Je La vois la nuit

Chapitre 52

C'est un sentiment très étrange...

Cette impression de déjà-vu, c'est comme revivre le temps où je venais juste de tomber amoureux de P'Pha. Je ne peux pas m'empêcher de cogiter seul dans mon coin. Je ne saurais pas dire si c'est une bonne ou une mauvaise chose, mais ce n'est pas le fait de vivre loin de P'Pha qui m'effraie le plus. Ce qui me préoccupe le plus c'est ce qu'il ressent en ce moment. Il n'y a pas de quoi se réjouir en sachant que ses parents se disputent. Comment je suis censé ne pas m'inquiéter ?

Je lui envoie souvent des messages pour savoir comment il va auxquels il répond brièvement et en utilisant toujours les mêmes émoticônes. Parfois, la seule chose que je vois c'est une petite tête triste.

Les rares fois où j'ai l'occasion de l'appeler, je peux entendre les cris incessants de ses parents dans le fond. Évidemment, P'Pha ne veut pas m'inquiéter et fait de son mieux pour couvrir leurs hurlements constants. Il me répète à chaque fois à quel point il est heureux d'entendre ma voix, qu'il meurt d'envie de me voir mais ses parents refusent de le laisser quitter la maison tant qu'ils ne trouvent pas un terrain d'entente.

Pour faire simple, je n'ai pas d'autre moyen de le contacter que par LINE. J'aimerais tellement voir son visage mais, vu les circonstances, je ne peux rien faire d'autre que de l'attendre patiemment et de prier que tout se passe pour lui et sa famille.

D'ailleurs, c'est la première fois que je passe mes journées à scruter mon portable dans l'espoir d'avoir une réponse de P'Pha. Mon quotidien depuis le début du semestre se résume à ça : attendre les messages de P'Pha.

« Putaiiiiiiiiiiin ! »

Mon cri fait sursauter Ai'Ming qui regarde un film juste à côté de moi. Je me retrouve encore à débattre avec moi-même concernant la situation dans laquelle P'Pha se trouve. Je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter alors que j'ai fait exprès de proposer à Ai'Ming de m'accompagner à Siam pour me changer les idées. Malgré ça, mes pensées convergent toutes vers une seule et même personne, P'Pha.

Comment je suis supposé me détendre ?

« C'est moi que t'insultes ?! », hurle Ai'Ming à mon intention.

« Non, c'est juste que ma vie est nulle. »

Ai'Ming secoue la tête et me tapote gentiment le dos pour me réconforter, « Je me doute que cette situation est difficile pour toi aussi. Si ça arrivait à P'Kit, je serais dans le même état que toi. »

« C'est pas le fait de vivre loin de lui qui me fait peur. C'est juste que je m'inquiète vraiment pour lui. Tous les jours, je peux rien faire d'autre qu'attendre son appel et lui dire « Ne t'inquiète pas pour moi », « Essaie de penser à autre chose », « Bonne nuit », « Je t'aime ». »

« Enfoiré... c'est trop cucul pour moi. »

« T'es... », je ne sais pas si je devrais me sentir flatté ou insulté mais, dans tous les cas, la situation est trop grave pour plaisanter avec ça.

« Calme-toi. »

« Je sais que ça concerne sa famille et que j'ai pas le droit de m'en mêler... », je fais une légère pause, « mais je veux juste savoir comment il va. Au fond, je sais que c'est difficile pour lui d'endurer ça tout seul. »

Ming se gratte l'arrière du crâne en marmonnant quelque chose.

« P'Pha t'a jamais interdit de venir le voir. »

Je tourne violemment la tête dans sa direction. C'est bien la première fois que j'associe Ai'Ming avec le mot « génie ». « Mais... t'es sûr que c'est une bonne idée ? Je veux dire, de voir sa famille dans un moment pareil. » J'ai peur d'empirer les choses en me pointant là-bas, je doute sérieusement sur le fait qu'apprendre que leur fils sorte avec un homme arrange quoi que se soit.