't'être que tu l'as laissé chez moi hein, j'sais pas moi hein.

- Le label Seine Zoo Records n'était pas créé quand on était encore ensemble, Evie.

-Bah j'sais pas.

Il a un sourire en coin.

- C'est Fram qui te l'a filé.

-Non.

- Je l'ai vu faire Evie, je t'ai entendue pleurer au téléphone et je faisais semblant de dormir quand il est venu dans ma chambre.

Je hausse les épaules, dissimulant ma gêne le plus possible.

- Tu as fait quoi de Chloé?

-Les frères lui apprennent à jouer à FIFA.

- Pas prête de gagner si c'est ces deux handicapés de la manette qui lui apprennent. Va falloir que je le fasse.

Il m'attire à lui pour que je m'assois contre lui dans le canapé. Il passe ses bras autour de moi, je passe les miens autour de lui, la tête posée sur son épaule, comme avant. Avant même qu'on soit ensemble.

- Tu m'as jamais raconté pourquoi t'avais peur qu'on te frappe...

Je sens mon pouls s'accélérer, je n'aime pas parler de ça.

- C'est du passé maintenant.

Il paraît très blessé, comme si je lui avais dit quelque chose de vexant.

-Ken qu'est-ce qu'il y a ?

-Rien.

- Je t'ai vexé, pourquoi?

- Tu me dis plus tout comme avant.

- Tu peux t'en prendre qu'à toi, si je peux me permettre.

Il ne répond pas, il sait que j'ai raison.

- Je t'aime Evie, tu le sais.

- Je sais.

Il caresse mes cheveux.

-Est-ce que tu m'aimes ? Me murmure-t-il dans l'oreille.

-Je sais pas, répondis-je sincèrement. À ton avis, si je prends du temps pour réfléchir, c'est pour quoi? J'ai pas envie de refaire de conneries Ken, on est trois maintenant à subir les conséquences, et non plus deux.

-Comment tu peux savoir si tu peux continuer ta vie avec moi si on n'est pas ensemble? Tu sais pas comment j'ai évolué en sept ans.

-C'est vrai, admis-je. T'as raison.

- On attend quoi alors?

-Pense à Chloé, Ken. On est ses parents, on ne peut pas se mettre ensemble, puis se séparer, au gré des conneries de l'un ou de l'autre. On sait même pas si on sera capable de se supporter tous les jours, parce que t'as changé et moi aussi. On n'est plus des gamins maintenant, on est des adultes et parents qui plus est. On n'a pas droit à l'erreur...

- Je pense qu'on devrait faire un test, genre sur quelques semaines. On se remet ensemble en mode comme avant, avec les gars et tout.

- Et Chloé en fait quoi?

-On la donne à ma mère, elle me harcèle pour l'avoir.

Why not?

- Tu peux y réfléchir hein, de toute façon sept ans après je suis plus à quelques semaines près...

Je rigole, il fait mine de bouder.

- Tu me diras ce que t'en penses, OK?

Je hoche la tête.

- Tu viens demain?

- Tu m'as pris pour qui? J'vais pas rater l'anniversaire d'Hakim t'es fou.

Il se relève.

- OK. Bah... On se voit demain alors...

Il semble hésiter pendant quelques secondes puis il s'en va.

Me laissant avec un bordel monstre dans la tête.